Richard Dawson – The Ruby Cord

Publié par le 17 novembre 2022 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Domino, 18 novembre 2022)

Un an après avoir collaboré avec le groupe expérimental finlandais, Circle, sur le très réussi Henki,  Richard Dawson conclut, avec The Ruby Cord, son triptyque débuté en 2014 avec l’album Peasant, et poursuivit en 2020 avec l’album, justement intitulé, 2020. Trois volets pour parler du passé, du présent, et maintenant du futur.

Richard Dawson fait partie de cette classe d’artistes britanniques qui a eu le bon goût de ne pas connaître le succès, faute de l’avoir cherché. Il propose une musique essentiellement acoustique, expérimentale, libérée du préfixe brit, à l’ombre des courants. Je ne peux m’empêcher de le ranger, inconsciemment, aux côtés d’artistes éminemment précieux, mais définitivement à part, tels que David Thomas Broughton, Ed Dowie ou encore Howie Reeve. Tous convoquent les troubadours fantasques, et sûrement fantasmés, qui décoraient les chemins de terre avec des histoires folles, jadis, mais aussi naguère, dans mon Occitanie natale ; aux temps des géants et de l’amour courtois.

Richard Dawson, plus particulièrement, m’est apparu, la première fois que j’écoutais sa musique, comme un avatar de Tom Bombadil qui se serait perdu dans notre monde de fous, cherchant sa Baie d’Or en chantant des chansons de vingt minutes sur les aires d’autoroutes entourant n’importe quelle ville nouvelle de plus de vingt mille habitants. Il m’a fait penser aussi, à un Tom Cullen (M.O.O.N), innocent et héroïque, sans masque ni voix.  

The Ruby Cord est la continuation naturelle de ma douce fantaisie autour de cet artiste. Le premier titre, « The Hermit », nous plonge dans une litanie pastorale de quarante-et-une minutes, durant lesquelles le gonze déploie son brio, et fait danser son verbe sur une mélopée qui tient autant du folk, que du prog, avec même, histoire de bien vous faire fuir, quelques arêtes free jazz étrangement éparpillées entre les lignes, trop fines et trop fragiles pour rester longtemps coincées dans votre gorge (soyez rassurés). Un moyen métrage réalisé par James Hankins accompagnera le titre et sera diffusé dans quelques salles au Royaume-Uni, en attendant, peut-être, une diffusion par chez nous. 

À la fin de ce premier geste, pour le moins exigeant, nous n’avons d’autre choix que de le remettre aussitôt, afin de tenter d’en saisir la lumière, ou bien de retomber sur nos pieds et de passer vite à autre chose. Ce serait prendre le risque de se priver du reste de l’album qui se prolonge alors avec le wyattesque « Thicker tha Water ». Un rayon de soleil perce le givre, une harpe et quelques guitares. À sa suite et en quelques mesures, c’est la silhouette du vieux Tom Waits qui se dessine dans l’introduction de « The Fool ». Nous voilà ivres dans les allées pourpres d’une fête foraine étincelante, guidés par Richard Dawson en monsieur loyal flamboyant et mité. Cordes et voix de fausset nous enivrent tel un cordial et nous finirons, c’est sûr, par être transformés en ânes, comme dans la version de Comencini, au milieu des embruns et des pierres blanches. Sur « Museum », nous sillonnons les galeries d’un musée, du futur, où l’homme à disparu. Sur « The Tip of Arrow », une menace latente peine à s’extraire de sa chrysalide. Le refrain nous surprend, la première fois, par son port martial, sa facture glam et ses intentions métalliques. Il était dit que The Ruby Cord serait un voyage, avec le soleil, le vent… et au moins cent paysages.  « Terre ! » avons-nous envie de crier alors que le violon du dernier titre, « Horse and Rider », vient nous susurrer à l’oreille des airs de marins que nous n’avons jamais entendus.

C’est la fin du périple. Il aura duré une heure et vingt minutes, soit la durée d’attention moyenne de personne. Richard Dawson s’affirme une fois de plus en artiste lumineux et résolument hors normes. À l’heure de l’annonce de la reformation d’un groupe insipide que la bienséance et le sens du show m’interdisent de nommer ici, l’art et la musique, tels que pratiqués par le blond paladin de Newcastle m’apparaissent plus vitaux et plus jouissifs que jamais (ouaiS !). The Ruby Cord est une mine aux merveilles, aux multiples lectures, un conte SF passionnant et dévorant, condamné à l’ombre et aux entrefilets.

Les outsiders auront toujours ma voix.

Max

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *