Pavement – Wowee Zowee

Publié par le 20 avril 2015 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

pavementwow

(Matador, 11 avril 1995)

Il y a de ça une semaine, Pavement s’amusait avec nos nerfs à annoncer sur les réseaux sociaux « une bonne nouvelle » pour bientôt. Et de raviver les fantasmes d’une énième reformation dont on ne sait trop s’il faudrait s’en réjouir (qui a dit Pixies ?).

A moins qu’il ne s’agisse d’une réédition de Wowee Zowee, leur 3e album qui vient tout juste de fêter ses 20 ans*… On ne va pas se torturer les méninges 107 ans en attendant la fameuse annonce mais voilà un prétexte tout trouvé pour chroniquer ce disque, d’autant qu’il a une saveur particulière pour moi, puisque c’est celui qui m’a ouvert en grand les portes de Pavement.

Et c’était pas gagné, parce que le moins qu’on puisse dire c’est que Wowee Zowee a de quoi dérouter. Bon, au vu de la pochette, on pouvait déjà se poser des questions…

Derrière son image de branleur patenté, Malkmus se bouge plus qu’il en a l’air. Il se bouge pour la cause la plus importante à ses yeux : écrire des chansons qui lui ressemblent, faisant preuve d’un éclectisme des plus enthousiasmants.

L’énergumène est inclassable, jouant tour à tour le rôle du chanteur à fleur de peau (“We Dance”), du conteur coolos pressé par des guitares plus rugueuses et… des klaxons (“Rattled By The Rush”) ou du type hystérique qui noie sa folie sous une couche de wah-wah envahissants (“Brinx Job”).

Porté par son chanteur schizophrène, Pavement délivre un disque d’une incroyable richesse, mélange foutraque de tout un tas d’émotions, d’une grande variété de styles. Surf rock (“Grave Architecture”), indie 90’s pur et simple (“Kennel District”), punk sauvage (“Serpentine Pad”), ballade tranquille (“Black Out”, “Motion Suggest Itself”), country-jazz sous psychotropes (“Western Homes”)… Ou tout ça à la fois.

C’est totalement barré, décousu, rempli de soubresauts inconcevables… mais également remarquablement cohérent (il n’y a qu’à écouter la dantesque “Half A Canyon”).

C’est là toute la force de Malkmus, capable de nous embarquer dans ses délires bien qu’au départ on le scrute tous d’un œil circonspect. Finalement c’est la singularité de ses morceaux qui les rend si attachants. Ce côté simpliste, non calculé. Comme s’il se livrait à nous avec un naturel désarmant. Et nous faisait fondre avec ses mélodies qui ne sont pas clinquantes mais se révèlent être de sacrés trésors qu’on est fier d’avoir réussi à appréhender.

Malkmus avait confessé après coup avoir fumé trop d’herbe à cette période pour expliquer les choix étranges de ses singles. Il faut dire que peu de morceaux correspondent à la définition du single.

Allez, il y en a bien un. Comme pour mieux nous narguer, Pavement a glissé au milieu de toutes ces pièces bizarroïdes un morceau tout ce qu’il y a de plus académique dans sa construction et sans trop de divagation Malkmusiennes : “Grounded”, véritable bijou aux guitares mélancoliques. Histoire de dire “on sait aussi faire ça mais on est avant tout là pour s’éclater, non” ? Comment leur donner tort ?

Jonathan Lopez

*le disque a déjà été réédité en 2006 avec une flopée de bonus…

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