The Clash – London Calling

Publié par le 4 novembre 2012 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

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(Columbia, 14 décembre 1979)

En 1976 à Londres, trois jeunes anglais commencent à répéter dans un squat. Joe Strummer au chant et à la gratte (“Strummer” comme “le gratteur”, “parce que je ne peux jouer que les six cordes à la fois, ou aucune” dira-t-il plus tard), Mick Jones tient l’autre guitare et Paul Simonon à la basse, lui qui en joue depuis six semaines…

Leur premier batteur, Terry Chimes, n’aura pas fait long feu. Il les abandonne après un concert houleux où ils sont bombardés de bouteilles et de canettes. Terry n’aura pas supporté l’explosion d’une bouteille de vin sur sa Charleston…

Le trio organise alors des auditions à Camden Town pour trouver son successeur. 206 passeront derrière les fûts, 205 échoueront. Nicky “Topper” Headon est retenu. Le garçon est extrêmement talentueux et pense ne faire qu’un bref passage au sein du groupe, le temps de se faire repérer pour faire carrière ailleurs. Il constatera rapidement que ce n’est pas une mauvaise idée de rester avec Mick, Paul et Joe.

Le groupe adopte une attitude punk, un look punk (chemises peintes à la main, pochoirs et slogans), une musique punk et des textes punk dont les principes fondamentaux sont la critique de l’ordre établi, la dénonciation des injustices, la lutte des classes… Strummer se remémore ce que signifiait intégrer les Clash “je suis revenu à la case départ, l’année zéro. Le punk t’obligeait à oublier une bonne partie de tes acquis. […] On s’acharnait à créer quelque chose de nouveau, tâche qui s’avère toujours ardue. C’était très rigoureux : on était tarés. Complètement, totalement tarés.”

Leur nom The Clash, trouvé par Paul Simonon, n’a évidemment pas été choisi par hasard. Au verso de la pochette du premier album, il est écrit “la jeunesse, après tout, n’est pas une condition permanente et un clash de générations n’est pas aussi dangereux, fondamentalement, pour le gouvernement que le serait un clash entre les gouvernants et les gouvernés.”

Leurs débuts sur la scène anglaise ne font pas l’unanimité. Le 4 juillet 1976, ils jouent en première partie des Sex Pistols dans un minuscule pub de Sheffield. Présent sur place, le journaliste du New Musical Express (NME), Charles Shaar Murray, n’est pas convaincu par leur prestation. Il écrit plus tard dans sa critique : “Les Clash sont le genre de groupe de garage qui devraient rapidement retourner dans leur garage, de préférence avec la porte fermée et le moteur en marche.” Pas un grand visionnaire le gars…

Le premier album éponyme est un vrai album punk comprenant quelques titres incendiaires comme “I’m So Bored With The USA”, “White Riot” et “London’s Burning”. Le second, Give ‘Em Enough Rope, est un peu décevant, trop produit, moins punk dans l’esprit. Il va falloir redresser la barre.

La sortie de London Calling est déjà un évènement en soi car il s’agit d’un double album (chose incroyable pour un groupe punk) vendu au prix d’un, sur insistance du groupe.

La pochette, légendaire, utilise la même police de caractères que celle du premier album éponyme d’Elvis Presley. La photo prise par Pennie Smith montre un Paul Simonon fracassant sa basse contre le sol lors du show au Palladium de New York en 1979. “Le concert était très tendu, j’avais l’impression de jouer à Londres, raconte-t-il. Vers la fin, je trouvais qu’il manquait quelque chose, j’ai agrippé ma basse et je l’ai éclatée par terre, parce qu’il n’y avait aucune interaction avec le public, alors que c’est ce qu’on cultive.

L’album devait s’appeler The New Testament mais le nom avait déjà été pris et le groupe s’est dit que ça faisait un peu trop prétentieux.

Ce sera donc London Calling, titre de la première chanson, un des plus grands morceaux de l’histoire du Rock. Une énergie hallucinante, la tension dans la voix de Strummer, ses cris cassés, le riff répétitif de Jones, la basse mythique de Simonon. Tout est parfait dans ce titre. Et on se demande comment enchaîner après ça.

Ce ne sont pas les plus grands techniciens du monde de la musique. Strummer n’a pas une voix superbe, Mick Jones n’est pas un virtuose de la gratte mais les mecs dégagent une énergie incroyable et tellement communicative qu’il est inutile d’essayer de rester de marbre.

Impression confirmée sur “Brand New Cadillac”, remplie d’une folle énergie. Le titre a d’ailleurs été enregistré en une seule prise !

“Jimmy Jazz” dégage cette impression de coolitude absolue, la nonchalance de Strummer qui délaisse un peu de sa rage habituelle pour se la jouer ballade jazzy entre sifflotements et décontraction.

Strummer cite “Sattamassaganna”, morceau reggae culte des Abyssinians, rappelant à ceux qui l’avaient oublié que les Clash vouent une admiration sans borne aux standards jamaïcains. Ceux-ci leur rendent bien d’ailleurs, Lee Perry en tête, lui qui avait fortement apprécié la reprise de “son” “Police & Thieves” chantée par Junior Murvin et reprise brillamment par les Clash sur leur premier album. Ils ont ainsi gagné le droit d’apparaître sur le “wall of fame” de son studio Black Ark, en Jamaïque. Ce sont les seuls visages pâles à avoir eu cet honneur.

Le disque n’est donc pas qu’un brulôt anti-étatique, les Clash ne se contentent pas de jouer du punk, ils multiplient les influences, avec une classe sans nom. Ils s’éclatent, ne se prennent pas la tête et nous pondent un album de légende.

“Rudie Can’t Fail” et sa rythmique ska est des plus jouissives. “Spanish Bombs” sur les attentats au pays basque, est un des nombreux classiques de ce disque.

“Lost In The Supermarket” écrite par Joe, chantée par Mick, retient immédiatement l’oreille. Le riff est d’une simplicité enfantine et d’une efficacité diabolique, la mélodie pop reste dans la tête. Topper y joue de la grosse caisse, inspiré par un concert de Taj Mahal qu’il avait vu la veille.

“Clampdown”, condensé de tension, est un bijou de plus à cet album qui décidément n’en manque pas. Et que dire de “The Guns Of Brixton”, seul titre composé par Simonon ? Sa ligne de basse, reprise des centaines de fois, fait partie de l’histoire. “Revolution Rock” et ses gros accents dub (porté encore par la basse gloutonne de Simonon) nous donne un large sourire. Du bonheur en barre !

L’album se termine sur “Train In Vain”, un dernier classsique pour la route. Les Clash n’ont décidément pas leur pareil pour écrire des grands titres d’apparence simplistes mais immédiatement mémorables.

Le producteur Guy Stevens, à qui il manquait visiblement quelques cases (l’enregistrement était épique), leur a apporté ce grain de folie nécessaire, ce côté instinctif que l’on ressent tout au long de l’album. The Irish Hornes aux cuivres amenant eux une touche tantôt jazzy tantôt ska (“Jimmy Jazz”, “Rudy Can’t Fail”, “The Right Profile”, “Wrong ‘Em Boyo”).

Tout n’est pas parfait sur cet album, peut-être un poil trop long (19 titres) et un peu bordélique mais c’est un disque plein d’audace et d’originalité qui aura été source d’inspiration pour bon nombre d’artistes.

L’album est aujourd’hui considéré, à juste titre, par tous les spécialistes comme un des plus grands albums de l’histoire du Rock. Les Clash n’atteindront plus jamais cet état de grâce. Ils ont bien tenté de refaire le coup avec le triple album (!) Sandinista mais ce dernier, malgré des titres exceptionnels (“The Magnificent Seven”, “Somebody Got Murdered”) est un peu trop fouillis. Ils continueront de sortir des perles pour asseoir définitivement leur légende mais London Calling demeure leur coup de maître inégalable.

 

Jonathan Lopez

 

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