PJ Harvey @ Zénith (Paris), 21/10/16

Publié par le 30 octobre 2016 dans Live reports, Notre sélection

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Pour ceux qui n’auraient pas suivi l’évolution récente de la carrière de PJ Harvey, un rappel des faits s’impose : depuis White Chalk (2007), la dame a amorcé un virage assez prononcé dans sa musique. La rage des débuts s’était déjà peu à peu atténuée, ces trois derniers albums sont clairement dans un registre nouveau. Depuis 2007 donc, pas loin de 10 ans tout de même (donc on n’a plus vraiment d’excuse pour tomber des nues aujourd’hui…), Polly Jean fait dans le maniéré, le chiadé, elle est en représentation.

De quoi en rebuter plus d’un mais finalement ça lui va plutôt bien. Et si on se penche deux secondes sur sa carrière, on se rend compte que cette facette de sa personnalité artistique était déjà là, simplement distillée à (toutes) petites doses, là où elle a aujourd’hui pris le pas sur le reste.

Alors plutôt que chouiner dans son coin, à réclamer de la sueur et du sang, il faut accepter de la voir dans un cadre strict, entourée de pléthore de musiciens (ô combien talentueux, on y reviendra), face à un public attentif à la moindre note. Il faut accepter car cette dame est tout de même impressionnante.

Quand elle débarque de façon très cérémoniale entourée de ses tambours qui battent en rythme (« Chain Of Keys »), on se tait, on observe attentivement et on se laisse happer par sa grâce. La reine est là.

La magie opère très vite, que l’on apprécie modérément (comme moi) ou de façon démesurée son Hope Six Demolition Project, il faut se rendre à l’évidence : ses morceaux prennent une ampleur considérable sur scène.

Autour de Polly, le plateau est de choix : James Johnston (Gallon Drunk), John Parrish (ex-comparse de Nick Cave, producteur et acolyte de toujours de madame), Terry Edwards (Madness), Mick Harvey (autre ex-Bad Seed)… mais c’est elle que tout le monde dévore du regard, c’est d’elle que chacun boit les paroles. Dans sa longue robe noire échancrée, elle est d’une élégance rare. PJ hypnotise l’auditoire. Et sa voix nous transporte.

“The Ministry Of Defence” et son riff d’ouverture redoutable rappelle qu’il s’agit bien d’un concert de rock même si le tout prend assez vite des allures de fanfare. Les mots de PJ résonnent comme des slogans, elle est en campagne et son armée de communicants confère à son discours un impact certain. “The Community Of Hope”, si entraînant et communicatif, nous conforte dans ce sentiment qu’on vit un grand moment.

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Le tryptique Let England Shake (« Let England Shake »/ « The Words That Maketh Murder »/ « The Glorious Land ») vient enfoncer le clou et confirmer que cet album-là était un sommet dans son genre. Un sommet qu’il sera bien difficile d’égaler. « Oh America, Oh Englaaand » crie-t-on en choeur. On pourrait regretter que le backing band de luxe de PJ Harvey en soit réduit à un rôle de « faire-valoir », ce serait déjà faire injure à chacun d’eux et un peu idiot d’oublier à quel point tout ce petit monde parvient à accorder ses violons (et ses cuivres en l’occurence) avec une harmonie assez admirable.

La très belle « Dollar, Dollar » lèvera les poils de tous (brutes épaisses comprises) dans une atmosphère de recueillement, des cuivres étouffés
oeuvrant en arrière-plan. Un morceau qui n’aurait pas dépareillé sur le (beau mais sinistre) Blackstar de Bowie. Ah non, on avait dit qu’on pleurerait pas !

La tension remontera de quelques crans sur l’enivrante « The Wheel » et ses saxos déments qui reviennent par vagues. Vous avez dit Stooges ? Après cela, il n’y a plus que « The Ministry of Social Affairs » qui puisse soutenir la comparaison sur le dernier album. Tout ce beau monde nous embarque en Nouvelle-Orléans. Et c’est là que la partie un peu plus « best of » démarre. Au grand soulagement de certains sans doute. Pour nous combler encore davantage, en ce qui me concerne. Les soulagés et comblés se déchainent tout autant sur « 50 FT Queenie », issu du sulfureux Rid Of Me. L’énergie de ce morceau au riff très « Soundgardenien » est parfaitement restituée. La reine montre qu’elle sait encore ôter sa couronne pour mieux la piétiner.

Deux morceaux du fantastique To Bring You My Love, dont le morceau-titre, avec ses notes suspendues et une Polly Jean pleine d’ardeur et de furie contenue, nous renvoient dans les cordes.

IMG_4597Le rappel fera, lui, la part belle à un autre grand disque de « la précédente carrière » de PJ Harvey : Is This Desire?

Quasiment immobile, elle interprète avec une grande précision « The River » qui confine au sublime. A-t-elle eu une pensée pour son ex Nick Cave en chantant « throw your pain in the river » ?

Trois minutes de bonheur supplémentaires avec « Is This Desire? ». Le public hurle sa joie, reconnaissant.

On pourrait pinailler sur pas mal de choses : le show était millimétré ne laissant guère de place à l’imprévu et la spontanéité, la setlist était clairement dominée par les titres du dernier album qui n’est pas son meilleur, le groupe échange peu avec son public, il joue. OK. Mais une fois qu’on a dit tout ça, le bilan est sans équivoque : musicalement c’était très fort. Le reste c’est du pipi de chat.

JL

 

Setlist : Chain Of Keys – The Ministry Of Defence – The Community Of Hope – The Orange Monkey – A Line In The Sand – Let England Shake – The Words That Maketh Murder – The Glorious Land – Written On The Forehead – To Talk To You – Dollar, Dollar – The Devil – The Wheel – The Ministry Of Social Affairs – 50ft Queenie – Down By The Water – To Bring You My Love – River Anacostia.

Rappel : The River – Is This Desire?

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