Nick Cave & The Bad Seeds @ Zénith (Paris), 03/10/2017

Publié par le 8 octobre 2017 dans Live reports, Notre sélection

A quoi peut-on s’attendre quand on n’a jamais vu Nick Cave en concert et qu’on connait le contexte très douloureux dans lequel fut écrit son dernier album ? A un concert très intimiste, émouvant, où tout le monde reste assis sagement à écouter religieusement les complaintes du vieux crooner australien.

C’est bien mal connaitre Nick Cave qui n’est pas du genre à se contenter d’un cadre feutré et policé. Nick Cave aime la scène, il vit pour ses moments et semble jouer chaque concert comme si c’était le dernier, comme s’il avait tout à prouver, tout à offrir à un public qu’il connait personnellement. Je n’avais jamais vu Nick Cave sur scène, mais j’en suis désormais persuadé : le bonhomme fonctionne comme ça.

Cette soirée du 3 octobre restera gravée comme un moment privilégié avec un artiste immense. Un artiste blessé dans sa chair l’année dernière et qui avait offert en guise de testament à son fils un album superbe empli d’émotion. Il a donc régulièrement été question de poils hérissés en ce début de soirée avec d’emblée une intensité incroyable et des interprétations habitées (« Jesus Alone », « Magneto »). Il nous a même semblé faire face à un gourou avec toute une salle à ses pieds, buvant chacun de ses mots et épiant le moindre de ses mouvements alors qu’il se dandinait avec une classe inouïe dans son costard cintré. C’était « Higgs Boson Blues » et c’était déjà l’assurance d’une prestation mémorable et le doute de pouvoir vivre de nouveau des moments aussi forts que lorsque le messie empoignait les mains des spectateurs pour leur faire sentir son coeur battre tout en hurlant, comme possédé « can you feel my heart beat? ». La salle entière sentait alors son coeur battre la chamade, et en réclamait davantage.

S’en est suivi une version explosive de « From Her To Eternity » avec un Warren Ellis en chef d’orchestre hystérique maltraitant son violon comme s’il s’agissait d’une gratte un peu trop capricieuse. Comme un retour aux sources, quand Nick Cave & The Bad Seeds rimait avec sauvagerie. Ses mauvaises graines qui, après s’être fait touts petites sur la première moitié de « Jubilee Street » (une des dernières merveilles générées par la plume du grand Nick), ont grandi, grandi jusqu’à l’explosion irréelle d’un morceau qu’on ne pensait pas capable de nous emmener si haut, si vite, si fort.

Nick parviendra à tenir un peu plus en place derrière son piano sur « Into My Arms », pas loin de nous arracher une larmichette. Et c’est lui qui semblait au bord de la rupture sur les bouleversantes « Girl In Amber » et « I Need You » du dernier album.

Il serait injuste d’oublier l’immense « Red Right Hand » et son fameux gong qui nous laisse sur le qui vive permanent et même « Distant Sky », trop pesante sur disque, ne peut nous laisser indifférent ici. Mais Nick et ses potos en ont encore sous la manche et après un rappel bien mérité ont décidé de nous en foutre encore plus plein les mirettes et les esgourdes.

Comme décidément tout nous est offert sur un plateau dans cette soirée inoubliable, le père Nick vient alors à notre rencontre dans les tribunes, bravant le public comme sil jouait à l’Espace B* et non au zénith, rendant son génie encore plus palpable dans une version à peine croyable de « The Weeping Song » où le public devient presque un instrument à part entière tant il fait partie prenante du morceau, dans une osmose totale avec les artistes. A ce moment-là, on est un peu plus de 6000 à s’être tous dit « putain mais il se passe quoi ce soir ? ».

Certains (une bonne cinquantaine) auront droit à leur cherry on the cake en investissant la scène pour accompagner Nick sur son fameux « Stagger Lee », outrancier à souhait et toujours aussi jouissif. Puisque rien ne pouvait décidément aller de travers en cette magique nuit du 3 octobre, Nick s’est même trouvé une choriste impromptue venue du public qui s’est mise sans qu’on lui demande à hurler à ses côtés, de façon plutôt classe et maitrisée, rendant l’instant encore plus unique et spécial.

Sur « Push The Sky Away », Nick Cave s’offre une dernière ballade en tribune, repoussant le ciel et ses misérables limites. Désormais, pour connaitre notre degré de satisfaction après un concert on lui attribuera une note sur l’échelle de Nick Cave.

JL

*Pour les non parisiens, une très chouette salle de 150 places environ.

Setlist : Anthrocene – Jesus Alone – Magneto – Higgs Boson Blues – From Her To Eternity – Tupelo – Jubilee Street – The Ship Song – Into My Arms – Girl In Amber – I Need You – Red Right Hand – The Mercy Seat – Distant Sky – Skeleton Tree.

Rappel : The Weeping Song – Stagger Lee – Push The Sky Away.

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