Jessica93 – Who Cares (Et mon cul c’est du tofu ?/Music Fear Satan/Teenage Menopause)

Publié par le 12 septembre 2013 dans Chroniques, Incontournables, Toutes les chroniques

POCHETTE_WHO_CARES copypetitBon faut que je vous en parle parce que ça vire à l’obsession. Ce disque est dangereux. Après quelques écoutes, il s’empare de vous et impossible de s’en défaire. La faute à ses boucles entêtantes, à cette boîte à rythmes qui ne cesse de nous percuter jusqu’à nous pousser dans le vide. La faute aussi à cette voix lointaine qui nous hante tel un esprit.

Derrière ce nom qui sonne comme le pseudo MSN d’une pré-ado se cache un homme d’une trentaine d’années qui porte sur ses épaules le projet. Geoffroy Laporte qui habite dans la charmante ville de Bondy (dans le 93 donc, vous vous doutez bien) a des préoccupations bien différentes d’une pré-ado. Et le son de Jessica 93 n’a rien de puéril. Il évoque les décors urbains, les métros qui défilent, la grisaille. Des décors pas franchement réjouissants, des gestes répétitifs, des vies où on s’emmerde à mourir. Et pourtant avec une bande-son pareille, on n’a qu’une envie c’est de se replonger dans cette routine si amère au quotidien.

Son caractère froid glacial nous renvoie aux univers de Joy Division, de Cure période cold wave ou encore de Cocteau Twins.
Mais Jess (ou Jojo c’est comme vous le sentez) creuse son propre sillon. Plus tard quand un autre grand disque du genre se pointera, on dira peut-être qu’il nous rappelle Who Cares de Jessica 93. Car ce disque fera date. Avec cet incroyable premier véritable album (faisant suite à un EP), Jessica 93 se place d’emblée aux côtés des plus grands.

En seulement six titres, il nous remue les tripes et ne ménage pas notre esprit. La noirceur aura rarement été si jouissive. Le titre « Away » en ouverture nous projette immédiatement dans une atmosphère angoissante, quasi malsaine et diaboliquement vénéneuse. La boucle de guitare paraît sans cesse plus proche, plus ancrée en nous, bien soutenue par une batterie tribale qui ne laisse aucun répit et une basse qui lâche des ogives à droite, à gauche. On s’embarque dans des tourbillons qui paraissent sans fin mais qui malheureusement en ont une.

Le garçon sait indéniablement s’y prendre pour que ses chansons nous collent aux basques. « Être limité à un rythme qui reste constant, avoir cette contrainte de devoir gérer à la fois la guitare et la basse, ça t’oblige vraiment à te sortir les doigts, à composer des morceaux ultra solides, parce que tu ne peux te cacher derrière aucun effet, aucun gimmick. (…) Une bonne chanson doit pouvoir sonner sur n’importe quoi, dans toutes les conditions imaginables. Après, tu peux rajouter des effets, des petits trucs. Mais il faut que le morceau tienne tout seul à la base » expliquait-il dans le dernier numéro de (l’excellent magazine) Noise. Il a tout compris le jeune homme. Et il applique son credo à la perfection.
Ainsi, les morceaux « Origine » ou « Poison » s’appuient sur des fondations en béton armé. Du genre infaillible. À savoir un duo basse-batterie de mammouth sur lequel viennent se greffer des digressions guitaristiques sidérantes et une voix qui nous susurre des trucs qu’on n’aimerait pas entendre dans un tunnel douteux de Bondy après minuit.

Les paroles en français de la fantastique « French to the Bones », un peu shoegaze sur les bords, viennent nous rappeler que ce qu’on écoute ne vient pas d’Outre-Manche. Noyées sous un déluge sonore, on ne les perçoit pas toutes clairement mais certaines, plus distinctes, reviendront nous faire frissonner d’effroi (« Avec détachement je regarde les trains », « c’est pas la honte franchemeeeent de s’entendre diiire ça »). Toujours dans une ambiance de franche rigolade.

Du haut de ses 9 minutes, l’instrumentale « Obsessional Neurosis » porte bien son nom. Lorgnant plus du côté métal, ce morceau est porté par des riffs lents, lourds et décharnés qui lui confèrent un caractère terriblement hypnotique.

L’album se clôture avec « Junk Food », morceau plus condensé mais pas moins efficace que les 5 précédents. À tel point que je sue déjà à grosses gouttes à l’idée de choisir un morceau à mettre en écoute.

Dès lors, il n’est guère surprenant que cet album soit distribué par pas moins de trois labels, tous très recommandables : Et mon cul c’est du tofu ? (appelez-les mon cul ça leur fait plaisir), Music Fear Satan et Teenage Menopause. Trois labels qui portent haut l’étendard rock tricolore et ce n’est pas ce petit bijou qui viendra entâcher leur image…

JL

Écoutez “Away” (à défaut d’un véritable choix, j’ai pris le premier morceau de l’album, la première grosse claque).

Vous pouvez télécharger gratuitement l’album sur mon cul et commander le LP pour 8€ seulement (à ce prix-là c’est cadeau).

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