Arcade Fire – Reflektor (Mercury)

Publié par le 4 novembre 2013 dans Chroniques, Toutes les chroniques

arcade-fire-reflektojpgLe voici donc le très attendu 4e album d’Arcade Fire. Un album qui a fait déjà couler beaucoup d’encre et dont les avis sont pour le moins partagés. Certains crient au génie, d’autres hurlent à l’arnaque. Avant même de pouvoir évaluer sa qualité intrinsèque, un constat s’impose dès la première écoute : Arcade Fire n’est plus tout à fait le même groupe.

“Reflektor”, envoyé en éclaireur bien avant la sortie de l’album du même nom, avait donné le ton. Entre funk et disco, entre kitsch et fun, entre anglais et français, entre Bowie (au chant) et James Murphy (à la prod), il y avait de quoi se perdre dans les méandres de ce titre étonnant. De quoi en tomber raide dingue aussi.

Arcade Fire a beaucoup voyagé ces derniers temps et est revenu avec des tonnes d’idées dans ses valises. Ils ont importé la basse et les effluves dubbesques de Kingston (“Flashbulb Eyes”), l’esprit festif et dansant de Haïti (tout le premier disque).
L’apport de James Murphy est également éloquent. Il y a clairement du LCD Soundsystem dans ce Reflektor. Ça et là, on note également une touche de Depeche Mode (l’excellent “Porno” sur le second disque) ou de… Michael Jackson (la basse de “We Exist”, autre très bon titre au demeurant) !

Ces nouvelles influences ont de quoi déboussoler les fans de cette pop tantôt héroïque tantôt lunaire qui faisait la force et marque de fabrique d’Arcade Fire. Et il faut donc pas mal de temps pour se familiariser à ce changement radical.

Pour ne pas totalement nous déboussoler, les canadiens n’ont pas oublié de nous fournir la bardée de tubes habituels (les très efficaces et entraînants “Normal Person” et “You Already Know”). “Joan Of Arc” n’est pas loin de rejoindre le club mais l’affreux passage chanté en français par Régine Chassagne lui interdit l’accès.

Au premier abord, on se dit que ce double album est avant tout un joli coup marketing. 13 titres pour un double album c’est bien léger. À y regarder de plus près, les titres sont très longs (aux oubliettes le format radio de 3-4 minutes) et l’ensemble dure plus d’1h15. Bref il y a de quoi faire. Et surtout le second disque est très différent du premier. La séparation en deux albums est donc parfaitement légitime.

Après la fête, le défouloir, l’éclate totale sur le dancefloor vient la redescente, l’heure de l’introspection. Symbole du premier disque, “Here Comes The Night Time” promet de longues nuits enflammées. Pour le réveil difficile, on optera pour sa “suite” (“Here Comes The Night Time II”) qui ouvre la seconde galette et vous refilera la migraine et l’envie d’aller vous recoucher. En revanche, le riff de “It’s Never Over (Hey Orpheus)” vous remettra d’aplomb pour de bon. À la fois incisif et planant, ce morceau est un petit bijou qui ne demande qu’à se bonifier en prenant de l’âge. Ajoutez à cela, la remarquable “Awful Sound (Oh Eurydice)” (dont l’intro renvoie à la “Ballade De Melody Nelson” de Gainsbourg avant de retomber sur du Arcade Fire… sous cachetons) et l’imparable “Afterlife”, single en puissance, et vous conviendrez que la case réussite est bien plus remplie que celle des échecs.

Deux disques très différents donc et extrêmement riches. L’ensemble aurait sans doute gagné à être plus dense, moins éparpillé mais on ne va pas se plaindre d’un groupe qui fourmille d’idées.
Arcade Fire a voulu nous faire son London Calling. Avec des influences différentes certes mais une boulimie, une remise en question et un melting-pot du même goût. N’est pas Clash qui veut mais l’effort est louable. Salutaire même à une époque où peu de groupes osent se mettre en danger. Et l’essai, à défaut d’être totalement brillant, n’en demeure pas moins très intéressant et ouvre de belles perspectives pour l’avenir.

JL

It’s Never Over (Oh Orpheus) by Arcade Fire on Grooveshark

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