Ramones – Ramones (Sire)

Publié par le 27 avril 2016 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

ramonescovComment écrire un article sur le premier album des Ramones sans bêtement répéter ce qui a déjà été dit des milliers de fois ? Ou plutôt, comment ne pas s’arrêter à un péremptoire « rien n’a été fait de mieux depuis, exceptés leurs deux albums suivants ! » ?

On se confronte à ce type de problématiques en voulant chroniquer quelque chose d’aussi universellement connu que les Ramones. Une petite quinzaine d’années plus tôt, cela aurait encore proposé un certain challenge. Pour beaucoup, les Ramones restaient en effet ce groupe aux chansons très courtes et toutes similaires, faites de trois voire quatre notes différentes, et qu’un musicien débutant pouvait facilement reproduire. La hype du revival rock and roll du début des années 2000 est ensuite passée par là.

Les Ramones sont entrés dans les références au même titre que, voyons large et brouillon, les Sex Pistols, les Stooges, Led Zep, les Clash, les Stones, les Sonics, les Who… Beaucoup de groupes à guitares ont commencé à être étiquetés d’un sympathique mais souvent creux « ils ont un petit côté Ramones ». Hier, on nous disait qu’ils ne savaient pas jouer, aujourd’hui ils sont le summum du cool et on les a toujours adorés. Au-delà de ce petit monde égocentré, le groupe est devenu une sorte de marque plus ou moins reconnue par le grand public. Bien que croiser un t-shirt des Ramones fasse toujours plaisir, il y a quelque chose d’étrange à le savoir acheté chez H&M tellement cela semble antinomique avec ce que les Ramones ont été : l’anti-cool, la loose pas très beautiful, le pas glamour du tout, l’objet de moqueries complaisantes, les mecs que logiquement on ne célèbre pas sur MTV.

Bon, c’est sympa de nous dire que l’image des Ramones a bien changé, mais cet album alors, ça donne quoi 40 ans après ? Et bien, déjà il s’ouvre par « Blitzkrieg Bop ». Et ça, c’est pas rien. Entendu des milliers de fois, l’hymne absolu « Hey ! Ho ! Let’s go ! » reste d’une efficacité extraordinaire. Assez archétypal du son Ramones : compressé, dépouillé et rentre-dedans, avec ce gimmick inoubliable. Un assaut très punk qui sonne très pop. Le vrai tour de force des quatre faux-frères est peut-être à retrouver ici : parvenir à réinsuffler de l’âme dans un rock and roll qui, en 1976 donc avant la vague punk, en manque sévèrement. Retrouver l’esprit innovant et fun de ce qui se faisait quelques décennies plus tôt (la pop, la surf, les girls band des 50’s…), le jouer plus vite et y ajouter de grosses guitares. En somme, faire du bubble-gum.

L’album offre une belle variété de morceaux (en déplaise aux tenants du « ouais, c’est tout pareil » qui n’ont jamais dû vraiment l’écouter), allant du pur punk avec la méchante minute trente-six de « Now I wanna Sniff Some Glue », l’hargneuse « I Don’t Wanna Walk Around With You », à la bien-nommée « Let’s Dance », jusqu’à une pure merveille de ballade comme l’universelle « I Wanna be Your Boyfriend ». On oublie trop souvent que les Ramones sont avant tout d’excellents songwriters, dotés d’un sens de la mélodie très au-dessus de la moyenne. En une poignée de notes, ils parviennent à faire ce que d’autres n’auront pas même effleuré en plusieurs milliers.
Et n’oublions pas que des titres comme « 53rd & 3rd », traitant des épisodes de prostitution du  bassiste Dee Dee à Manhattan, l’apocalyptique « Today Your Love, Tomorrow The World » ou l’évidente « Judy Is A Punk » ont posé les jalons de ce qui allait être qualifié comme « punk ». Loin de l’image qu’ont pu en véhiculer les Sex Pistols ou les Clash, les Ramones incarnent une autre facette du genre. Dépolitisé, sans autre revendication que le droit d’écrire des chansons en quatre accords, d’aller à la plage avec des copines et de s’amuser. Ce qui influencera – et continue heureusement d’influencer – plusieurs générations de « crétins » (terme tiré de leur morceau « Cretin Hop ») dans le monde.

Mélange de rage et de sucre, le premier album des Ramones reste un essentiel pour tout amateur de rock and roll. Cités par des gars comme Joe Strummer (ainsi que Bono mais nous préférons ne pas en parler ici), comme l’une de leurs influences essentielles, Ramones est la pierre angulaire d’un genre qui perd son préfixe de « proto » pour s’ouvrir les portes de la pop music d’un grand coup de Converse sales. Il témoigne déjà du sens mélodique hors norme du groupe, de ce son et cette personnalité si reconnaissables. On retrouve les mêmes qualités chez ses deux petits frères (Leave Home et Rocket To Russia) avant que cette première période soit conclue par l’implacable It’s Alive.

M.A.

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