King Gizzard & The Lizard Wizard – KG

Publié par le 26 novembre 2020 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(Flightless, 20 novembre 2020)

Un de mes meilleurs amis était maqué à une époque avec une hôtesse de l’air roumaine. Un jour, celle-ci l’a emmené au mariage de son cousin. Dans la banlieue de Timisoara. Là-bas, en Roumanie. Mon ami me racontera par le menu ce qui s’avérera être une expérience des sens. Arrivé sur place, il débarque devant une fresque humaine ; la mariée, ronde et sucrée comme une chouquette version Balkans ; le marié, tout petit, le tiers du volume de sa promise ; la grand-mère, veuve noire en puissance ; les amis, déjà chauds bouillants à 11 heures du matin. La journée s’annonçait sous les meilleurs auspices. Si ce n’est ce sympathique orchestre local, des cordes, beaucoup de cordes. D’abord discret, il assure un crescendo en volume et en rythme, jouant et rejouant de plus en plus vite les mêmes trois joyeusetés, jusqu’à un climax qui n’arrivera jamais. Mon ami, plein d’empathie, tiendra longtemps son sourire crispé plein de compassion envers ces bons gars jouant la ritournelle mais il entame la 8ème heure (oui) de mariage en musique avec une pointe d’agacement. La fresque s’enflamme, les invités sont à fond. Une folie douce à la Kusturica. Mon ami rentrera se coucher au moment où une vieille histoire de famille ressort dans les vapeurs éthyliques et que les esprits s’échauffent. Courage, fuyons. « Mais de quoi il parle, ce con ? » vous dites-vous ? Eh bien, écoutez « Ontology »… On est en plein dedans, l’orchestre des Balkans, le rythme sautillant, la folie douce, la soirée qui glisse. Je ne serais pas étonné que ce morceau devienne une antienne, un « anthem » des futurs concerts de « KG » ! Fermez les yeux et imaginez la marée humaine, la fosse, sautant sur ces rythmes de grosse kermesse clinquante. Rendez-vous en 2021 pour tenter ça ? Bon, il y a le reste de l’album. Telle une barre de force, il s’articule autour de deux piliers, « Automation » et « Intrasport » (à propos de force). Les deux nous emmènent sans ménagement dans ce monde post-industriel qui est un des terrains de jeu favoris de KG+TLW. « Automation » fait le job, un single tout trouvé alors que je suis un peu plus circonspect sur « Intrasport », petite dérive à la Muse, groupe des 90’s qui a sorti des albums faciles et efficaces mais est ensuite tombé dans l’addiction aux stades avec au passage un glissement musical vers une soupe « électro-indus -parano-les élites nous mentent ». Nos amis de KG sont encore loin de ces excès (d’ailleurs, « Intrasport » se laisse écouter si on ne sait pas que c’est eux). Meilleure preuve en est, ce subtil « Minimum Brain Size » qui nous rappelle que nos amis australiens ont inventé un son qui sera beaucoup copié. Un son et aussi une furieuse tendance à aller dénicher des instruments traditionnels d’ici et d’ailleurs. Et ils nous refont ce coup-là – mais sans nous lasser ni se caricaturer – sur « Straws In The Wind », l’instru en question n’est pas d’une subtilité folle mais c’est voulu et c’est bien comme ça. « Honey » nous ramène à l’essence de cet excellent groupe, la camaraderie (je crois qu’un des deux batteurs vient de s’arrêter sans scandale ni cri et va d’ailleurs continuer à jouer un rôle important, hors scène), les strates de gratte acoustique, la douce voix de Stu Mackenzie, on pense que la veillée au coin du feu va se terminer et… c’est soudain le final de « The Hungry Wolf Of Fate » qui démarre, sombre, inquiétant, pesant, vrillant les tympans du sympathique fan qui en redemande et vendrait femme et enfants pour assister à un nouveau concert de King Gizzard & The Lizard Wizard. Ça donne quoi, KG dans un monde post-Covid ? En résumé ce LP, sobrement intitulé KG, n’est ni un album marquant comme Murder Of The Universe (qu’on adore ou déteste), ni une des tables de la loi du début (I’m In Your Mind Fuzz), ni un album bâclé (Sketches Of Brunswick East). Non, c’est un album assez sobre, notre bouée de sauvetage pour terminer 2020 sans se coller une balle, un album assez réussi. Puis… puis… il y a ce « Ontology » qui nous fera nous lever et danser sur les cendres d’un virus enfin dézingué !

Manu

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