Mad Cool (Madrid, Espagne), du 12 au 14/07/18

Publié par le 27 juillet 2018 dans Live reports

Au départ, on croyait qu’on allait assister au meilleur festival du monde, à la fin du premier jour on s’est dit que c’était en fait le pire festoche de la terre. Et au bout de trois jours, on s’est dit qu’on avait quand même passé un putain de bon moment dans ce festival de connards. Que s’est-il passé entre temps ? On vous explique.

Tout a commencé par Pearl Jam. Evidemment. Fin 2017, les dates de tournée européennes tombent. La France est sur le carreau, comme d’hab. On cherche des solutions de remplacement. Parmi les festivals où ils jouent, le Mad Cool. Inconnu au bataillon. Mais le line-up est dingue, on n’a pas vu un truc pareil depuis Woodstock 69 (ou Primavera 2016, pour remonter un peu moins loin…) ! On sort la carte de crédit, le banquier fait la gueule, on l’emmerde. S’il veut se morfondre à son guichet tout l’été c’est son problème, nous on a décidé de profiter de la vie.

© Jonathan Lopez

Jeudi 12 juillet

Après avoir compté les mois, puis les jours nous rapprochant de la date fatidique, nous y sommes. Sortie de métro, et là une queue comme on n’en a jamais vue (je vous préviens, je ne ferai aucun jeu de mot vaseux, vous valez mieux que ça). On marche pendant 15-20 minutes pour prendre place au bout de ladite queue et on poireaute. Sous 35°, sinon c’est pas drôle. La raison de ce calvaire ? Le festival n’est pas encore ouvert, alors que les premiers groupes jouent dans moins d’une heure…
Une heure plus tard (adieu le concert de Slaves…), on pense arriver au festival et non, il faut encore marcher un bon quart d’heure… puis refaire la queue. Une heure de plus en plein cagnard, tout ça pour récupérer un bracelet qu’on a eu la malchance de ne jamais recevoir alors qu’on avait payé des frais d’envoi… En termes d’amateurisme, ça frôle le génie.

On finit par rentrer dans ce maudit festival, un brin énervés. Besoin d’une grosse bière. Qui dit grosse bière dit nouvelle queue interminable.
Si on a loupé l’intégralité de Slaves, il nous reste une bonne moitié de Eels à voir. Enfin, à écouter d’une oreille pendant qu’on fait la queue. On déboule sur « That Look You Give That Guy », le morceau qui plait même aux midinettes. Il nous plait aussi, c’est toujours joli à entendre.
La voix de E a ce grain particulier très plaisant qui le fait passer aisément de rock gentiment burné (« Prizefighter », « Souljacker, Part 1 », « I Like Birds » péchu en diable) aux ballades mélancoliques (« My Beloved Monster », « Fresh Blood »). Grand ouf de soulagement, E ne pioche qu’avec parcimonie dans son dernier disque (« You Are The Shining Light », « Today Is The Day ») et laisse les ballades lénifiantes de côté. Clou du set, cette version bien lourde de « Novocaine For The Soul » qui sonne du tonnerre. Le bonhomme n’a pas oublié son charisme à la maison et sa complicité avec ses comparses fait plaisir à voir. On en oublierait presque qu’on est dans ce festival de branquignoles. Jusqu’à la prochaine envie de bière.

La bière, soit le thème de prédilection de FIDLAR. Avec la coke et la weed. Ça ne vole pas bien haut et les branleurs californiens ne font pas dans la dentelle, ça tombe bien on a envie de se défouler. L’immonde gratte « toile d’araignée » du leader nous dégueule des riffs bien fat à la tronche et nous ferait presque croire que le skate punk c’était cool. Mais ça ne dure qu’un temps, si les tubes du solide premier album font illusion, les morceaux bien poussifs du suivant nous rappellent que, non le skate punk, c’était déjà nul dans les années 2000 et ça passe encore moins aujourd’hui. Bonne ambiance, le chanteur vante les mérites de l’Espagne (« best country in Europe », pas en foot en tout cas) tout en glissant un taquet gratuit aux Français (« you guys are way better than french people ») qui ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd. En même temps, a-t-on vraiment envie d’être le meilleur public européen de FIDLAR ? Quelques pogos sur « Cheap Beer » à la fin nous permettent de relativiser le fait qu’on l’a payée 10 balles (la bière).

© Jonathan Lopez

Malheureusement nous n’aurons pas l’occasion de voir autant Yo La Tengo que FIDLAR (on aurait bien échangé), leur concert se terminant juste avant celui de Pearl Jam (et il faut être fin stratège en festival)… Les quelques morceaux joués en début de concert suffiront à susciter bien des regrets avec une attaque noisy teigneuse (« From A Motel 6 », « Some Kinda Fatigue », « Stockholm Syndrome », MIAM) qui sied davantage à la configuration festival que leur facette rêveuse, affichée notamment sur leur dernier album.

Déçus de les abandonner en si bon chemin, on file se placer pour Pearl Jam. A en voir le nombre considérable de t-shirts arborant la bande à Vedder et la masse attroupée devant la grande scène bien avant le concert, on a bien fait de se montrer prévoyants sous peine de se trouver à 10 kilomètres de la scène. Forcément, en festival, nous avons droit à une setlist plus « best of » que ce qu’ils offrent habituellement, ce qui n’a pas l’air de déplaire au public, totalement au taquet et très au point sur les paroles. « Release » hérisse les poils d’emblée et le groupe aligne les classiques de son riche répertoire (« Given To Fly », « Corduroy », « Why Go », « Even Flow », Better Man »…) tout en nous réservant quelques coups de sang (« Lukin », « Animal », « Do The Evolution ») et évitant les fautes de goût (à l’exception notable de « Sirens » – brrr – et à un degré moindre de « Can’t Deny Me », dernier morceau pas folichon). L’enchainement « State Of Love And Trust »/« Rearviewmirror » est absolument parfait. Il est toujours sidérant de voir ces jeunes quinquas prendre un pied pas possible comme s’il s’agissait de leur troisième date en commun. Un plaisir infiniment communicatif et donc partagé.

 

Vendredi 13 juillet

Après les multiples couacs de la veille, le Mad Cool se fait littéralement démolir sur les réseaux sociaux et même dans la presse espagnole (el pais, 20 minutos…).
L’excitation est forcément moindre que la veille à l’heure de se rendre à celui qu’on a surnommé « affectueusement » LE FESTIVAL DE COLA (rien à voir avec les boissons gazeuses qui rendent les enfants obèses. Cola = queue en espagnol…). Mais contre toute attente, il y a du mieux. L’entrée (bien que toujours très tardive…) se fait assez aisément et les queues ont comme par miracle, diminué de moitié. Cela dit, c’était la moindre des choses pour éviter que ça finisse en émeute…

De notre côté, nous avons opté pour un choix stratégique : au lieu des bières hors de prix qui ne nous font aucun effet, on privilégie le combo gagnant shot de téquila-Gin Fizz. Ça a le mérite d’être efficace, et pas mauvais figurez-vous (nous rappelons que l’abus d’alcool… TA GUEULE).

Frais comme des gardons, avec 35° qui nous tapent sur le cibouleau, on est confronté à un premier choix cornélien. Kevin Morby ou Real Estate ? On décide donc de couper le morbier en deux, pas de jaloux. Tout coolos, les deux concerts sont finalement assez similaires et fort plaisants, il y a de quoi être décontractés du gland et oublier les soucis de la veille. Les gens sont écroulés dans des coussins gonflables, fument de la weed, portent des tenues improbables.. C’EST ÇA QU’ON AIME EN FESTIVAL BORDEL DE MERDE !

Sous le coup de l’euphorie du gin et de l’absence de cola, on va grignoter un bout de The White Buffalo (folk/country sympathique) avant de dévorer un gros burrito. Nous voilà repus, affalés dans l’herbe et avec tout ça on a loupé At The Drive-In. Fallait bien que ça tombe sur quelqu’un et ce n’est peut-être pas plus mal tant le risque d’être agacé par les beuglements hystériques de Cedric Bixler-Zavala était grand.

On fonce ensuite voir Goat Girl sur une scène minuscule (ça change). Le son est très moyen mais elles sont au top. Tout en coolitude et simplicité désarmante, elles enquillent du tube et du larsen. Ça mérite un autre gin.

En comparaison, le show de Jack White parait bien plus étudié mais paradoxalement plus désordonné. Personne ne remet en cause ses qualités guitaristiques mais on a parfois plus l’impression d’assister à un enchainement de chansons sans grande cohérence. Le très décrié dernier album y est sans doute pour quelque chose. Il terminera par trois tubes de White Stripes histoire de mettre tout le monde d’accord. Ce qui mettra au moins d’accord les fans de White Stripes et ceux qui préfèrent entendre « Seven Nation Army » « en vrai » que dans un stade de foot.

© Ryad Jemaa

Le gros morceau du jour est évidemment Alice In Chains (même si beaucoup leur préfèreront Arctic Monkeys, ah ces jeunes…). Mis à part quelques détails inconvenants (son de gratte de Cantrell manquant un chouïa d’ampleur, notamment pour les solos parfois à peine audibles), on ne pouvait espérer mieux. Les riffs de plomb sont toujours sans pareil, les mélodies sont toujours aussi magiques, Duvall fait toujours le boulot mieux que bien. Dans les premiers rangs, le public hurle de bonheur sur les refrains, l’émotion est grande sur « Nutshell » ou « No Excuses ». Et les morceaux post-Staley, y compris le petit dernier « The One You Know » sont de vraies réussites. Bref, nul ne doutait qu’Alice In Chains est un grand groupe et ceux qui ont assisté à ce concert en sortiront encore plus persuadés.

On pensait terminer sur une touche aérienne avec Massive Attack. Et puis, finalement au bout de 30 minutes sous le chapiteau, on a commencé à trouver ça louche. Le groupe ne montrera jamais le bout de son nez, évoquant une trop grande proximité entre sa scène et celle de Franz Ferdinand. Même Oasis trouvait des excuses moins bidons…

 

Samedi 14 juillet

© Jonathan Lopez

Devant une assistance bien clairsemée, Pile ouvre les hostilités avec son indie rock singulier. Au menu, riffs ingénieux, morceaux surpuissants et ultra mélodiques. On sait faire du rock du côté de Boston, dommage que la démonstration de force se soit déroulée devant si peu de curieux.

Après le concert de Pile, on va recharger les batteries (quel talent) en flânant dans les quelques stands de disques et de merch mais c’est pas tout à fait l’extase.

Alors qu’on n’attendait pas grand chose de Queens Of The Stone Age, la faute à un exécrable dernier album, ces derniers nous ont prouvé qu’ils n’étaient pas encore bons pour l’hospice. Ni bourré, ni cocaïné (ou alors il le cachait bien) et même inspiré, Josh Homme a montré la voie à ses comparses au cours d’un set terriblement énergique et finalement assez équilibré (même si aucun morceau d’un album aussi merveilleux que Rated R, c’est un crime). Nonobstant la toujours aussi dégueulasse « The Way You Used To Do », même les morceaux du dernier album s’en sont sortis avec les honneurs. On peut parler de miracle. Bien dans ses baskets, Homme pète toujours la classe quand il se trémousse sur « If I Had A Tail » ou « Make It Wit Chu ». Il me ferait presque aimer les hommes. Voire les hommes roux. Et quand on clôt un set par « A Song For The Dead », forcément on fait des heureux.

Éprouvant principalement du mépris à l’encontre de Depeche Mode, je décide de me réfugier dans le gin et les riffs saignants de Black Rebel Motorcycle Club. Visiblement très en forme, le groupe dégage une grosse impression de puissance et d’énergie. Notre courte présence devant la scène nous permettra d’éviter les morceaux du bien douteux Wrong Creatures et de se prendre plutôt en pleines dents un bon vieux « Spread Your Love ». En guise d’amour partagé, les vigiles préfèreront, eux, distribuer quelques mandales à de joyeux lurons qui n’ont rien demandé de plus que de pogoter. Ces gens-là n’ont pas choisi le bon métier, ou alors ils n’ont jamais assisté à de vrais concerts rock’n roll. Une chose est sûre, ce sont des pauvres types.

© Ryad Jemaa

On court se placer pour Nine Inch Nails (tout en subissant, bien malgré nous, « Just Can’t Get Enough »). Sans surprise, Reznor et ses potes nous administrent une leçon. Le gros son est au rendez-vous, les interprétations sont d’une intensité folle et le public forcément montre du répondant. Ça s’entrechoque gaiement. Un bout de Fragile dans le coin de la tronche au départ (« Somewhat Damaged », « The Day The World Went Away »), du gros Broken qui tâche (« Wish », « Gave Up »), du Downward Spiral qui arrache (« March Of The Pigs »), fait remuer du fion (« Closer ») ou émeut aux larmes (« Hurt »), de la nouveauté qui tient bien la route dans le registre NIN Bowiesque (trois morceaux consécutifs du réussi Bad Witch), du Bowie NINesque (« I’m Afraid Of Americans »), bref tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un concert de Nine Inch Nails. Ils ne nous ont jamais déçu et ne le feront jamais.

Après cela, on aurait pu rentrer heureux, les désagréments du premier soir semblant bien loin derrière, mais on a préféré finir sur une double couche électronique pour voir ce qu’il nous restait un peu dans les guiboles. Plus grand chose évidemment mais suffisamment pour s’agiter comme il se doit sur l’excellente tek minimale de Richie Hawtin sous un chapiteau encore bien blindé à 3h du mat’.

© Jonathan Lopez

Un burger, des chants euphoriques et des blagues de merde plus loin, nous voilà dans les premiers rangs de la grande scène où Underworld boucle l’affaire. Etrangement, quelques morceaux me laissent un peu circonspects (sans doute des tout récents) avant que la doublette mythique « Rez/Cowgirl » / « Born Slippy .NUXX » ne nous renvoie dans les 90s avec des sons qui résonnent dans la tête et des images de jeunes gens drogués qui courent pour tout plaquer.

On va se contenter de rentrer tranquillement pour notre part, rincés par tout ce qu’on a vu, entendu, partagé, éprouvé, savouré, adoré, détesté. C’était pas toujours très cool mais c’était au moins complètement mad.

Jonathan Lopez

 

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