Black Sabbath – Paranoid (Vertigo)

Publié par le 30 janvier 2013 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

sabbthEn 1970, le hard rock est un genre nouveau. Led Zep a posé les bases avec ses deux fantastiques premières galettes, Deep Purple les talonne mais il reste du chemin. Un sillon à creuser, beaucoup de choses à accomplir.

Les deux derniers nommés dégagent certes une puissance jamais vue auparavant mais sans renier les sonorités blues plus clinquantes. Ça bourrine ok mais on n’oublie pas les bases Sex, Drugs and Rock’N’Roll que Ian Dury immortalisera avec son tube en 1977, symbole du rock 70’s.

Black Sabbath, emmené par Ozzy Osbourne et sa voix nasillarde, le génial guitariste Tommy Iommy, le bassiste Geezer Butler et Bill Ward à la batterie, se démarque d’emblée sur son premier album éponyme avec un son d’une noirceur absolue et des textes sataniques. Ozzy remarque que les films d’horreur cartonnent et fascinent, alors pourquoi la musique devrait-elle toujours être joyeuse, et non pas sinistre ? Pas con le gars, même s’il ne se doute surement pas que lui et ses copains sont ni plus ni moins en train d’inventer le metal.

Le groupe est à part, ils ne passent pas inaperçus, leur premier opus fait grand bruit mais ce n’est rien comparé au tsunami qui arrive, à peine sept mois plus tard. Enregistré en deux jours seulement, Paranoid est et restera pour toujours le chef-d’euvre de Black Sabbath et un album déterminant dans l’histoire de la musique.

La piste d’ouverture, “War Pigs”, aurait dû donner son nom à l’album mais les pontes de chez Vertigo Music en ont décidé autrement. Un titre qui dénonce la guerre au Vietnam passe encore (d’autant que bien d’autres l’ont fait avant) mais nommer l’album “les porcs de la guerre”, faut pas déconner non plus. Qu’importe la guerre est finie et ce morceau tout bonnement extraordinaire n’a, lui, pas fini de tourner sur les platines du monde entier.
Le riff lourd de Iommi balise le terrain en introduction et c’est parti pour près de huit minutes de pur bonheur. La structure est extrêmement complexe, faite de rebondissements incessants, de breaks ultimes (Bill Ward s’éclate comme un dingue derrière ses fûts) et de passages tous plus fabuleux les uns que les autres. Ozzy en fout plein la tronche de Nixon et ses potes “Politicians hide themselves away. Their only starve is the war. Why don’t they go out to fight? They leave that up to the poor.” / “Les politiciens se cachent. Ils sont assoiffés de guerre. Alors pourquoi n’y vont-ils pas eux-mêmes ? Ils prérèrent y envoyer les pauvres.” Tommy Iommi, inspiré comme jamais, livre un récital avec sa six-cordes enchaînant les riffs monstrueux avant de livrer un solo final frappé du sceau du génie.

Mon dieu, après avoir entendu ça, on peut mourir tranquille comme dirait l’autre. Ce morceau est tellement parfait que même Faith No More (pourtant mené par Patton, pas le dernier des tarés), en a fait une reprise quasiment à l’identique sur l’album The Real Thing. D’aucuns la qualifieront de fadasse mais il faut surtout prendre ça pour un hommage car après tout, à quoi bon modifier un tel morceau ?

Et derrière, on continue dans le mythique avec “Paranoid”. Un riff simple, brutal, conçu pur nous péter les dents et ça marche fort bien. Sur un rythme beaucoup plus enlevé que “War Pigs”, le morceau est un concentré d’énergie fulgurant qui vous laissera sur le carreau.

Changement de registre avec “Planet Caravan”, sublime ballade, qui nous plonge dans une atmosphère enfumée. La basse de Butler nous enveloppe, Ward cesse de martyriser sa grosse caisse et s’empare de percus plus appropriées, Ozzy baigne au milieu des reverbs. L’effet est immédiat : on flotte. Complètement stoned. Iommi s’adapte et balance un solo bluesy à tomber raide. En trois morceaux, très différents les uns des autres, Black Sabbath a calmé tout le monde en pondant trois chefs-d’oeuvre.

C’est là que tout groupe normalement constitué nous aurait mis un petit morceau gentillet histoire de garder des munitions pour la suite. Que nenni. Au lieu de ça, on se remange un uppercut dans la face. “Iron Man” et son riff ravageur qui fait figure de classique instantané. Trois secondes et on sait de quoi on parle. Six minutes et on appuie sur repeat. Frénétiquement.

Après s’être amusé des séries Z des 70’s, le groupe nous refait le coup de l’atmosphère lugubre à souhait. Le titre est d’ailleurs évocateur : “Electric Funeral”. Ozzy prend son air inquiétant du gars qui invoque les esprits, Tommy nous sort un riff où wah-wah dégoulinant et grosse distorsion métalleuse font bon ménage. Un morceau bien crasseux.

Sur “Hand of Doom”, une fois n’est pas coutume c’est la basse de Butler qui mène les débats suivie de près par le chant traînant d’Osbourne. L’atmosphère est toujours aussi tendue.

L’instrumental “Rat Salad” est l’occasion pour Bill Ward de se mettre en avant et se permet même un gros solo de batterie (qui peut paraitre assez longuet je vous l’accorde). Un morceau agréable mais certainement pas celui à retenir de l’album. Faut dire que la concurrence est sévère.

L’album défile à vitesse grand V et on arrive déjà au dernier titre sans qu’on ait eu le temps de dire ouf. Et là je vous le donne en mille, ce “Jack The Stripper/Fairies wear Boots” est encore une fois un très grand titre. Ozzy nous conte ses délires de défonce (il voit des fées danser par la fenêtre…) tandis que la section rythmique fait des merveilles, dictant le tempo tout en laissant libre cours aux divagations guitaristiques de Iommi. Nouvelle preuve que le quatuor a du génie et de la créativité à revendre.

Et voilà. Voilà comment en un peu plus de 40 minutes posées sur bande, Black Sabbath a tout changé. 43 ans plus tard, du hard rock au doom metal en passant par le grunge ou le stoner rock, on ne compte plus les groupes influencés par Sabbath… A l’époque, pourtant, les critiques ne comprennent rien à ce qui se trame et descendent en flèche l’album. Le public, lui, ne s’y est jamais trompé et aujourd’hui tout le monde est d’accord. Les sept disques de platine ainsi que la présence du disque dans tous les classements des plus grands albums de tous les temps attestent de son aura.

1970 marque la fin des Beatles mais décidément les anglais ont de la ressource musicalement. Et ce 18 septembre 1970, jour de la mort d’un des plus grands guitaristes de l’histoire (RIP Jimi…), restera également comme l’an 0 d’un nouveau courant musical majeur.

JL

Écoutez “War Pigs/Luke’s Wall”
War Pigs / Likes Wall by Black Sabbath on Grooveshark

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