Rocé – Gunz N’ Rocé (Hors Cadre)

Publié par le 12 mars 2013 dans Chroniques, Toutes les chroniques

album_gunznroce1Malgré une quinzaine d’année d’activisme dans le rap, Rocé n’en est qu’à son quatrième album. Il privilégie la qualité à la quantité et on ne s’en plaindra pas. Surtout à l’heure où le rap est encore gouverné par des MC’s qui se livrent au jeu du clash (ce qui à force les décrédibilise), et dont les récentes sorties sont loin de faire l’unanimité.

Lui qui avait su surprendre avec l’album L’être Humain et le Réverbère, où le breakbeat avait laissé place à une instrumentalisation plus classique sur disque et sur scène. On y trouvait des morceaux flirtant entre Free-jazz et Slam, évolution quasi logique pour un amateur de musique, qui a pris des cours de violon dans sa jeunesse et dont le précédent album Identité en Crescendo, semblait en ouvrir les portes.

En 2012, il rééditait son album Top Départ, un des opus indispensables du rap français (devenu jusqu’alors quasiment introuvables dans les bacs), suivi de quelques concerts avec le collectif Time Bomb, bref un véritable retour aux sources pour le grand plaisir des nostalgiques.

A l’heure de l’annonce d’un nouvel opus, on peut donc se demander dans quelle direction va se diriger l’artiste. D’abord un titre original, Gunz N’ Rocé, jeu de mot tiré du célèbre groupe de hard rock. Premier single dévoilé, le morceau « En Apnée » ouvre l’album. Le refrain est composé d’une rime vielle de 15 piges qui n’a pas pris une ride « Rocé une entité même si je prends de l’altitude. J’ai attiré par une amplitude un empire et une attitude », extrait du titre « La Vérité Blesse » sorti sur la compilation Première Classe. On y trouve le flow maitrisé et fluide des débuts et des punchlines toujours aussi aiguisées, la prod est aussi une démonstration d’un réel retour à l’ancienne. Il n’en faut pas plus pour répondre à nos légitimes interrogations.

Les risques de ce genre d’initiative sont nombreux : se répéter, faire moins bien qu’à l’époque, ou encore être dépassé. Mais là encore le MC apporte une réponse sur disque, avec le très bon titre « Actuel », accompagné de Jp Manova avec qui il partage le mic, en taclant les rappeurs « Les Mc’s rappent en surface du rap de grande surface », « j’ai vu qu’ils brassent du vent donc je déploie la voile, j’ai vieilli, j’aime prendre un coquillage pour écouter la mer, et j’évite un peu de mettre un casque pour écouter la merde ». JP en rajoute une couche «Dans ce monde de brutalité de starlettes de télé réalité, banalité à la mode à laquelle nos cerveaux sont habitués ». Une belle façon de prouver que se prétendre actuel, ne veut pas forcement dire être à la mode.

La trentaine bien entamée pour Rocé, qui signe un rap conscient et sincère, fidèle à sa carrière, loin de l’égo trip, même quand il se met en avant ou critique, il garde les mots justes. Quitte à employer l’humour et les métaphores « entouré de brebis, comment être menacé ? Si tu m’arrives à la cheville, fais moi le lacet. » « Vous croyez vous tirez dessus, vous vous tirez le chignon », extrait de  « Assis sur une Pierre » ou encore sur le titre « J’rap pas pour être sympa ».

Rocé n’est pas un mec du show bizness, ni adepte des succès commerciaux, il a cette liberté artistique qui lui permet d’aller où il veut, quand il veut, il prend son temps comme le prouve sa courte discographie, et ses diverses orientations. Il le dit lui même d’une belle manière dans le titre « La Vitesse m’empêche d’avancer ». Qu’il soit assis sur une pierre ou sur la lune, il se positionne au dessus de la mêlée et contemple ce qui se passe. Il délivre des phrasés de haut niveau, plein de subtilité « baissez le store, la lune m’appelle, je suis en coloc avec Pierrot, on est fly sous pesanteur, la voix lactée sert de déco… ».

Gunz N’ Rocé se clôture sur « Magic », une ode dédiée au grand et regretté Dj Medhi. Il y invite un autre rappeur/producteur et proche, Manu Key. Tous deux ont côtoyé le DJ à leur débuts et lui doivent beaucoup, lui qui avait signé la superbe instru aux violons de « On s’habitue », et avait permis à Rocé de réaliser son tout premierclip et contribuer à le faire rentrer dans la cours des grands.

Soyons clair, Rocé fait partie de ses artistes qui n’ont pas besoin de faire parler d’eux, pour exister, ou pour avancer. En témoigne cet article paru récemment dans le journal du cinéma MK2, dans lequel le journaliste fait une fausse interview, les réponses à ses questions étant extraites des textes du dernier album du rappeur.

Gunz n’ Rocé contient beaucoup de surprises et de richesse dans les textes, confirme le talent du Mc, sans jamais lasser l’auditeur. Certainement l’une des meilleures sorties de ce début d’année. À écouter sans modération.

 

JR

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