Jimi Hendrix – Electric Ladyland (MCA)

Publié par le 25 novembre 2012 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

hendrixSi Cobain et Nevermind sont cultes, alors je vous le demande, que dire de Jimi Hendrix et d’Electric Ladyland ?! Mais, on n’est pas là pour lancer un concours, sur l’artiste ou l’album le plus culte de l’histoire, mais pour célébrer sans distinction ceux qui ont marqué la musique.

Mort jeune, comme Kurt, il fait partie du tristement célèbre club des rock stars ayant passé l’arme à gauche à 27 ans, ce qui contribue encore un peu plus à le faire entrer dans la légende. Musicien hors norme, guitariste tombé du ciel, le voodo chile, de son vivant, n’a enregistré que 3 albums studio et un “live”, le fameux Band of Gypsys. En quatre disques seulement, Jimi Hendrix a laissé une empreinte indélébile sur la musique. Grand compositeur, grand chanteur, Hendrix est intemporel, et très certainement le plus grand guitariste de tous les temps. Son interprétation de l’hymne américain au festival de Woodstock, imitation des bombardements sur le Vietnam, ses incantations païennes devant sa guitare en feu, ses rapports quasi religieux ou sexuels avec cet instrument, sont des preuves que ce mec était d’une autre galaxie que tous les autres, contemporains ou à venir, quasiment de la planète Mars !

En 1966, après avoir tenu le manche, entre autres, chez Ike et Tina Turner et Litlle Richard, il file en Angleterre, sur les conseils de Chas Chandler (ancien musiciens des Animals) qui devient son producteur. Il souhaitait rencontrer Clapton, le meilleur guitariste britannique de Blues britannique de l’époque, il est comblé puisqu’il monte sur scène lors d’un concert de Cream, à son invitation. Ce soir là, Hendrix illumine la scène, joue avec les dents, la guitare derrière la tête, allongé par terre, le public anglais découvre un phénomène. Clapton est sidéré et flippe complètement (c’est lui qui le dit dans ses mémoires), il vient de côtoyer un génie, alors qu’il pensait être un dieu de la six cordes !

Hendrix auditionne des musiciens pour tenir la basse et la batterie, pour former un trio. Ce seront Mitch Mitchell et Noel Redding, le groupe s’appellera The Jimi Hendrix Experience.
Trois singles paraissent avant le premier album. “Hey Joe”, reprise de la chanson de Billy Roberts. Le son de la guitare et la voix chaude de Jimi, frappent une première fois. Ce titre immortalisé par Jimi, deviendra un standard énorme par la suite. “Purple Haze”, morceau précurseur du Hard Rock, ne ressemble à rien de ce qui a été fait auparavant, et la Stratocaster de Jimi explose sur ce titre, et “The Wind Cries Mary”, belle ballade, où la voix et la guitare sont superbes de sensualité. L'”Experience” peut alors véritablement commencer.

Lorsque paraît Are you experienced ?, son premier album Jimi Hendrix n’est donc plus totalement inconnu. Le disque remporte un énorme succès des deux côtés de l’Atlantique. La version US contiendra d’ailleurs les trois singles parus précédemment. La question posée dans le titre éponyme est relative au LSD, drogue très en vogue, notamment dans les milieux artistiques. Avez-vous fait l’expérience ? Moi, je l’ai faite. L’album qui baigne dans une ambiance psychédélique propre à l’époque, est considéré, à juste titre, comme un des chefs d’œuvre du genre.

En 1968, paraît l’album qui m’amène ici dans cette chronique. Troisième et dernier album du Jimi Hendrix Experience, Electric Ladyland, est un double LP (16 titres) qui va marquer l’histoire de la musique. Jimi, un peu à l’étroit désormais, dans la formule trio, s’entoure d’autres musiciens, sur certains titres.  Jack Cassady (Jefferson Airplane), Steve Winwood et Chris Wood (Traffic), Al Kooper, Buddy Miles, entre autres.

La photo de pochette, très provocatrice, fut interdite à l’époque en France. De nombreuses  jeunes femmes sont assises nues, face à l’objectif, quelques-unes tiennent entre leurs mains les albums de Jimi Hendrix. Aux US, l’album sera illustré par un portrait flou aux teintes jaunes et rouges (cf en haut de cet article).

Ouverture de l’album “And The Gods Made Love”, coups de tonnerre, voix déformée, intro bizarroïde, les dieux font l’amour, pour quel résultat ? Dans la continuité, Jimi interroge “Have You Ever Been To Electric Ladyland ?” et veut nous guider sur un tapis Volant à la rencontre de la femme électrique. Comprenez bien entendu, sa guitare. L’album est un voyage au pays de la guitare électrique, et dans le genre, on n’a jamais fait mieux depuis.

“Crosstown Traffic”, Jimi démarre pied au plancher, guitare alarmes, il voudrait rouler vite, mais il est ralenti par sa douce : “Crosstown traffic, All you do is slow me down And I’m tryin’ to get on the other side of town“. Excellente entrée en matière, il est en forme, et ça s’entend.

Le titre suivant est “Voodoo Chile” (qui restera l’un de ses surnoms), enregistré en seulement quelques prises, le titre sonne “live”, effet dû également aux applaudissements des personnes présentes en studio (en fait ajoutés post recording). C’est une longue improvisation bluesy, Mitchell aux fûts, Winwood aux claviers (très présents sur le titre), Cassady à la basse. Jimi est l’enfant vaudou, né un jour de lune rousse, protégé des animaux sauvages. Le titre s’étire, longues plages instrumentales, les 4 larrons en osmose. Ce matin-là, au Record Plant Studio, la magie était au rendez-vous.  Le morceau a été repris notamment par Poppa Chubby, excellent guitariste de blues et grand fan (et imitateur) de Jimi.

Après un tel sommet, difficile d’enchaîner. La face 2 contient cinq titres qui montrent l’étendue de son talent, exploration de territoires inconnus, lave en fusion, cyclones rugissants. Guitare au premier plan, les morceaux claquent, plus denses, courts, réminiscences du vieux rock’n’roll, Chuck Berry n’est pas si loin (“Come on, let the good time roll”).Le festival de la six cordes se poursuit, “Gypsy Eyes”, et son intro wah-wah, clavecin, chœurs classiques et pédale wah-wah sur “Burning of the Midnight Lamp”.

Groove d’enfer sur “Rainy Day, Dream Away”, morceau plus black et funk ; orgue Hamond, saxo et encore et toujours la strato flamboyante du gypsy. La voix de Jimi sur le titre y est très sensuelle, il démontre là, si c’était encore nécessaire, qu’il était en plus un immense chanteur.

Second titre d’anthologie, “1983” est un très long morceau psychédélique et aux évocations écologiques. Jimi souhaite, comme les sirènes, aller vivre dans les océans, puisque la terre est un endroit de conflits et de souffrance “so my love, Catherina and me, decide to take our last walk through the noise to the sea. Not to die but to reborn, away from lands so battered and torn.”
Intro dans un environnement d’échos et de réverb, la voix est posée, très cool. Le morceau s’installe tranquillement, avant un long intermède de clochettes agitées dans le vent, guitares, basse (toutes tenues par Jimi Hendrix), cymbales, caisse claire, flûte, le tout dans une ambiance de douce magie et très planante. Un morceau fantastique, tout simplement, à écouter seul face à l’Océan. Tout aurait pu s’achever là-dessus, mais comme il avait décidé de ne pas faire les choses à moitié, il balançait encore quelques merveilles sur la dernière face de ce double.

“Still Raining, Still Dreaming”, wah-wah et groove énormes de retour. Un véritable déluge d’électricité sur ce titre de 4 minutes. Le génie frappe encore, et on ne peut qu’être stupéfait devant tant de classe.

Et que dire de la reprise du “All Along the Watchtower”, très belle chanson folk/rock de Bob Dylan parue sur l’album John Wesley Harding en 1967. Hendrix, qui adorait les chansons de Dylan, la transfigure complètement, à tel point que cette chanson lui restera associée pour l’éternité. Jouée plus lentement que par Dylan, Hendrix est accompagné de Dave Mason à la guitare douze cordes, et laisse encore une fois libre cours à son talent, sa technique et son feeling. Pour moi, ce morceau figure au panthéon du rock.

Jimi referme ce disque stupéfiant sur “Voodoo Child (Slight Return)”. Le retour de l’enfant Vaudou, qui éclate une montagne pour en faire une île (sic), déluge sonore, son quasi “live”, hendrixien en diable. Ce morceau assomme les auditeurs, après ces 4 faces, qui font entrer définitivement le personnage dans la légende, et écrasent toute la concurrence. Cet album allait consacrer Jimi Hendrix comme le plus grand guitariste à l’époque. L’héritage légué par Hendrix est gigantesque, et il a inspiré nombre de musiciens (suivez mon regard vers un certain Roger Nelson, alias Prince), mais qui ne lui arrivent pas à la cheville. C’est certain, des grands guitaristes, il y en a eu beaucoup d’autres, certains ayant déjà fait l’objet de chronique sur ce blog, et d’autres viendront, mais Jimi tutoyait les anges et avait l’âme (ou le mojo comme dirait Austin Powers), et c’est toute la différence. Peut-être contemple-t-il, d’où il est perché, hilare, la meute qui essaie de l’imiter depuis ce triste 18 septembre 1970.

 

El Padre

 

Écoutez “Voodoo Chile”

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