Suicide – Suicide (Red Star)

Publié par le 22 juillet 2016 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

Suicide1977Quelle meilleure occasion de célébrer Suicide, qu’à la mort de son cofondateur ? Les disquaires vont s’en donner à coeur joie, alors faisons de même.

Alan Vega s’en est allé, mais la musique de Suicide restera.

Pour son impact, déjà. Indéniable. Sur la musique électronique évidemment, sur la noise, l’indus, le punk, la new wave, aussi. Deux petits mecs, des machines, et pourtant tant de choses à dire, d’émotions mêlées à l’écoute de ce premier album qui reste un monument, et un point d’ancrage pour beaucoup.

Sombre et hanté comme du Joy Division. Hypnotisant comme de la transe. Rageur comme un bon vieux Stooges.

Vega était d’ailleurs fasciné par les Stooges et leurs concerts qui pouvaient virer en émeutes, une habitude qui deviendrait celle des shows de Suicide*. Oui, il y avait quelque chose de suicidaire à s’y rendre. Quelque chose de sulfureux aussi, à voir débarquer un Alan Vega brandissant une chaîne de moto avant de se faire canarder d’objets en tout genres.

Ces soirées-là n’étaient jamais de tout repos. Et ce disque est tout sauf une innocente promenade de santé. Ce disque est une invitation au malaise. Suicide se propose gentiment de racler notre boîte crânienne à la truelle pour y faire entrer ses étranges incantations. Et ce, dès l’entame, bien punchy, avec un « Ghost Rider » tout en électricité, en saccades infernales. « America, America’s killing its youth » scande Vega, en bon prédicateur dont nous buvons les paroles. Pas vraiment le choix vu la déferlante.

En 1977, alors dans la fleur de l’âge, Vega jouait déjà au fantôme, chuchotant entre les échos et les infrabasses (“Rocket USA”). Il n’a pas fini de nous faire flipper. Plus tranquilisante pour nos pauvres âmes malmenées, “Cheree” cachait toutefois un amour certain pour le malsain. Derrière un xylophone suspect et des “i love you” susurrés, la comptine avait quelque chose de tourmentée.

Un appât séduisant et un piège qui se referme, voilà qui pourrait assez bien résumer la musique de Suicide quand elle se voulait « romantique ».

Sur « Girl », mêmes causes, mêmes effets. Une basse qui fait le boulot de défrichage, rigoureusement, Martin Rev qui sort son clavier/orgue à la Manzarek, Vega qui gémit « oh girl turn me on ». Dangereusement sexy.

Sur cette première galette suicidaire, au son martelé, primitif, on peut également entrevoir les prémices new wave, avec les aspects douteux que cela peut comporter (encore plus évident sur le morceau bonus « Keep Your Dreams »** et sa boîte à rythmes bien kitsch).

Mais l’épreuve la plus redoutable est la piste 6, « Frankie Teardrop ». Vega, en mode schizophrène, y campe un travailleur précaire, se tuant à la tâche dans une usine. Martin Rev maintient une tension de tous les instants, nous propulse dans la tête de Frankie, qui perd son boulot, et les pédales… pour finir par tuer femme et enfant avant de se faire sauter le ciboulot. Vega/Frankie pousse des hurlements azimutés. 10 minutes tout bonnement terrifiantes, à peine écoutable. Il fallait oser graver ça sur un 33 tours ! Il fallait déjà oser appeler son groupe Suicide, remarquez…

JL

*En témoigne l’extrait live « 23 Minutes Over Bruxelles » (ajouté sur la réédition), au son et à l’atmosphère exécrables. On peut y entendre un groupe hué et pour le moins chahuté tout au long de sa performance, avant de de devoir quitter la scène sous les vivats d’un public libéré de sa souffrance auditive.

**Présent sur la réédition et assez logiquement exclu de la tracklist d’origine, parce que plus « gentillet » et donc moins en phase avec le reste de l’album.

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