Turbonegro – Apocalypse Dudes

Publié par le 18 février 2018 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

(BoomBa, 1998)

Il y a 20 ans sortait l’un des plus grands albums de rock des années 90. Et celui-ci ne vient ni de l’Ouest des États-Unis, ni d’Angleterre, ni même d’Australie ou d’Irlande. Non, l’un des plus grands disques de rock de la fin du 20ème siècle vient de Norvège. Qui l’eut cru ?

Certes, la Scandinavie est plus connue pour ses groupes de metal extrême ou de punk hardcore, que pour son rock de bon goût. Il n’empêche que ce disque est la raison pour laquelle Turbonegro est aujourd’hui un groupe qui compte pour tant de personnes. La raison pour laquelle ils ne sont pas un énième groupe de punk. Mais Apocalypse Dudes, c’est avant tout l’histoire d’un groupe qui réussit sa mutation, qui franchit un gouffre… et un putain d’album de rock.

Ass Cobra avait confirmé à ceux qui y avaient prêté l’oreille, malheureusement peu nombreux à l’époque, que Turbonegro était un groupe de punk à suivre, capable d’apporter des mélodies bien tubesques à ses morceaux punk énervés. Cet album avait permis au groupe de sortir la tête de l’eau, de mettre les galères du début derrière eux et d’aller de l’avant. Puis, il y a eu une histoire de pizza.

Car entre l’enregistrement et la sortie d’Ass Cobra, presque deux ans se sont passés et deux membres du groupe sont partis, dont le guitariste Pål Pot, qui après un voyage en Thaïlande, se reconvertit en gérant de pizzeria. En son absence, Happy Tom reprend la basse et propose le poste de guitariste par interim à Knut Schreiner, surnommé Euroboy du nom de son autre groupe. Schreiner a été bercé au rock glam des 70s, Stooges période James Williamson en tête, et apporte une touche technique loin des riffs hardcore et des solos minimalistes qui étaient la norme jusqu’ici. Si bien que quand Pål Pot revient, il n’est pas en mesure de jouer les nouveaux morceaux et se retrouve clavier/danseur.

Le nouvel album, écrit dans la foulée, repose sur une superbe conjonction d’éléments : les aspirations de Happy Tom d’écrire des morceaux plus élaborés, mélangeant l’énergie punk avec des aspects hard rock et rock 70s sont rendues possible par la maitrise d’Euroboy à la guitare et le nouveau batteur Chris Summers qui renforce la section rythmique, tandis que le côté glam est sublimé par la voix et le charisme d’Hank Von Helvete, qui arbore désormais les soleils noirs à la Alice Cooper. La présence scénique est accentuée par le nombre de musiciens (2 guitaristes, 1 bassiste, 1 batteur, 1 chanteur et 1 claviériste/danseur) et leur look gay agressif en jean de la tête aux pieds, les discours débiles de Hank et les fameuses ass rockets, feux de bengale allumés entre ses fesses.

Évidemment, Turbonegro n’est pas un groupe de black metal ou de punk-musette, et la gaudriole seule n’aurait que peu d’intérêt, surtout sur album. Non, l’intérêt principal d’Apocalypse Dudes, c’est sa musique. Et dès l’introduction, habituelle chez eux, ça part fort. Quatre accords à la guitare acoustique appuyés par un piano discret et une lente montée de guitare électrique, puis une petite ligne de dialogue. Simple, efficace. À l’image des trois morceaux qui suivent : “Age Of Pamparius”, l’ode à la pizza, “Self-Destructo-Bust” qui reprend la thématique désabusée d’Ass Cobra, et “Get It On” qui pourrait faire office d’hymne Death Punk, trois gros morceaux rock’n roll, sing along irrésistibles. Rien qu’avec ça, on tiendrait un album super cool.

Là où le disque fait fort, c’est que même les passages les moins marquants sont composés de titres mémorables ; “Rock Against Ass”, “Don’t Say Motherfucker, Motherfucker” et “Rendez-Vous With Anus” seraient dans le haut de panier s’ils avaient été composés par d’autres groupes dans la même veine (au hasard, Backyard Babies, The (International) Noise Conspiracy ou les Hellacopters), là ils font surtout patienter avant que les choses sérieuses ne reprennent. Et le bloc suivant, sans être dénué d’humour, présente du très sérieux : “Zillion Dollar Sadist” parodie d’ego trip au riff imparable, “Back To Dungaree High” où la batterie fait des merveilles, reprise régulièrement par Nick Oliveri, “Are You Ready (For Some Darkness)” dont le pont reprend “Night Theme” d’Iggy Pop et James Williamson (tiens donc) et surtout, surtout “Prince Of The Rodeo”. C’est bien simple, je pense que si je devais choisir un morceau pour expliquer à quelqu’un ce qu’est le rock, je lui ferais simplement écouter “Prince Of The Rodeo” : une batterie-bulldozer, un riff incroyable, un couplet “question-réponse”, une outro avec un sing along parfait, des paroles bien potaches (“Fornicator of the lasso/Sperminator of the asshole“)… à moins d’avoir subi une ablation du bon goût depuis sa plus tendre enfance, je ne vois pas qui pourrait ne pas aimer “Prince Of The Rodeo”. Absolument irrésistible !

Après un passage aussi fort, le dernier virage est négocié en douceur : “Monkey On Your Back”, un petit morceau punk pas mal mais pas inoubliable, “Humiliation Street” qui reprend un peu laborieusement “Gimme Danger” des Stooges avec Williamson (tiens donc !) et “Good Head”, un sing along sympathique qui remplit honnêtement son rôle de dernier morceau sans pour autant être grandiose. Qu’importe, voilà treize morceaux qui vous donneront à coup sûr l’envie de reprendre une bière, de déhancher votre popotin sans complexe et de chanter à tue-tête votre amour de la vie et du rock’n roll. Enfin, du Death Punk. Mais bon, c’est un peu pareil.

Au final, 20 ans après, et quels que soient les méandres dans lesquels le groupe s’est égaré depuis, Apocalypse Dudes reste un putain de grand disque pour qui aime le punk rock simple, efficace, mélodieux et décomplexé. Pour qui aime le rock en général, d’ailleurs.

Blackcondorguy

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