Beastie Boys – Licensed To Ill

Publié par le 4 décembre 2016 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

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(Def Jam, 1986)

Au début des années 1980, Michael Diamond, futur Mike D, Adam Yauch qui deviendra MCA et Adam Horovitz qui se fera appeler Ad-Rock, font du punk hardcore… Les Beastie Boys n’ont encore rien enregistré mais écumé bon nombre de salles, ouvrant notamment pour les Misfits, les Bad Brains et autres Dead Kennedys.

Mais au contact d’un certain Rick Rubin, jeune producteur en devenir, le destin du groupe va prendre une tournure inattendue. Habitué comme eux des concerts punk, Rubin partage ce goût pour le riff sale et sec comme un coup de trique. Il est aussi le fondateur du label Def Jam… Il va donc leur souffler de faire comme ses petits protégés Run DMC ou LL Cool J : rapper. On ne le remerciera jamais assez.

Mais à la différence des autres groupes rap qui émergent aux quatre coins des Etats-Unis et qui piochent allègrement dans les samples de James Brown et la musique black, les blancs becs des Beastie Boys pillent, eux, les classiques hard rock et metal.

La pochette, géniale, illustre tout à fait l’esprit Beastie. On croit partir en voyage tranquille à bord d’un bel avion et quand on déplie le vinyle… BIM il se trouve que le bel avion s’est pris une falaise. Le voyage ne sera peut-être pas aussi paisible que prévu. Sur le cockpit, le logo des Beastie et le numéro de série vu dans un miroir donne « EAT ME ». On va manger.

Confirmation dès l’entame du disque avec le gros riff qui tâche de « Rhymin And Stealin’ ». La bande de branleurs énervés s’égosillent, s’invectivent. Les Beastie postillonnent, les Beastie remuent, et nous font un bien fou. On a déjà envie de hurler « Ali Baba and the 40 thieves » et ça ne fait que commencer. Sur ce morceau, on retrouve du sample de Led Zep, Black Sabbath et du Clash. Rien de moins.

L’alternance entre gros morceaux rock/rap vénères (« Rhymin And Stealin’ », « Fight For Your Right », « No Sleep Till Brooklyn ») et hip hop old school plus classique (« Posse In Effect », « Brass Monkey », « Paul Revere ») est savoureuse.
A l’image de leur style vestimentaire inimitable (survet’ Adidas, casquette à l’envers, chaîne en or qui brille), les Beastie Boys osent tout. On leur a demandé de se lâcher, fallait pas le dire deux fois…

Mix Master Mike fait parler les platines sur « The New Style », les 3 MCs balancent des textes affreusement sexistes (à prendre au 12e degré) sur la génialement débile « Girls ». On est loin des textes revendicatifs de Public Enemy, les Beastie revendiquent, eux, le droit de faire la fête sur « Fight For Your Right » qui deviendra un hymne. Le morceau n’est pas franchement ce qu’ils ont fait de plus abouti mais ça reste un incroyable défouloir. Le riff, les paroles, interprétés par d’autres pourraient donner un résultat affreusement ringard, ici on a la confirmation que tout ce que touchent les Beastie se transforme en cool.

Tout ce petit monde s’éclate et Rick Rubin se frotte les mains, tout heureux d’avoir déniché la nouvelle poule aux œufs d’or. Et Brooklyn tient ses nouveaux portes paroles et héros, notamment grâce à l’imparable « No Sleep Till Brooklyn » (inspiré du live No Sleep Till Hammersmith de Motörhead) et le riff de Kerry King (Slayer) trempé dans l’acier. Zack De La Rocha et Tom Morello prennent des notes pour plus tard.

Dans le registre léger et fendard, « Brass Monkey » fait office de parfait divertissement. Quand « Slow And Low », son faux rythme et ses coups de poignards à six cordes, finit d’achever les éventuels sceptiques.

Rolling Stone se fendra d’une formule restée célèbre : « Trois idiots créent un chef-d’oeuvre ». Bien résumé.
En 13 morceaux, les Beastie Boys imposent leur style et montrent qu’une nouvelle voie est possible dans le rap. Ce sera la leur, inimitable, toute leur carrière. Malgré quelques légères baisses de rythme (les Beastie débutent, se rodent aussi), ce disque, s’il n’est pas leur meilleur, reste un formidable testament 30 ans après d’un groupe majeur de l’histoire du rap. Et de la musique.

JL

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