Wylde Ratttz – Wylde Ratttz

Publié par le 30 mai 2020 dans Chroniques, Notre sélection, Toutes les chroniques

(1er avril 2020… enregistré en 1997)

Vous pensiez que, sous prétexte qu’on est un webzine entièrement dématérialisé, que nous sommes sur les réseaux et que nous avons diversifié notre offre avec des playlists, des DJ sets (RIP) et des concerts, nous étions modernes et dans le coup ? 

Allons, quelques indices auraient pu vous mettre la puce à l’oreille : nous parlons principalement de rock, et pire, de rock indé (et pire encore, certains d’entre nous ont une fascination pour la musique des années 90), nous sommes principalement présents sur Facebook, le réseau social des vieux qui pensent encore être jeunes et pour ce qui est de diversifier notre activité, nous le faisons à pure perte sans aucun business plan efficace. On a même lancé une rubrique bd, comme si on se prenait pour un vrai magazine culturel, tout cela aurait dû vous alerter. La seule chose qui nous distingue de rock&folk aujourd’hui, c’est que nous ne portons pas de perfectos et que nous n’avons jamais dit de bien des groupes de baby rockers à la con qui ont complètement disparu depuis le milieu des années 2000. Et que les membres de notre rédaction sont trop jeunes pour avoir entendu en direct l’appel du 18 juin, accessoirement.

Bref, quand on voit surgir de nulle part en plein confinement un album inédit sur lequel ont participé Ron Asheton (là, on rejoint R&F), Mark Arm (Mudhoney), Mike Watt (Minutemen, fiREHOSE), Thurston Moore, Steve Shelley (Sonic Youth) et Don Fleming (Gumball)*, on est tenté de le propulser album de l’année direct sans même l’avoir écouté. Quand bien même l’enregistrement date de 1997, au contraire, c’est presque un argument supplémentaire pour envoyer chier toute la production actuelle.

Pour situer un peu, le groupe s’appelle Wylde Ratttz et a servi à agrémenter la BO du très anecdotique Velvet Goldmine, film des années 90 sur la scène glam un peu trop focalisé sur le fantasme homosexuel qui tournait autour. Au-delà de Christian Bale nous offrant la scène de masturbation la plus ridicule de l’histoire du cinéma et d’un caméo de Brian Molko en Mark Bolan, le film proposait surtout une prestation assez marquante de “TV Eye” par Ewan Mc Gregor dans le rôle d’Iggy Reed, et les Wylde Ratttz en formation restreinte lui servaient de backing band. Ce morceau et une compo originale s’étaient retrouvés sur le disque de la BO. Des rumeurs faisaient état de sessions assez productives, mais rien n’était venu le confirmer.

Or aujourd’hui, 23 ans après le film et 10 ans tout pile après le décès de Ron Asheton, 10 morceaux refont surface sur le bandcamp du groupe et viennent former ce qui apparaît comme leur premier album. Dès le premier morceau, “Hollow”, il y a franchement de quoi être convaincu : les riffs et solos uniques d’Asheton et la voix de Mark Arm offrent une combinaison pas loin d’être parfaite. On prend. On adore. On lui donne le podium de l’année, emballé, c’est pesé. Surtout que ça s’enchaine avec une reprise survitaminée du tube des Pretty Things “Rosalyn” où la motivation des trois chanteurs feraient presque oublier que Mark Arm n’est pas de la partie.

Le problème, c’est qu’on ne va pas jusqu’au bout de la démarche du rock critic à l’ancienne. On écoute le disque en entier. Et là, on se rend compte que Mark Arm n’est présent que sur deux titres, et que les autres ont beau faire ce qu’ils peuvent, il n’y a que lui qui peut rivaliser avec Iggy pour sublimer la guitare de Ron Asheton. Du coup, si c’est toujours plaisant d’entendre Thurston Moore chanter dans un registre punk ou si Don Fleming s’en sort honorablement, quand on sait qu’on aurait pu avoir Arm à la place, on a quand même un léger goût de frustration. Et que dire quand c’est Asheton lui-même qui pousse la chansonnette, prouvant que même en faisant de son mieux, il était bien meilleur à la guitare ?

Bon, quand on laisse de côté ce qui aurait pu être pour se concentrer sur ce qui est, derrière le supergroupe super enthousiasmant, c’est évidemment le guitariste des Stooges qui est à l’honneur, déroulant des compos totalement conformes à ce qu’on attend de lui, entre riffs proto-punks et solos simples mais efficaces. C’est plus ou moins inspiré, mais globalement tout fonctionne ; il n’y a que “Pull On The Pipe” qui me confirme que, malgré tout le bien que je pense du musicien et de l’homme, je ne suis pas très fan des compos de Mike Watt. Les deux morceaux plus lents, la ballade au piano “She’s Like Poison To Me” et le final “Be My Unclean” sont plutôt réussis, chacun dans leur genre. L’ensemble se tient plutôt bien et sent la récréation pour musiciens qui s’éclatent à se faire un petit fantasme de jeunesse. Le plaisir, le leur comme le nôtre, est palpable.

L’album de l’année, ce serait malhonnête, et ça ne remplacera jamais les vrais albums des Stooges, de Mudhoney ou de Sonic Youth (quoique, pour ce cas précis, je l’aime toujours plus que la période no-wave arty de ces derniers), mais une petite curiosité en marge de la carrière de musiciens qu’on adore et qui s’écoute avec grand plaisir. Ce serait idiot de s’en priver.

Blackcondorguy

PS : l’album n’est sorti qu’en format numérique. On peut l’écouter sur le bandcamp du groupe et l’acheter pour une dizaine d’euros. Les bénéfices sont reversées à la Ron Asheton Foundation, une organisation caritative qui intervient à Ann Arbor.

*on ne sait pas qui est Jim Dunbar, et on se fout un peu de Sean Lennon pour être honnête, mais ils sont aussi de la partie.

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