Nos Primavera Sound (Porto), 08 au 10/06/2017

Publié par le 29 juin 2017 dans Live reports, Notre sélection

Habitué depuis deux ans du formidable TINALS nîmois, j’avais eu l’an passé la riche idée de combiner ce dernier avec la version portugaise de l’ogre Primavera, Nos Primavera Sound.

Cette année, cruel dilemme : les rendez-vous de Nîmes et de Porto tombent le même week-end. Motivé par une bande de joyeux lurons et poussé par une furieuse envie de bacalhau, je me laisse de nouveau embarquer dans l’aventure lusitanienne.

Le petit frère de l’édition barcelonaise partage l’atout majeur de cette dernière (les trois quarts de sa programmation) tout en voyant tout en plus petit (le lieu, les prix). La programmation a encore une sacré gueule mais manque à mon goût de têtes d’affiches véritablement enthousiasmantes, comparé au festin indie de l’an dernier. A vérifier sur place.

 

Jeudi 8 juin

La première déception (loin d’être imputable à la programmation du festival, évidemment) est l’absence de Grandaddy. RIP Kevin Garcia. Une défection néanmoins compensée in extremis par Arab Strap. Mieux qu’une roue de secours.

Le programme du premier jour est beaucoup moins chargé que les caïpirinhas du festival vendues à des prix défiant toute concurrence. On commence (de loin et d’une oreille) par l’artiste portugais Samuel Uria, sorte de Ricky Martin à poils longs enfilant les compos indigentes (ou indigestes c’est selon). Il nous dressera tout de même l’esgourde le temps d’une reprise de “Molly’s Lips” (“de Nirvana et des Vaselines“, enfin surtout des Vaselines, quand même). Cela lui vaudra donc le surnom de Nirvanach (un brin raciste vous en conviendrez).

© Jonathan Lopez

Le niveau s’élève de plusieurs crans avec Cigarettes After Sex, qui avec ses morceaux très ambiants atmosphériques, ne provoquera pas de surexcitation pour tout le monde (plutôt des baillements chez certains) mais a le mérite de proposer une prestation très propre et quelques très beaux instants. On pense parfois à Beach House ou à du Slowdive en plus dépouillé et moins riche en décibels. Une pause clope agréable, donc. Cela étant, c’est typiquement le genre de groupe dont la musique n’est pas très adaptée à une grande scène de festival.

Puis vient LE groupe le plus attendu de la journée, Arab Strap, qui d’emblée pue la classe. Les mélodies nous enveloppent, nappes de synthés, violon, arpèges délicieux, les morceaux s’envolent et nous avec. Moffat pourrait être notre pompiste mais sa voix, alternant entre débit désabusé et chant magnétique, nous captive puis nous fait fondre. Son charisme est grand, à la hauteur de la musique d’Arab Strap.

Forcément après ça on a le sentiment d’être rassasié, et après avoir subi bien malgré nous Run The Jewels (censé incarner le renouveau du hip hop, LOL), on préfère regagner nos pénates et nous économiser pour les jours à venir. Tant pis donc pour Flying Lotus et Justice.

 

Vendredi 9 juin

Le lendemain, la grasse mat’, l’appel du large et les demies finales de Roland-Garros ont raison de notre motivation. On débarque donc comme des fleurs à la fin du set de Pond, le temps de se farcir deux morceaux assez vilains il faut bien le dire, non sans rappeler les productions boursouflées de leurs cousins de Tame Impala. Deux acolytes me soutiendront avec insistance que le reste du concert était d’un tout autre calibre mais je trouve ça un peu gros pour être vrai.

© Ryad Jemaa

Je me dirige ensuite vers le Palco Super Bock pour assister au concert de Whitney qui enfilent les morceaux ensoleillés teintés d’une touche jazzy. Stu McKenzie des King Gizzard sera même invité à souffler dans sa flûte, ce qu’il fit avec brio. Sans être tout à fait bouleversant, ce concert se révèle parfait pour siroter une caïpi allongé dans l’herbe (pour en fumer aussi sans doute). Ambiance à la Woods, la coolitude en commun, les fulgurances en moins. Pendant ce temps-là, Royal Trux, précédés d’une belle réputation de faiseurs de bruit, n’ont visiblement pas déchainé les foules (ou du moins, celui que je connais dans la foule). Pas de regret donc d’avoir choisi l’option « fais ta croute dans l’herbe ».

On poursuit dans la catégorie « groupe sympatoche que j’irais jamais voir en concert mais qui attise ma curiosité » avec Angel Olsen. La demoiselle arbore une robe pistache seyante et offre une prestation sérieuse. Belle voix, bonnes compos, bon moment donc.

Après deux, trois morceaux de Sleaford Mods (ce qui peut suffire à s’imaginer tout le reste du concert), viennent ensuite les écossais de Teenage Fanclub, très attendus. Les années n’ont pas d’emprise sur leur pop toujours très raffinée. N’ayant pas écouté le dernier album, je ne suis pas familier avec tous les morceaux mais retrouve avec joie les (trop rares) classiques de Bandwagonesque : « Star Sign » et « The Concept » au final enchanteur très apprécié du public. Le tout manque un peu de panache par moments mais on retiendra également une « Can’t Feel My Soul » très entrainante. « Everything Flows », aux relents shoegaze, clôturera le set sur une très bonne note.

Il est alors temps de vivre l’expérience Swans. Un concert de Swans est toujours quelque chose de très particulier. On aime (à la folie) ou on n’aime pas (du tout) mais il n’y a guère de place pour l’entre-deux. En bon groupe expérimental qu’il est, Swans débute par une longue phase hypnotique où les variations sont pour le moins ténues. Gira ne pipe mot pendant de longues minutes mais dirige de main de maitre son orchestre bruitiste. Les regards sont braqués sur lui, l’audience est captivée. Nul besoin de (re)connaitre les morceaux, on rentre dedans ou on reste à la porte. Pour ma part, je suis en voyage transcendantal et pour mon plus grand bonheur, celui-ci durera non pas une heure comme prévu initialement, mais deux ! Les longues traversées empiriques sont entrecoupées de morceaux noise/indus plus académiques, toujours portés par un duo basse-batterie colossal… La pleine lune qui veille à gauche de la scène confère à ce live un caractère encore plus magique. Grand moment.

J’aurais bien été voir la fin du set de Bon Iver, une fois que les infâmes morceaux du dernier disque ont été joués, mais il est déjà minuit. Aucun regret toutefois tant la ration supplémentaire offerte par Swans nous aura comblés. Un sandwich, une bière, un pti King Gizzard & The Lizard et au lit.

Je n’avais encore jamais vu sur scène ces australiens mais j’avais un a priori très positif. Et, très vite, malgré mes jambes un peu lourdes, l’évidence s’est imposée. Ces gars-là sont de véritables bêtes de scène. Autant sur album, ils composent comme ils respirent et brassent assez large. Autant adapter le tout en concert avec une telle aisance force le respect. Les tubes sont au rendez-vous (« Rattlesnake », « Gamma Knife », « Robot Stop »…), l’énergie est féroce mais le plus impressionnant est de parvenir à englober ça dans une sorte de gigantesque medley foutraque tour à tour hard rock-garage-psyché-kraut-musique de film d’horreur, ravivant les années 60 et 70 tout en y injectant une vraie personnalité et une touche de modernité. Ils savent même évoquer Santana, sans être chiant le moins du monde (« The River »). A la fin de ce show survolté, on a deux mots à la bouche pour qualifier cette joyeuse troupe : barjots et terrriblement doués !

Avec tout ça j’ai oublié de vous parler des Growlers, c’est dire si ce concert laissera une trace impérissable dans ma mémoire…

 

Samedi 10 juin

Le beau temps est toujours au rendez-vous mais un léger vent omniprésent nous rappelle qu’on est bien à Porto, la Bretagne portugaise.

Cette journée sera l’occasion de voir Wand pour la première fois, un groupe que j’ai toujours loupé habituellement en festival et qui a sur son cv “potes de Ty Segall”. L’intro fait très QOTSA groovy, et puis il y a du garage crado, du psyché weirdo, du joli piano… Ça part dans tous les sens, sans trop de cohérence et nous on subit ça sans vraiment rentrer dans le truc. N’est pas King Gizzard qui veut. Excepté quelques titres très remuants et plaisants, ce concert m’en touche une sans faire bouger l’autre, comme disent les gens civilisés.

© Jonathan Lopez

Wand rejoint donc la longue (trop longue) liste des groupes “sympas” de cette édition.
Une catégorie à laquelle n’appartient évidemment pas Shellac, qui comme l’an passé (et comme l’année prochaine ?), a fait le déplacement pour nous montrer qui est le patron. Et devinez quoi ? Le patron c’est Shellac, comme toujours. Un “Riding Bikes” suffit à tuer tout suspense. Albini lit un message du public parvenu jusqu’à la scène “ça sonne à la perfection, s’il vous plait ne changez rien”. Ils ne changeront

rien, les morceaux respirent, destructurés, laissent la basse nous emmener où elle va, les cordes gueuler ce qui leur chante. La voix n’est qu’un instrument comme un autre, certainement pas de premier plan. Shellac est unique et sera toujours immanquable.

Ensuite, il y avait Metronomy. On n’est évidemment pas allé les voir parce qu’on s’en fout (celui qui retrouve l’autre article où j’ai écrit cette même phrase gagne un pin’s Exitmusik).

En revanche on est allé voir The Make-Up parce que tout le monde nous avait dit de le faire. Pourtant Japandroids dispose de solides arguments punky/grungy. Mais nous décidons de suivre la voix de la raison. A regret ? Peut-être bien. Ok, Svenonious est un vrai showman c’est indéniable. Ok, la musique des Make-Up favorise le déhanché, les morceaux sont funky et rock’n roll. Mais une fois qu’on a dit ça, il faut quand même admettre que pour toute personne qui ne voue pas une statue à James Brown ou Prince, il y a une forte possibilité de trouver un peu le temps long pendant un concert des Make-Up. Ce n’est pas toutes les facéties de Svenonious, son costume or brillant ou son obsession sexuelle et pro-création qui rendront la prestation inoubliable. Certains crieront au génie, nous n’irons donc pas jusque-là.

© Ryad Jemaa

Sur le papier le concert des Black Angels constituait un joli clou de la soirée, si ce n’est du festival. Oui mais voilà je n’avais vu qu’un concert des Black Angels jusque-là (Villette Sonique 2015) et on ne peut pas dire qu’il m’ait marqué à vie. Les quelques excellents morceaux que comporte le dernier album m’incitent toutefois à un certain optimisme. Et pourtant… Le début de concert est assez conforme au souvenir mitigé que je gardais du groupe sur scène. La setlist n’est pourtant absolument pas en cause (“Currency”, “Prodigal Sun”, merde quoi !) mais rien à faire le son manque d’impact, l’interprétation manque de saveur. Et puis, à mi-concert, le groupe se met à jouer le magnifique (et pourtant très calme) “Half Believing” et c’est le déclic. Me voilà enfin emballé. Les morceaux suivants seront beaucoup plus jubilatoires que ce soit d’anciens tubes (“The Sniper At The Gates Of Heaven”, “Young Men Dead”) ou de nouveaux (“I’d Kill For Her”). Et l’apothéose est pour la fin avec ce “Life Song” sooo Pink Floyd qui envoûte toute l’audience jusqu’ici plutôt excitée. D’un concert quelconque on est passé à un très bon show. Cela ne suffira pas à dissiper totalement mes doutes sur les Black Angels sur scène mais l’honneur est sauf.

© Jonathan Lopez

On s’extasie (ou prend peur) devant la fin du set d’Aphex Twin en train de retourner la grande scène, à grands renforts de projections bizarroïdes, de lasers qui transpercent la foule et de surcharges de décibels. Un gamin euphorique, sans doute sous l’emprise de substances, me scande “life is beautiful, have fun !”. Putain de hippie. Laisse-nous déprimer tranquille veux-tu.

Il est alors 2h du mat’ et on n’a pas envie de finir là-dessus, on parvient donc à se motiver pour un dernier concert : Tycho qui débute à 2h45. Oui, on parle de grosse motivation. Pour ceux qui ne connaissent pas, je vous la fais courte : Tycho, c’est un dj et des instruments qui jouent une musique qui navigue entre post rock (sans grosse guitare) et electro planante (avec petite guitare et grosse basse).

Des images projetées en parfait accord avec la musique renforcent l’immersion. Le batteur impressionne un ami batteur, donc il doit pas être mauvais (même si l’ami en question n’est pas très bon). Le set n’est pas très long mais un peu plus et je m’effondrais donc ça me va.

© Jonathan Lopez

Conclusion en douceur d’un festival globalement très bon (peu d’équivalent en Europe) bien qu’assez nettement en deçà de l’édition précédente. Mais ça on s’en doutait un peu…

JL

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