Talking Heads – Stop Making Sense (de Jonathan Demme)

Publié par le 5 février 2013 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

stop makingTalking Heads, ça vous parle ? Le groupe de David Byrne est créé en 1975. Originaire de Baltimore, David Byrne (chant et guitare) s’entoure de Jerry Harrison ex Modern Lovers (guitares et claviers), Tina Weymouth (basse) et Christ Frantz (batterie). Tina et Chris qu’il a cotoyés sur les bancs de l’université du Maryland, développeront en parallèle le projet musical Tom Tom Club.

Talking Heads trouve le succès auprès du public dès leur premier album, sobrement intitulé Talking Heads ’77, grâce notamment au titre « Psycho Killer » et son refrain chanté en français. Le groupe se démarque d’entrée par un style très personnel, groupe phare du mouvement new wave de la scène US, Talking Heads mélange allègrement de nombreux styles musicaux, et la voix très particulière de David Byrne, nasillarde, haut perchée et parfois hystérique fait le reste.

Leurs performances scéniques sont remarquées, encore une fois grâce à Byrne qui incontestablement est un véritable « personnage » en live. Son look d’étudiant propret tranche avec ses mouvements et postures désarticulés. Les textes ésotériques et fantasques sur les chansons qu’il compose pour la plupart ajoutant à son charisme.

La décennie 70’s s’achève pour eux, avec deux nouveaux albums. L’excellent More Songs About Buildings and Foods produit par l’incontournable Brian Eno, qui contient des titres formidables comme le très funky « Found A Job », la reprise du morceau d’Al Green « Take Me To The River » ou la très belle ballade « The Big Country » aux sonorités country. L’album suivant Fear of Music, annonce leur virage « World Music » qui va s’amplifier avec leur coup de maître à venir. Sur « Fear of Music », ils intègrent des sonorités africaines, percussions, claviers et délaissent leur pop new wave pour voguer doucement vers des sonorités plus funk et dansantes.

Le coup de maître dont je parle est bien entendu Remain in Light (qui fera, je l’espère l’objet d’une chronique ici-même prochainement). Remain in Light, album gorgé de funk et de rythmes africains est sans conteste leur chef-d’œuvre et l’un des grands disques du début des années 80. Dès l’intro de « Born under Peaches » ils annoncent la couleur, avec un évident changement de dimension. Puissance des compositions, interprétation au sommet et production très inspirée de Brian Eno pour leur dernière collaboration.

En 1984, ils partent en tournée à travers le monde, et offrent des sets proposant de balayer leur répertoire, des débuts new wave aux titres puissants des deux albums des 80’s Remain in Light et Speaking in Tongues. Cette tournée sera immortalisée par Jonathan Demme (le futur réalisateur du « Silence des Agneaux ») dans le film Stop Making Sense réalisé durant leurs prestations au Pantages Theatre à Los Angeles.

Demme filme David Byrne qui entre sur scène, avec sa guitare en bandoulière et pose sur le sol un magnéto cassette (pour les plus anciens qui savent encore ce que c’est). Il presse sur « on »  et jaillit de l’appareil un son de boîte à rythme. Byrne seul sur scène, dans son costard trop grand et son allure dégingandée, le regard halluciné, interprète « Psycho Killer ». Il tient la baraque tout seul sur une scène totalement nue, en dehors d’échafaudages dans le fond du décor. Il titube sur le rythme des boîtes à rythme, alors que les techniciens s’affairent pour monter le matériel pour le reste de la troupe. Intro vraiment fun qui démontre que Byrne, bien qu’il soit taxé d’intello est un mec qui a de l’humour et ne se prend vraiment pas au sérieux.

Après cette intro solitaire, la blonde Tina Weymouth se joint à lui pour interpréter la jolie ballade « Heaven », extraite de Fear of Music. L’interprétation est minimaliste, tout en douceur, sans une once d’électricité. La mise en place et le décollage sont des plus « soft ». Pendant ce temps, les techniciens continuent d’amener sur scène le matériel, c’est donc au tour de la batterie de Chris Frantz d’être intégrée au décor.

Désormais ils sont trois sur scène, Chris empoigne les baguettes pour lancer  « Thank You For Sending Me An Angel », premier titre de leur second album. On est toujours sur des notes acoustiques, mais le rythme monte. Byrne continue son numéro, Tina, avec son jeu tout en rondeur et sensualité porte le titre avec un son très groovy.

Jerry Harrison arrive sur scène pour le 4ème titre. Changement de ton, les guitares deviennent électriques sur « Found a Job », nouvel extrait de More songs…. Superbe interprétation, jolis sons de guitares, les trois sur le devant se déhanchent en cœur. La complicité de l’ensemble est évidente et communicative, simplement contents d’être là et de jouer. Pendant le concert, l’installation se poursuit, nouveau plateau poussé sur scène, sur lequel il y a claviers et percussions, le meilleur semble s’annoncer.

Prennent place ensuite Steven Scales aux percus au premier rang et deux choristes super sexy (Lyn Mabry et Edna Holt) qui rejoignent Byrne, et des claviers sont installés sur une plateforme à gauche de Chris Frantz. On passe aux choses sérieuses, « Slippery People », extrait du dernier album en date « Speaking in Tongues », groovy et funky en diable, fait monter la température de quelques degrés supplémentaires. « What about the time? You were rollin’ over, Fall on your face, You must be having fun » lance David Byrne qui s’éclate comme un fou. Les plans sur la salle montrent les spectateurs qui commencent à avoir du mal à rester le cul sur leur siège.

Dernier élément amené par les techniciens, une bardée de percussions installées sur une nouvelle plateforme est poussée à la droite de Chris Frantz. Tout est désormais prêt pour le feu d’artifice. Bernie Worrel (Parliament-Funkadelic) s’installe derrière ses claviers, Alex Weir guitariste du groupe funk The Brothers Johnson rejoint la troupe, Steven Scales se place derrière ses congas. Tous en place pour mettre le feu, d’ailleurs Bernie Worrel lance « Who’s got a match ? » lorsque retentissent les premières notes de synthé de « Burning down the House », morceau qui met au figuré, le feu à la salle. Ondulations des choristes, batteries et percussions qui boostent l’ensemble de manière diabolique, Tina a lâché la basse pour se mettre derrière le synthé. Toute la troupe est hilare sur scène, ça balance grave. Comment rester assis là-dessus ? Pour avoir vu Talking Heads en concert à cette époque, je peux vous garantir que l’énergie et le groove qu’ils dégageaient vous obligeait à faire des sauts de cabri dans tous les sens. Grande claque sur ce titre. D’ailleurs, Byrne n’en peut plus, il a largué la veste et ouvert sa chemise. Tout le monde a besoin de souffler.

Retour à un titre plus mid-tempo avec « Life during Wartime », Byrne fait un grand numéro, genre Valentin le désossé, pantin désarticulé sautillant qui donne le ton à tout le band. Grand showman qui occupe le devant de la scène, avec un groupe remarquable qui protège ses arrières.

Suivent « Making Flippy Floppy », et « Swamp », autres extraits de Speaking in Tongues, diaboliquement funk, avec une Tina au son très « groove », et les guitares qui rivalisent de riffs. Byrne reprend le micro avec une voix exagérément grave et comique sur « Swamp ».

Changement de rythme et de décor pour la superbe ballade « Naive Melody ». Byrne et les deux choristes entonnent ensemble la chanson sur un tempo presque soul. Au pied d’un  lampadaire, entouré de Tina Weymouth et Alex Weir, Byrne fait encore une fois le show.

Rythme funky et chaloupé, avec un break très fun sur le titre « Genius In Love » de Tom Tom Club avec les trois filles et Chris Frantz au chant qui permet de patienter avant l’explosion finale.

« Girlfriend Is Better » rappelle tout le monde à l’essentiel, le groove et le funk. Les claviers et synthés omniprésents, avec basse et batterie mécanique rythment l’ensemble. Byrne qui débarque avec un costard de trois tailles au-dessus, poursuit son numéro de clown au visage inexpressif, mi-Harold Lloyd mi-Anthony Perkins. « I have a Girlfriend, she’s better than that, everyone getting involved, as we get older and stop making sense, making sense ».

« Take Me To The River », morceau très soul, exprime tout son potentiel sur scène avec le groupe au complet. Chant puissant, presque gospel des choristes, « hou, hou, hou » sussurent-elles. Le groupe à l’unisson fait doucement monter la sauce, avant le break laissé à Byrne pour présenter le groupe au public. Longue séance de chants, juste accompagnée de la basse, des coups de cymbales et de cloches, avant l’explosion finale.

Enfin, le concert s’achève en apothéose sur « Crosseyed and Painless » le titre emblématique de l’album Remain In Light. Version d’anthologie interprétée par un groupe au sommet du funk. Guitares et claviers de retour, basse énorme, percussions déchaînées, sur ce rythme inspiré de la musique nigériane. A l’époque de Remain In Light, le groupe écoute beaucoup Fela et a intégré ces rythmes à certaines de leurs compositions. Sur ce titre en concert, le groupe lâche les chevaux. Ce morceau est à recommander à toute personne souhaitant faire un peu d’exercice physique sur des rythmes effrénés. C’est bien meilleur qu’une séance de steps ou d’aérobic. Essayez, vous verrez cela fait un bien fou.

Après cette tournée, les membres des Talking Heads privilégieront leurs projets individuels, notamment David Byrne, et produiront deux albums beaucoup plus pop Little Creatures et True Stories. Le dernier album du Groupe publié en 1989, s’ouvrira à nouveau vers des sonorités variées et plus éloignées des sons pop/rock, ouverture sur l’Afrique mais aussi vers les rythmes latinos. Enregistré à Paris avec des musiciens africains Naked, donne la part belle aux cuivres et percussions. Album ouvert sur le monde comme l’était Talking Heads et son leader charismatique David Byrne.

 

El Padre

 

Regardez “Crosseyed And Painless”

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