Fugazi – Red Medicine

Publié par le 26 juin 2020 dans Chroniques, Incontournables, Non classé, Toutes les chroniques

(Dischord, 12 juin 1995)

Après une féroce intro noisy chargée de faire fuir les moins vaillants, on nous ressert un groove démoniaque. Fugazi’s back. « Do You Like Me » fait mine de s’interroger ce fripon de Picciotto qui connaît parfaitement la réponse, à moins qu’il ne souffre d’un complexe d’infériorité face à son pote au bonnet. WE DO LOVE YOU. ALL OF YOU.

Amoureux transis même lorsque survient dans la foulée la fabuleuse « Bed For The Scraping ». Sa basse terrible, ses guitares hystériques (le retour de la boucle qui rend dingo) et Ian en mode pétage de plombs.

On pourrait alors croire assister à l’acte 4 de la leçon mais ce début d’album n’est qu’un leurre et le public punk du groupe, probablement déjà un peu paumé par les trois premiers disques, ne va pas tarder à être semé pour de bon. Le quatuor ne se contente pas ici de réciter sa formule maîtrisée sur le bout des doigts, sur laquelle tout le monde se touche depuis maintenant cinq ans et cet incroyable Repeater. Parfaitement conscient d’être au-dessus de tout, le groupe se dit qu’il a désormais suffisamment de bouteille (pas n’importe quelles bouteilles, Ian veille au grain !), non seulement pour remettre la main sur la table de mixage en se passant de producteur (comme pour Steady Diet Of Nothing, le deuxième acte), mais aussi pour se permettre quelques excentricités. Fugazi invite ainsi une clarinette sur l’invraisemblable “Version”, portée par la basse de ce motherdubber de Lally. Parce que pourquoi pas. Qui se souvient alors que MacKaye est le type qui clouait tout le monde au mur en 1’30 quelques années plus tôt ?

Dans un autre délire, sur « Birthday pony » on fait mumuse en intro avec des chaises qui crissent, des coups de cymbale hors de propos, trois notes de piano et des cris de demeurés, avant que Ian n’entonne son « This is a birthday pony » d’un air un rien débilos. C’est aussi foutraque qu’irrésistible. Sur l’instrumentale « Combination Lock », la section rythmique démentielle nous fait de nouveau frétiller les guiboles. Et Joe Lally a ensuite droit à son heure de gloire, s’emparant du micro sur « By You », tandis que les guitares dissonantes fusent d’une oreille à l’autre (au casque, c’est la guerre). Le tout s’achève dans un joyeux combat de larsens livré par les artilleurs en chef MacKaye-Picciotto.

Mais Red Medicine, c’est aussi la très touchante et presque maladive « Forensic Scene » introduite par une basse rampante, suivie du chant sur le fil de Picciotto. Sommet d’EMOtion. Le gars Guy qu’on retrouve également à son meilleur sur « Long Distance Runner », non sans un petit coucou au préalable à la fanbase punk, déboussolée par tant de variété, mais pas tout à fait oubliée (les deux missiles « Back To Base » et « Downed City »). La radicalité est donc toujours de mise, elle est de toute façon inhérente à ce groupe. Mais il y a tellement plus, depuis toujours, et peut-être plus que jamais ici. Des idées qui s’entrechoquent en permanence, de la beauté derrière tout ce vacarme. Il suffit simplement de fouiller un peu. Et de laisser le temps faire son œuvre. 25 ans après, Red Medicine a eu tout le loisir d’infiltrer tous nos pores et aucun doute n’est aujourd’hui permis : il trône tout là-haut dans la discographie sans faille de Fugazi.

Jonathan Lopez

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