Pointu Festival (Six-Fours Les Plages, 83), 06 et 07/07/19

Publié par le 17 juillet 2019 dans Live reports

Comment dédaigner un tel programme ? Journée les pieds dans l’eau à sillonner les criques de Six-Fours Les Plages, soirée à se délecter d’une série de concerts alléchants concoctés par le Pointu Festival. Le tout, rappelons-le pour tous les rapiats qui fréquentent ces pages : G R A T O S.

Le plus compliqué dans ce genre de week-ends conjugués au plus-que-parfait, pour nous pauvres parisiens, consiste à se rendre sur place. « Compliqué » est certes un bien grand mot mais quand on se réjouit de se procurer un aller à prix correct, la douche froide peut vite arriver. Et, sachez-le, les termes « OuiGo » et « douche froide » vont souvent de pair. Ainsi, bon nombre de laissés-pour-compte se sont retrouvés à faire les 4h de trajet debout ou assis par terre comme des morts de faim (pas nous, rassurez-vous), pour cause de train surbooké. Bien joué les mecs ! Mais vous n’êtes pas venus ici pour lire des papiers qui fustigent le fonctionnement ubuesque de la SNCF, il y a Le Figaro pour ça. Et, comme un guide touristique de Six-Fours Les Plages n’est probablement pas ce que vous êtes venus chercher non plus, on va passer directement à la case concerts.

Samedi 6 juillet

Le premier jour a dû mettre idéalement en jambes bon nombre de festivaliers avec notamment les teigneux anglais de Slaves, toujours prompts à dégainer leur salve de tubes, et les plus dansants (mais nettement moins réjouissants en ce qui me concerne) Hot Chip. On ne vous en dit pas plus, parce qu’on n’y était pas, travail oblige (pas moi, rassurez-vous).

Mon festival commence par Steve Gunn, après avoir manqué mais écouté (et apprécié) d’une oreille Penelope Isles, pour cause de mauvaise coordination avec navette (ou incompréhension de l’arrêt, c’est selon). Steve Gunn, donc, qui tire certes moins vite que Kurt Vile et Kevin Morby, deux ex-acolytes renommés, mais qui a dégainé un bien bel album en ce début d’année et confirme tout le bien qu’on pensait de lui, en toute décontraction, lunettes de soleil de rigueur (pour lui) et bière à la main (pour nous) devant un soleil déclinant. Quelque peu perturbé par les concours de shots et chorégraphies macarenesques à côté de moi, je m’immisce sans peine dans le concert, bien aidé par les perles familières du nouvel album (« Vagabond », « New Moon », « Stonehurst Cowboy »). Une fois le public séduit, le trio se paie même le luxe d’un jam psyché remarquable et d’un final « wah-wahisant/distorsionné » où on s’attendrait presque à voir Steve sortir de ses gonds (prononcez gunns) et péter sa gratte dans son ampli à la fin, m’enfin faut pas déconner non plus. Elle était forte cette bière.

Steve Gunn, tranquillou Bilou

La nuit tombe, un quartier de lune subsiste, idéal pour coller au son de Twilight Sad, groupe jouissant d’une belle renommée auprès des goths et autres amateurs de post punk/new wave (dont je fais souvent partie mais sans avoir totalement succombé à leur charme ombrageux).
Un brin décontenancé par les gesticulations et le chant maniéré (à la limite du crispant) du frontman de prime abord, je finis par me laisser embarquer à partir de l’excellente « Last January » (troisième position sur la setlist). Sans être tout à fait inoubliable, ce concert constituera une chouette session de rattrapage pour votre serviteur, qui les avait honteusement snobés en première partie de Cure, il y a quelques années de cela (une bière en appelle une autre, vous connaissez la chanson…).

Malheureusement, cette fois ce n’est pas The Cure qui suit mais Fat White Family qui correspond tout à fait à la définition du groupe « sympa mais à petites doses ». Les petites doses se nomment ici « Hits Hits Hits » ou « Feet » (dernier single flirtant admirablement avec le craignos tout en demeurant jouissif). Dans une ambiance bon enfant (les frasques du groupe semblent désormais bien loin), le concert se déroule sans accroc, mais sans éclat non plus. Décidément sympathiques, les Fat White écourtent leur set d’un quart d’heure par rapport au timing annoncé, cessant de faire beaucoup de bruit pour pas grand-chose et nous évitant ainsi l’overdose (l’esprit de Baudelaire m’envahit). Regrets éternels en pensant aux Melvins, initialement programmés mais finalement annulés, Dale Crover souffrant du dos. Mais on n’a pas vraiment le droit de se plaindre vu le cadre merveilleux qui nous est offert et le line-up colossal qui nous attend le lendemain…

La famille de gros blanc-becs

Dimanche 7 juillet

C’est en maillot de bain (à peine sec) que je déboule aux alentours de 19h prêt à me faire gentiment massacrer les oreilles. La première épreuve, je la connais par cœur mais ne m’en lasse pas. Quand on a vu 6 ou 7 fois J.C. Satàn sur scène, on sait très bien qu’on va avoir droit aux blagues de merde d’Arthur (chanteur-guitariste), plus ou moins imbibé (plutôt moins, vu l’heure peu avancée) en whisky ou boisson anisé du Sud (plutôt cette dernière visiblement… sans doute l’inspiration du lieu). On sait que les gentilles ballades pop, même celle “qui va plaire aux fans de Savages” (allusion à un t-shirt du public à l’entame de “Waiting For You”), ne demeurent pas gentilles éternellement et finissent en carnage, on sait que Paula (chanteuse) n’a pas besoin d’en faire beaucoup pour imposer son charisme, on sait que l’énergie embarquera même les plus indécis et les curieux attirés par le bruit des larsens, on sait que la déroutante synth punk “Complex Situation” nous laisse tous sur le carreau avec son final noisy et que ceux qui bronchent encore mangeront du “Crystal Snake” puis du “Greatest Man”. On sait tout ça, et c’est pour ça qu’on y revient toujours et qu’on continuera de se féliciter chaque fois qu’un festival les mettra à l’affiche.

À peine une demi heure plus tard et alors que de vilaines douleurs stomacales m’assaillent à intervalles réguliers, les canadiens de Metz se pointent avec la ferme intention de faire autant de bruit que leurs prédécesseurs bordelais, sinon bien plus. Et, bien sûr, du bruit, ils en font. Du bordel, ils en mettent. Des pensées furtives à un autre power trio de chez Sub Pop, ils en provoquent. Des nouveaux morceaux (enfin, vieux mais nouvellement écoutables), ils en jouent. Pour les surprises, il faudra repasser. Et pour passer le mal de bide, il faut aller s’allonger. C’est malheureux d’être allongé dans l’herbe comme une sombre croute pendant que cette bande de gros noiseux sans scrupules fracassent allègrement un public ravi. Mais, en y réfléchissant bien, ce n’est pas si malheureux de comater devant un coucher de soleil sur la mer, avec en fond sonore un “Acetate” toujours aussi dévastateur. Le décalage est aussi cocasse que plaisant.

ACETAAAATE“. Ça le fait, hein ?

Vient le moment où je me mets à dos la moitié de mon fanclub de 45 personnes en dénigrant un groupe adulé par beaucoup. C’est d’ailleurs pour ça que je tenais (et étais même un peu excité) à l’idée de voir Converge. Son statut culte. Je me doutais bien qu’après J.C. Satàn et Metz, on allait encore monter d’un cran en termes de violence ; je m’y étais préparé et je me sentais fort. Mais je me suis fait laminer. Je dois bien reconnaitre que ma tolérance en bourrinage intense est assez limité, je ne me suis jamais rendu au Hellfest, et malgré mon amour certain pour quelques groupes punk ou metal, dès que les mots extrême ou hardcore y sont associés, je prends mes jambes à mon cou. Donc, à défaut de révélation, j’ai eu confirmation que la musique de Converge n’est absolument pas faite pour mes oreilles. Moi qui, déjà, perçois quelques limites au punk noisy de Metz pour un manque de nuances et des mélodies rarement marquantes, j’ai eu le sentiment que Converge ne s’amusait qu’à jouer le plus vite possible, gueuler plus fort que tout et pulvériser sans ménagement tout ce qui peut vaguement s’assimiler à un motif mélodique. Finalement, c’est pas si mal d’aller s’allonger tranquillou.

Et là, deux miracles se sont produits : tout d’abord, c’est un beignet aux sardines (!) qui m’a remis d’aplomb et chassé, au moins temporairement, mon mal de bide. Ensuite, et c’est là le plus important, j’ai EN-FIN été totalement convaincu par un concert de Mogwai ! Ce n’est pas faute d’avoir essayé et d’adorer bon nombre de leurs disques mais entre ma première tentative très médiocre et les plus récentes à qui il manquait toujours un petit quelque chose, j’avais fini par croire que ce groupe n’était tout simplement pas (ou plus) aussi bon sur scène qu’on avait bien voulu me le dire. Et bien si, ce groupe est grand et ce concert fut majestueux ! Première satisfaction, et non des moindres, le son fut particulièrement à la hauteur de l’exigence sonore des écossais (au passage, tous les concerts vus durant ce week-end auront bénéficié, au pire, d’un son remarquable, au mieux dantesque, comme ici). La setlist a évidemment mis à l’honneur le dernier excellent album de Mogwai mais sans oublier de piocher dans une grande partie de leur discographie (sublime “I’m Jim Morrison, I’m Dead” de The Hawk Is Howling, l’hypnotique “Two Rights Make One Wrong” de Rock Action, “Rano Pano” et son riff aussi dévastateur que jouissif, issu de Hardcore Will Never Die, But You Will). Le final nous aura rappelé que les maitres du post rock excellent autant quand ils se laissent aller aux expérimentations électroniques (la géniale “Remurdered” issue du pourtant très poussif Rave Tapes) que quand ils oscillent entre contemplation et séisme de magnitude 12 (la fabuleuse “Mogwai Fear Satan” issue du fondamental Young Team). Les écossais ont donc conclu avec classe et en “douceur” (guillemets de rigueur pour “Mogwai Fear Satan” notamment) une journée où on avait pris trempe sur trempe. Encore un bon point pour le Pointu à qui on n’a de cesse de tirer notre chapeau !

Jonathan Lopez

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