Prophets Of Rage @ Olympia (Paris), 08/08/19

Publié par le 13 août 2019 dans Live reports

A quoi ça sert d’aller voir des ersatz de Rage Against The Machine en 2019, vous demandez-vous peut-être. Je me suis un peu posé la question, même si dans Prophets Of Rage figurent tout de même trois des 4 RATM et deux légendes du hip hop : Chuck D de Public Enemy et B-Real de Cypress Hill. Deux pour le prix d’un Zack. Mais on connait tous le dicton : un seul être vous manque… Dicton qui s’était vérifié par un EP puis un album guère excitants qui ressemblaient fort à des tentatives désespérées et (inabouties) de reproduire les recettes miracles du passé.

Bref, entrée à tâtons dans un Olympia qui a finalement fait le plein malgré la période peu propice à rassembler du monde. Les t-shirts à 35€ nous rappellent que les Prophets Of Rage sont des vrais communistes comme on n’en fait plus. On se prend une bière dégueu hors de prix, et nous voilà prêts à faire nos gros aigris.

C’est DJ Lord (de Public Enemy là aussi) qui investit la scène le premier, main sur le cœur à l’écoute de l’hymne de sa patrie adorée (vous la sentez l’ironie ?). Et d’enchainer par un Killing Joke que j’ai écouté le jour même (dingue !), puis un classique (« War Pigs » de Sabbath), deux classiques (« Sound Of Da Police » de KRS One, et non pas « Assassin de la police » – soupirs), une pelletée de classiques… jusqu’à ce qu’on commence à se demander s’il y a bien un concert de prévu après. Parce qu’un petit warm-up rapido c’est toujours sympathique mais un DJ set de près de 20 minutes qui nous passe du « Walk This Way », « Smoke On The Water », « Seven Nation Army », « Smells Like Teen Spirit », c’était peut-être pas nécessaire. Après ce cours accéléré (mais pas suffisamment) de metal/rap pour les nuls, les cinq prophètes daignent enfin débarquer à leur tour. On va voir ce qu’on va voir. Et on va bien la boucler.

Après une mise en jambes plus qu’honnête sur le bien nommé « Prophets Of Rage » (de Public Enemy), c’est une « Testify » tonitruante qui va nous faire ravaler notre fiel illico. Le quintet virevolte, ces gars-là sont tous des tueurs, on le savait, il fallait simplement qu’ils nous rafraichissent la mémoire. Et le reste sera à l’avenant.

En toute logique, les morceaux de Rage mettent le feu et surclassent tous les autres (on va y revenir) mais les interprétations de « Unfuck The World », « Hail To The Chief », « Living On The 110 » ou encore la toute nouvelle « Made With Hate » resteront de très bons moments. Seule l’infâme « Legalize Me » et son effet dégueulasse sur la voix (autotune ?) nous laissera dépités à regarder nos chaussures. Mais c’est vite oublié. On pouvait craindre que Chuck et B ne constituent qu’une pale imitation de l’inégalable Zack. Il n’en est rien. S’ils ne nous font pas oublier l’idole de notre jeunesse, ils font leur truc, le font bien, mettent l’énergie nécessaire, et nous, on prend un panard intégral. Car, pour le reste rien n’a changé, Tim C. groove comme un porc, Morello fait toujours le même riff mais il tue tellement qu’on n’y voit que du feu, il place ses solos improbables que même le meilleur DJ ne parviendrait pas à reproduire, Brad martèle comme un sagouin et glisse des petites subtilités devenues mythiques (aaah ce break sur « Take The Power Back »). Et hormis l’équipe redoutable bras croisés/regards fermés à mes côtés au fond de la fosse qui semblent se trouver là suite à une punition, tout le monde s’éclate. Les gradins font grand bruit, des pogos monumentaux agitent constamment la fosse. Morello, déchainé, arpente constamment la scène de droite à gauche, et exhorte ceux qui ont le cul vissés à leur siège et les yeux rivés à leur portable à « stand the fuck up, this is not youtube ! ». Plus diplomate, il salue également le public français, ce peuple révolutionnaire et exhibe au dos de sa guitare un appel à « soutenir les gilets jaunes ».

Bref, pendant que ce glandu (qu’on aime tant) de De La Rocha est enfermé dans sa grotte, se refait l’intégrale de Marx pour la 32e fois et sort un morceau tous les 5 ans, ses (ex ?) potes s’éclatent. B-Real qui ne lâche plus son keffieh depuis le dernier Cypress et ses humeurs orientales, montre une belle complicité avec le vétéran du hip hop contestataire (même si on aimerait plus d’échanges pendant les couplets des uns et des autres). Les deux rappeurs auront d’ailleurs droit à « leur » moment avec un medley bien senti des plus grands tubes de Public Hill (ou Cypress Enemy pour ceux qui ont du mal à suivre). L’occasion de nous souvenir que DJ Lord est toujours présent. A l’évidence, l’audience est beaucoup moins calée en hip hop qu’en RATM, conclure ce medley par « Jump Around » ne fera donc que renforcer l’éternelle confusion entre Cypress Hill et House Of Pain. Les vrais savent.

Inévitablement, le groupe rend hommage à Chris Cornell, leur ancien comparse d’Audioslave, non pas sur « Like A Stone » comme ils avaient coutume de le faire mais sur « Cochise », morceau bien plus énervé qui ouvrait le premier album de ce (pas si) supergroupe. Choix étrange car, avec toute la bonne volonté du monde, il est bien plus compliqué de suppléer Chris sur celle-ci. Qu’importe, l’émotion était malgré tout présente.

Les vrais reconnaitront également l’immense « How I Could Just Kill A Man » de Cypress, que Rage reprenait déjà de façon musclée et jouissive sur le bien trop mésestimé Renegades. Le groupe enclenche alors définitivement le mode tribute Prophets of Rage Against The Machine et les bombes(tracks) pleuvent sur le final avec un enchainement colossal « Bulls On Parade » (meilleur riff du monde) – « Killing In The Name » (hymne ultime) et un rappel quelque peu inespéré avec… « Bombtrack », forcément. De ces morceaux éternels dont on maitrise les moindres encablures, défouloirs absolus qui font toujours un bien fou à entendre. Avec ou sans Zack. Tant pis pour les éternels grincheux et adeptes du « c’était mieux avant », c’était super bien comme ça aussi.

Jonathan Lopez

Setlist : Prophets Of Rage (Public Enemy) – Testify (RATM) – Unfuck The World – Heart Afire – Guerilla Radio (RATM) – Made With Hate – Know Your Enemy (RATM) – Hail To The Chief – Legalize Me – Take The Power Back (RATM) – Night Of The Living Baseheads (PE)/I Ain’t Goin’ Out Like That (Cypress Hill)/Can’t Truss It (PE)/Insane In The Brain (CH)/Bring The Noise (PE)/Hand On The Pump (CH)/Jump Around (House Of Pain) – Sleep Now In The Fire (RATM) – Cochise (Audioslave) – Living On The 110 – Bulls On Parade (RATM) – Fight The Power (intro – PE) – Killing In The Name (RATM)

Rappel : Bombtrack (RATM)

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2 Commentaires

  1. Très bonne critique, il manque peut être juste l’info sur le public qui siffle l’hymne US …

    • Merci Yohann. C’est vrai, tu fais bien de le rappeler. Après, je t’avoue ne pas avoir été frappé par ces sifflets, impossible de ne pas les entendre bien sûr mais ce n’était pas une bronca générale non plus.

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