Wire – Pink Flag (Harvest)

Publié par le 28 avril 2013 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

pinkflagAu milieu des 70’s, les British (toujours eux…) nous refont le coup de l’invasion sonore massive. Dans la roue des Pistols et Clash, pas mal d’autres groupes se disent que finalement c’est peut être pas si compliqué que ça de faire de la musique. Et accessoirement ça a l’air d’être un sacré défouloir.

À mille lieux des délires psychédéliques et expérimentations sans limites des 60’s, un nouveau genre fleurit et les disquaires flairent l’aubaine. 4 lettres pas dures à retenir qui sonnent comme un gros FUCK (à peu de choses près) : PUNK. Et surtout, surtout un retour aux sources, à l’énergie, au Rock’n’Roll dans sa plus simple expression.

Et donc (on revient au paragraphe 1), hormis les trois monstres sus-cités, bon nombre de jeunes rebelles vont s’y mettre aussi, foutre un sacré boucan et (parce que c’est quand même ça qui nous intéresse en ces pages) pondre des grands disques.

Et toi qui est extrêmement perspicace, tu devines qu’un des plus grands c’est celui-là, ce Pink Flag des Wire. Bien vu et ce sera d’ailleurs le seul “vrai” album de Punk Rock de Wire.

Le groupe, formé à Londres en 1976, est composé de Colin Newman (guitare, chant), Graham Lewis (basse, chant), Bruce Gilbert (guitare) et Robert Gotobed (batterie). Ils figurent en 1977 sur l’album live The Roxy London WC2, un des premiers testaments du punk anglais aux côtés notamment des Buzzcocks et X-Ray Specs. Je précise punk anglais parce qu’il ne faudrait pas trop oublier qu’avant eux aux States y avait le Velvet, les Stooges, Television puis les New York Dolls qui ont clairement posé les bases du genre (et faudrait ptet pas oublier les Ramones coco).

Vous vous doutez bien que Pink Flag ça a un certain rapport avec un certain groupe relativement connu dont le nom ressemble un peu ? Vous avez pas tort. Les Floyd étaient voisins de label et, pas vraiment idolâtré par les punks (regardez-moi ce salopiaud de Johnny Rotten !).

Comme le punk, et pas comme les Floyd, la pochette est pour le moins minimaliste avec ce poteau planté au beau milieu de nulle part et arborant un drapeau rose (pink flag donc si vous suivez un peu). Drapeau qui fut d’ailleurs ajouté ultérieurement au pochoir, exemple parfait du Do It Yourself, cher à l’étique punk.

Ceci étant dit il serait peut-être temps de parler de l’album n’est-ce pas ? Nous y voilà. 21 morceaux, 36 minutes. On parle de punk là hein, du vrai. Et là les rabat-joies se disent “ouais d’accord j’vois le genre ça joue à 200 à l’heure, des morceaux de 30 secondes, ça crie et musicalement c’est le néant.” Ben non mon gars !

Alors oui y a beaucoup de morceaux très courts, avec un record à 28 secondes pour le très bon “Field Day For The Sundays” qui fait dans l’urgence. Ça c’est pour la stat’. Mais au-delà de ça un constat s’impose très vite : cet album est prodigieux.

D’abord parce que Pink Flag est richement doté en riffs inoubliables. Parfois on se dit que ça paraît évident mais ça ne l’est pas. Balancer autant de phases mémorables c’est pas donné à tout le monde. Et ce n’est pas Robert Smith qui dira le contraire lui qui s’est légèrement inspiré du riff d'”Ex Lion Tamer” (quel morceau !) pour en faire un des classiques de Cure “Just Like Heaven“.

Le bon punk c’est ça, de l’énergie brute, des chansons courtes bien torchées, qui font mouche. On retrouve également les fameux “one, two, three, four” (“Mr Suit”) ou parfois même “un, deux, trois, quatre” (“Surgeon’s Girl”) avant de partir à grandes enjambées sautant par dessus les haies.

Et si le disque a si bien vieilli c’est aussi parce qu’il est remarquablement produit, riche en subtilités (si, si) et ne manque pas de prendre par surprise. Comme ce “Lowdown”, absolument génial, au riff lourd et lent, qui dénote du reste de l’album joué à 200 bpm. Et Colin Newman chantant ses couplets en mode “j’en n’ai rien à branler” et qui paradoxalement dégage une classe inouïe.

Ou ce shoot d’adrénaline qu’est l’instrumentale ravageuse “The Commercial” qui nous file des coups de tatane pour qu’on accélère le pas.

Deux titres sont incroyablement longs comparé au reste : “Pink Flag” (3’47) et “Strange” (3’58).

Ce sont aussi deux sommets de l’album. Le premier s’appuie sur un riff abrasif et s’achève sur un final tout en bruit.

Le second, porte bien son nom. Une succession de bruitages étranges et torturés viennent perturber l’implacabilité de ce riff monstrueux, saturé bien comme il faut. Et je vous l’ai dit que Newman avait la classe ? J’insiste.

Ce monument introduit une série de titres fabuleux ce qui élève la face B à des hauteurs insoupçonnées. Car s’ensuit des morceaux punk certes, mais aux allures pop avec un sens mélodique très affirmé (les irrésistibles “Mannequin” et “Fragile”). De la trempe des plus grands tubes de Clash. Sur London Calling, on n’y aurait vu que du feu. Mais ce n’est pas fini.

Et “Champs” alors ? Putain “Champs”, quelle claque ! Une énergie faramineuse, une furie contagieuse. Quel dommage que le titre dure moins de deux minutes, j’aurais bien signé pour 3 de plus !

Dernières bouffées de chaleur sur “1 2 X U”. Colin Newman profère des propos d’une débilité sans nom (répétant en boucle “saw you in a mag, kissing a man“) mais l’essentiel est ailleurs. L’essentiel c’est cette basse intenable soutenue par une batterie frénétique. Et quelques décharges électriques sorties de la gratte de Bruce Gilbert. Et voilà comment boucler un album exceptionnel.

Un disque finalement très varié, bourré d’inspiration, qui laissait présager que Wire ne se contenterait pas de rester un (grand) groupe punk. Ils le confirmeront très vite ensuite. Dès l’album suivant, le fantastique Chairs Missing, où le style Wire s’affirmera et s’orientera davantage vers une dimension post-punk, une  tension tout en retenue, un univers plus proche de Joy Division ou autres Bauhaus.

On ne peut être qu’admiratif d’un groupe (toujours bien vivace d’ailleurs puisqu’ils ont sorti un nouvel album en début d’année) ayant signé l’un des meilleurs disques Punk Rock de l’histoire à ses débuts et qui derrière n’a pas hésité à s’affranchir de ce genre pour explorer d’autres univers et faire évoluer sa musique de manière considérable.

 

JL

 

Écoutez “Champs”

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