Shannon Lay – Geist

Publié par le 8 octobre 2021 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Sub Pop / Modulor, 8 Octobre 2021)

C’est peu dire que j’avais aimé le dernier album de Shannon Lay. C’était un de mes coups de cœur de 2019, et pour être tout à fait honnête, il n’a pas vraiment quitté mes oreilles depuis. Quelle joie, donc, d’apprendre la sortie de Geist cette année, et de me rendre compte qu’il n’a pas à rougir de son prédécesseur.

Je ne peux cependant pas dire que j’attendais cet album de pied ferme. Je n’avais déjà pas l’impression d’avoir fait le tour du précédent ! Du coup, il aurait pu souffrir d’un effet de “trop, trop vite”, même si 2 ans d’attente est un délai fort raisonnable et que cet effet aurait plus été à mettre au compte de ma paresse d’auditeur. Heureusement, dès les premières notes de “Rare To Wake”, je me trouve immédiatement emporté dans cet univers musical désormais familier, où tout ce qui m’avait plu est là. La douce voix de Shannon Lay, les arpèges chaleureux, les mélodies envoutantes, la mélancolie lumineuse (merde, il semblerait bien que j’ai fini par le placer, ce terme à la con !), tout ne pourra que séduire les amateurs du genre, a fortiori s’ils avaient déjà aimé August.

Cependant, loin de reprendre la formule du précédent album, l’album semble l’approfondir encore. Les arrangements, particulièrement sobres (les percussions qu’on entendait encore sur “Nowhere”, par exemple, ont complètement disparu) tout en étant variés, semblent tout faire pour mettre en avant la voix et la guitare (même le solo de “Shores”, les cordes de “Sure”, les claviers occasionnels ou l’orgue de “Time’s Arrow”) et l’artiste, touchée par la grâce, ose des choses nouvelles, comme une instrumentale (“July”) ou une chanson presque a capella, spirituelle et particulièrement touchante (“Awaken An Allow”). Les autres compositions, moins déroutantes, sont néanmoins excellentes ; je citerais “Untitled” qui rappelle le meilleur d’Ichiko Aoba, “Geist” ou “Shores” avec leur rythme ternaire charmant, mais toutes sont réussies. Non contente de faire mouche à chaque fois, elle enfonce le clou avec une sublime reprise de Syd Barrett, “Late Night” et ses “the way you kissed will always be a very special thing to me” absolument irrésistibles. Je n’aurais jamais cru que l’album qui suivrait August pourrait parfois m’apparaitre encore meilleur, et pourtant.

Si ce dernier était un hommage au moment où l’artiste a choisi de se consacrer entièrement à la musique, j’ignore totalement la thématique globale de ce Geist, s’il y en a une. Le mot allemand signifie “esprit”, et l’album n’en manque pas. On apprécierait de poser la question à Shannon directement, mais à défaut de pouvoir le faire, on pourra se concentrer sur ce que nous évoque sa musique : le genre qui ravivera les fantômes d’amours passées, mais toujours avec le sourire aux lèvres. Un sentiment universel et pourtant difficilement descriptible, le genre que seules les œuvres d’art chargées en émotion peuvent invoquer. Malgré son jeune âge, Shannon Lay nous offre une musique qui touche à l’intemporel, et si elle nous chantait que nous arriverions bientôt nulle part dans son précédent single, on voit aujourd’hui que sa trajectoire artistique ne suit pas le même chemin.

En résumé, il y a des disques qui tentent de nous arracher la tête à grands coups de tatane. On aime bien ça, en général, chez Exitmusik. Cependant, il y a aussi des disques comme celui-ci, qui nous entourent chaleureusement d’un cocon doux et bienveillant en nous faisant un énorme câlin musical. Et franchement, après plusieurs mois de distanciation sociale, ça fait un bien fou. Merci beaucoup !

Blackcondorguy

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