Interview – LANE

Publié par le 27 août 2018 dans Interviews, Non classé, Toutes les interviews

Deux fratries : Belin et Sourice. Deux groupes angevins emblématiques, pour ne pas dire mythique en ce qui concerne le second : Daria et Les Thugs. Et un nouveau supergroupe issu de cette rencontre : LANE. Pour Love And Noise Experiment. En quatre petits titres, le premier EP, Teaching Not To Pray, nous replonge immédiatement dans l’époque bénie des années 90 et nous fait déjà trépigner en attendant l’album.
Alors on s’est dit qu’une conversation skype avec deux des têtes pensantes de LANE ne serait pas du luxe pour patienter. Dès l’élimination des Allemands en coupe du monde actée, Etienne Belin, l’un des trois guitaristes (!) du groupe, et le bassiste Pierre-Yves Sourice (appelez-le « Piwaï ») apparaissent dans ma webcam. Entretien avec un jeune groupe très expérimenté.

 

“Il y a eu un gros creux de la vague. Entre 2000 et 2010, fallait pas avoir un groupe de rock. Ces dernières années, les choses se sont simplifiées, fluidifiées. On remplit pas les stades, mais c’est plus agréable d’être artisan d’un groupe de ce genre-là.”

Vous êtes tous les deux à la base du projet LANE. PY j’imagine qu’avec Les Thugs, on vous a proposé 250 fois de vous reformer. Qu’est ce qui fait que l’an dernier, vous vous êtes dit « montons un groupe ! » ?
Pierre-Yves Sourice (basse) : Le pognon ! (Rires) Effectivement on nous a souvent proposés de nous reformer avec Les Thugs. On l’a fait en 2008, pour aller jouer aux Etats-Unis notamment. Mais c’était clair pour nous qu’après c’était fini de chez fini. Ça suffisait. Si dix ans après on a eu envie de recommencer un truc, c’est dû aux rencontres, au fait de voir les groupes sur scène et de se dire « c’est ce que j’ai envie de faire ». En même temps, j’ai toujours continué à jouer de la guitare chez moi, enregistrer des conneries et à me dire « c’est quand même couillon d’avoir ça sur un ordi et de pas jouer ». Et puis j’avais pas envie de jouer le samedi après-midi, de faire de la musique comme si j’allais jouer au foot. À partir du moment où je commence un truc, j’ai envie que ça devienne sérieux et comme je suis un grand fan de Daria depuis très longtemps, de lui (il se tourne vers Etienne) et son jeu de guitare, on s’est dit « est-ce qu’on n’essaierait pas de faire des morceaux ensemble ? ».

Vous aviez d’ailleurs déjà fait une date ensemble.
Etienne Belin (guitare) : Oui, exact en 2008 à la Maroquinerie (Paris) lors de la reformation des Thugs. Pour ce qui est de la formation de LANE, on avait dû discuter de ça en buvant un coup et en mangeant de la charcuterie, genre « allons au local voir ce que ça dit »… La motivation de l’autre côté était aussi due au fait que Cam (Camille Belin) qui chante et fait de la guitare dans Daria était super intéressé pour jouer de la batterie. Il y joue depuis bien longtemps mais on ne l’avait encore jamais fait au sein d’un groupe.

Le contexte politique, social assez merdique en ce moment dans le monde a pu contribuer aussi à votre motivation ?
PY : Ce qu’il se passe en ce moment partout autour de nous est en effet de plus en plus relou, mais on n’a pas monté le groupe pour ça. Moi mon truc c’est de jouer de la musique, faire des supers morceaux. Après c’est Eric (Eric Sourice, chanteur-guitariste de LANE et des Thugs auparavant, ndr) dans ses paroles qui amène ce côté-là où on est vraiment en réaction à ce qu’il se passe. L’autre fois, en lisant les paroles d’Eric, je me disais que rien n’a changé. On écrit encore sur les mêmes sujets, vingt ans après. Le fait qu’on ait envie de jouer fort – là, trois guitares, c’est fort ! -, un peu rapide et hargneux, c’est qu’en effet on a des choses à dire. Cette énergie provient de nos frustrations. Ça a toujours été comme ça.

Etienne, avec Daria vous vous êtes formés l’année qui suivait la séparation des Thugs et c’est un groupe que vous adoriez. Ça doit faire drôle maintenant de faire partie de la même équipe !
Etienne : Oui, c’est assez hallucinant, c’est vrai ! Je pense que parmi les quatre ou cinq premiers disques que j’ai achetés, il y avait un album des Thugs. J’ai acheté un Nirvana et à l’époque il y avait une interview de Novoselic ou Cobain qui disait « on est fans d’un groupe qui s’appelle Les Thugs. » (PY se marre) J’ignorais totalement que c’était un groupe français, et encore moins angevin ! Et pour l’anecdote, le jour où je cherche ce disque, je vais d’abord à la Fnac et ne le trouve pas. Et le mec me dit « t’as qu’à aller voir chez Black & Noir » (label et disquaire cofondés par Eric Sourice, chanteur des Thugs, ndr). Je me rends dans ce disquaire, je ne trouve pas donc je demande au vendeur, un petit mec à lunettes (PY continue de se marrer), je lui dis « bonjour, je voudrais un truc qui s’appelle Les Thugs », il me dit « oui c’est là-bas ». C’était l’album As Happy As Possible. Je sors, j’ouvre, je vois une photo… et il est dedans !
Le lien était fait, on a adoré, c’est moi qui ait fait écouter Les Thugs à Cam et aux autres membres de Daria. Et c’est vrai que les premières fois où les gars sont venus au local, il a déboulé en sortant sa guitare, et je me suis dit « c’est pas possible ! ». (Rires) Après, t’oublies Les Thugs, t’oublies Daria, maintenant on est tous les cinq dans un local, à nous d’essayer de faire autre chose.
PY : Et depuis y a aussi quelques bouteilles qui sont passées, quelques fêtes… (Rires) Pour nous, c’est aussi spécial, avec Eric on a un peu l’impression de jouer avec des jeunes. Etienne et Cam sont un peu plus jeunes que nous et en plus y a Félix (son fils). Mais c’est super ! En plus, moi je suis fan de Daria aussi depuis le début. C’est juste une histoire de générations qui se rencontrent.

Et puis, c’est pas mal parce que Les Thugs étaient actifs en plein dans l’explosion du rock alternatif, Daria avec la génération suivante était dans une période où les gens se sont un peu désintéressés de cette scène et là il semblerait qu’en 2010, le rock 90s soit revenu en grâce. Les grosses radios n’en passent pas mais beaucoup de groupes se reforment et il y a quand même un vrai intérêt pour ce style de musique.
Etienne : Je partage totalement ton point de vue. Effectivement, il y a eu un gros creux de la vague. Grosso modo, entre 2000 et 2010, fallait pas avoir un groupe de rock. Ces dernières années, les choses se sont simplifiées, fluidifiées. Le public est là. On remplit pas les stades, mais c’est malgré tout plus agréable d’être artisan d’un groupe de ce genre-là. Donc je suis d’accord à 100%. Pourquoi ce changement ? Je saurais pas le dire. C’est peut-être des effets de mode. En tout cas, par rapport au premier EP de LANE, les retours qu’on a eus allaient souvent dans le sens que tu décris : « ça fait tellement plaisir d’entendre un son comme ça aujourd’hui ! ».
PY : Et c’est marrant dans les réactions qu’on a, beaucoup disent aussi « ça fait du bien d’entendre ce son-là et cette voix-là. » La voix d’Eric.

C’est vrai que dès que vous avez dévoilé le premier single, « Teaching Not To Pray », tout le monde a été replongé avec bonheur vingt ans en arrière !
PY : Nous on considérait la voix d’Eric comme un cinquième instrument, c’est pour ça que c’était toujours un peu sous-mixé mais jamais personne ne nous a dit « ah moi j’adore la voix d’Eric ! ». Et là on nous dit que ça fait plaisir d’entendre de nouveau cette voix, t’as l’impression qu’on parle de Janis Joplin ! (Rires)
Etienne : En tout cas, la première fois qu’il a déboulé au local et qu’il a commencé à chanter, Cam et moi on s’est dit « ah ouais, c’est sa voix !». Moi je suis très très fan de son chant. Il a une façon de poser sa voix et d’écrire ses mélodies qui sont très reconnaissables.

PY, tu me parlais du fiston Félix qui est dans le groupe à la guitare. Vous n’avez pas craint qu’il y ait un décalage possible de génération, d’expérience ? Il y avait une part de risque à l’intégrer dans cette aventure, non ?
PY : Il est batteur à la base. Un jour je l’ai entendu jouer un riff dans sa chambre. Je suis venu jouer avec lui, c’était celui qui est devenu « Teaching Not To Pray ». Moi, ma crainte c’était son petit niveau de guitare, à l’époque il n’avait qu’un an de pratique. A cet âge-là, c’est comme le vélo, t’apprends plus vite que quand t’es vieux, surtout motivé comme ça, mais c’était ça qui me faisait peur. Et en effet sur l’enregistrement de l’EP, c’était un peu difficile pour lui. C’était sa première expérience d’enregistrement, (il se tourne vers Etienne) là il y a du niveau quand même. Moi, il m’a dit que la première fois où il est arrivé dans le local avec nous quatre, il était assez impressionné. C’était pas évident.
Etienne : Bah alors, le stagiaire ! (Rires)
PY : À chaque fois, en sortie de répèt’, je lui demandais « ça va, ça se passe bien ? » et il me disait « j’en prends plein la gueule, je prends tout ce qui vient ! ». On a répété pendant un an, ça se passe de mieux en mieux. Ça se passe même bien, je crois.
Etienne : Ah oui, carrément !
PY : Et maintenant, ça va être la scène. Lui, il jouait de la batterie avec son groupe, Stupid Jokes. Ils ont fait une dizaine de dates dans des petits bars. Là ce ne sera pas la même dimension. Mais il y a l’insouciance de la jeunesse aussi, lui ne se pose pas la question. Je ne pense pas qu’il flippera plus que nous.
Etienne : Il y a effectivement trois générations : 50, 35 et 20 ans. Il y a 15 ans entre les générations à peu près. Forcément, Félix écoute encore d’autres musiques que nous, il arrive donc au local avec une spontanéité, des riffs qui assurément ne pourraient pas venir d’un de nous parce qu’il écoute des groupes actuels qu’on n’écoute pas. On se réapproprie tout ça et c’est hyper rafraichissant.

Oui, on sent d’ailleurs déjà sur ces quatre premiers titres une bonne osmose entre vous tous, pour un « supergroupe », si vous acceptez ce terme…
PY : « Supergroupe » je ne sais pas. Mais effectivement ça fonctionne, c’est la rencontre de ces trois influences.

“Je pense qu’Albini en avait rien à foutre d’être avec Les Thugs. Il prenait un peu de thunes là-dessus, il était content. Mais la musique, il s’en branlait un peu. Du coup ça s’est pas bien passé.”

Et pourquoi avoir choisi de sortir déjà ces 4 premiers titres, alors qu’un album est dans les tuyaux ?
Etienne : On vient d’enregistrer l’album, on a fait ça à la maison, dans notre local. Avec plus de matériel que pour le 4 titres. Cam, notre batteur, s’intéresse au boulot d’ingénieur du son depuis des années, donc c’était l’occasion de s’y mettre. On a commencé l’histoire il y a un peu plus d’un an et on a très vite composé des morceaux. On voulait déjà les enregistrer en pré prod pour voir ce que ça vaut réellement avant de faire nos premiers concerts. Cam en mixant nous a dit « les gars, on a peut-être plus que des démos, ça me parait vraiment pas mal ! ». On est resté prudents mais on les a fait écouter à des copains proches qui connaissent nos exigences, ils nous ont dit « vous posez pas de questions, quatre titres ça peut faire quelque chose ! ». Donc ça ne devait être qu’une copie de travail pour démarcher des salles de concert mais on nous a encouragés à le faire de façon plus poussée.
L’album, on l’a enregistré maintenant parce qu’on a un peu de temps avant les concerts en septembre. C’est une démarche particulière, plein de groupes préfèrent enregistrer après avoir rodé les morceaux sur scène. Nous on a décidé de faire l’inverse, juste parce qu’on avait un peu de temps. Donc album enregistré au printemps, mixé cet été et on peut raisonnablement envisager une sortie au printemps prochain.

On sent en tout cas un véritable engouement avec déjà pas mal de dates calées alors que quatre titres seulement sont sortis.
PY : Il y a vingt ans la même chose n’aurait sans doute pas pu être possible. Maintenant, tu peux sortir un quatre titres, tu le mets sur Youtube, tu en parles sur Facebook… Nous avec Eric, on apprend. (Rires) On se dit « mais comment on faisait il y a vingt ans quand on sortait un disque ? A qui on en parlait, etc ? » C’était autre chose. Là c’est quand même vachement plus simple. Rémi, mon deuxième fils, a fait un clip, il a été tourné en deux heures. Tu le fous sur Youtube, t’annonces le truc sur Facebook… Ça va à une vitesse, c’est incroyable ! On n’est pas à des millions de vues mais déjà c’est hallucinant. Tant mieux.

Et on sent que vous maitrisez la com’, vous avez sorti le clip de « Goal Line » (qui se passe sur un terrain de foot, ndr) le jour du début de la coupe du monde !
(Rires) PY : Franchement à aucun moment on n’avait prévu de se caler par rapport à ça !
Etienne : On a fait le rapprochement le jour où on l’a publié !
PY : Et puis, c’est pas l’hymne de la coupe du monde, on chante pas en mexicain…
Etienne : On a peut-être raté le coche, d’ailleurs. Non c’était un vrai hasard de calendrier !

Vous parliez de Camille qui a produit le disque, le frère de Félix qui a fait le clip, c’est sorti chez Nineteen Records (le label d’Eric Sourice, ndr)… Malgré toutes vos connexions, vous avez peu fait appel à des personnes extérieures. Vous teniez à ce que ça reste entre vous, une « affaire de famille » ?
Etienne : C’est vrai, c’est bien aussi de revenir à ces trucs-là, un peu du producteur au consommateur. Les choses doivent rester simples avec des réseaux courts. Eric étant concerné par Nineteen Something et chanteur dans LANE, on ne s’est pas posé la question bien longtemps de savoir si c’était pertinent de le sortir dessus. En revanche, étant un label qui réédite des groupes, on s’est demandé s’il pouvait porter un groupe qui allait faire des concerts, etc.
Pour Rémi qui fait les clips, ça nous plait de faire ça avec lui, il est là-dedans dans ses études, donc allons-y ! D’autant que ça simplifie les échanges. Pareil pour Cam, il était intéressé par ça. L’autre avantage, c’est que s’ils avaient fait un truc terrifiant, on aurait pu leur dire franchement. Tout cela n’était pas anticipé mais c’est vrai qu’on a un peu fait ça en vase clos.
PY : Il y a aussi le côté financier qui n’est pas négligeable. On décide de le faire avec Nineteen Something et leurs moyens, c’est à dire rien. Donc on ne peut pas se dire qu’on va enregistrer au Black Box pendant dix jours. Là, le quatre titres sonne donc c’est parfait, pas besoin d’aller voir ailleurs. La vidéo, c’est pareil dès que tu t’adresses à des gens un peu professionnels, ça coûte des thunes et t’es pas toujours hyper content du résultat. Rémi m’a pas encore demandé d’argent, donc ça va. Ah si, au-dessus de 10 000 vues, fallait que je l’invite au resto. Et on a passé les 10 000 ! Je vais trouver un truc pas cher (rires). Pour l’album on aurait pu signer chez Pias par exemple, qui est intéressé. Ça serait super mais on a envie de défendre le label d’Eric, d’avancer avec son label. Ils n’ont pas le même poids, ni la même force de vente évidemment mais on défend ça comme on l’a toujours fait, un peu Do It Yourself.

Et un coup de fil à Sub Pop c’est envisageable, vous êtes toujours en contact ?
PY : Ils ont reçu le quatre titres, je l’ai envoyé à Jonathan (Poneman, le cofondateur). Et Yves de Pias les a vus à Paris et leur a aussi donné, ils en ont deux ! Mais je pense qu’ils sont passés un peu à autre chose. Ils sortent encore des disques de ce genre ?

Ça revient oui, avec des groupes comme Metz, Strange Wilds ou Pissed Jeans…
PY : En tout cas, ils ont l’album, on verra bien… Je l’ai envoyé aussi à Jello Biafra (fondateur et chanteur des Dead Kennedys de 1980 à 1986, ndr) d’Alternative Tentacles. Le seul label qui pourrait faire qu’on ne sorte pas l’album avec Nineteen Something, ce serait Sub Pop. Là, pour le moment ils n’ont pas répondu, j’ai bien expliqué à Jonathan qu’on allait sortir un album, je lui ai pas dit ouvertement « ce serait bien qu’on le fasse chez vous » mais je lui ai fait comprendre. On verra bien, ils font ce qu’ils veulent. Sinon ce sera avec Nineteen Something, ce sera très bien aussi.

 

“C’est inévitable de penser aux Thugs mais c’est surtout ce qu’il faut essayer d’éviter. (…) On est nettement plus pop que Les Thugs ne l’étaient ! C’est un groupe différent.”

Puisqu’on parle de personnages illustres de cette scène, vous aviez enregistré avec Steve Albini (l’album Strike, en 1996, ndr) à qui tout le monde voue une sorte de culte. Et vous, vous n’en gardez pas un souvenir impérissable…
PY (Hésitant)  : Non, on n’en garde pas du tout un bon souvenir. Je ne suis pas un spécialiste du son, j’écoute des trucs chez moi, j’ai un système son plutôt pas mal mais je suis pas à l’écoute de ce que j’entends, à analyser, etc, comme Cam peut l’être. Albini, moi je l’ai vu faire des trucs en studio que j’avais pas vus ailleurs. Foutre un micro au sol, à 5 mètres de la grosse caisse…
Etienne : Ah je croyais que t’allais dire bouquiner pendant les prises…
PY : Ça, il l’a fait aussi. Je pense qu’il en avait rien à foutre d’être avec nous. Il avait fait Nirvana, il était venu en Europe, il avait dû faire Sloy… Il prenait un peu de thunes là-dessus, il était content. Mais la musique, il s’en branlait un peu. Du coup ça s’est pas bien passé.

C’est surprenant parce qu’on a tous cette image du gars ultra passionné, intègre et avec vous c’était juste pour prendre des biftons.
PY : Oui, le précédent (As Happy As Possible en 1993, ndr) on l’a fait avec Kurt Bloch (guitariste des Fastbacks, producteur de Tad, Mudhoney notamment, ndr) et pendant qu’on enregistrait, il sautait en l’air dans la cabine pour nous donner le tempo ! Il était hyper content, il avait envie. L’autre, le seul truc qu’il faisait c’est bouquiner pendant qu’on enregistrait. C’est nous qui lui disions d’appuyer sur Stop quand on en avait fini. C’est pas le même truc. Avant, on avait fait une pré prod avec lui sur un morceau (« Waiting », ndr), on trouvait ça vachement bien et on s’était dit « putain si tout l’album est comme ça, c’est super ! ». Et il sonne pas du tout comme on le pensait…

Etienne, c’est pas mal non plus de votre côté. Vous aviez bossé avec Iain Burgess (producteur entre autres de Chokebore, The Kills, Deus, The Ex, ndr), enregistré et tourné avec J Robbins (chanteur-guitariste de Jawbox, ndr), maintenant avec une partie des Thugs. Concrètement vous arrivez à avoir qui vous voulez !
Etienne : Oui, oui ! Albini, on en entendait d’ailleurs beaucoup parler avec Burgess. Parce qu’il a été un peu son mentor au tout début à Chicago, il avait déjà son studio quand Albini montait le sien. On a toujours entendu Burgess dire qu’Albini n’était pas un mec commode, qu’il était parfois un peu pile ou face.
PY : Dernièrement j’ai appris qu’il jouait au poker et qu’il gagnait du pognon (rires).
Etienne : Nous avec Daria, on doit tout à Iain. On n’aurait jamais fait ce qu’on a accompli s’il ne nous avait pas mis le pied à l’étrier et invité à venir enregistrer au Black Box. On a découvert Jay Robbins via Iain parce qu’il nous a fait écouter Novelty, le premier album qu’il avait fait avec Jawbox. On avait trouvé ce groupe génial, l’album merveilleux et dans une conversation il nous avait dit « Jay fait aussi du studio ». Donc quand l’occasion s’est présentée pour notre quatrième album, Impossible Colours, on était très content de pouvoir le faire chez Jay, à Baltimore. Et au studio, il proposait beaucoup d’idées et mettait la main à la pâte. Rapidement, l’idée a germé de jouer ensemble. On l’a fait en Europe, aux Etats-Unis. Cam échange tous les jours sur des détails techniques de mix avec lui. Il lui envoie des « imprim écran » en disant « tu tournes le bouton comme ça, ça va marcher » (rires). Bref, ça va plus loin que le simple fait de faire de la musique ensemble. C’est vrai que passer dans les mains de Burgess, de Robbins, jouer avec les gars (il parle de PY et Eric Sourice), on a l’impression de faire le tour des popotes en passant serrer des mains à ceux qui nous ont toujours guidés ou donner envie de faire de la musique. Mais c’est pas calculé non plus ! Un pote l’autre fois me disait « sans déconner les gars, plus jeunes on parlait de ces mecs-là, maintenant vous jouez avec eux. » Malgré tout, sans forcer le destin, on l’a fait au moment où on avait l’opportunité de le faire.

Daria est actuellement entre parenthèses ? Quelles sont les prochaines échéances ?
Etienne : Actuellement on n’a pas d’actualité, on se laisse un peu de temps. Ça fait quasiment 15 ans qu’on n’est pas resté tranquille. Là c’est la période, moi et Cam on a LANE, Germain va être papa pour la deuxième fois. Mais on s’est dit que le groupe ne s’arrêtait pas et s’il y a l’occasion de faire d’autres choses, on les fera. On a déjà des idées ; Cam compose, moi aussi j’ai souvent ma guitare à la main, je compose pour LANE et pour Daria. Donc on ne s’interdit rien mais effectivement 2018-2019 risque d’être assez calme.

Et pour les lives de LANE, vous envisagez de reprendre des morceaux de vos groupes respectifs ou ce sera du 100% LANE ?
PY : Elle est bien celle-là, du 100% pur LANE (rires). Ah non, on ne veut surtout pas reprendre des vieux morceaux !

Vous allez forcément attirer quelques nostalgiques…
PY : On ne pourra pas passer à côté de ça j’imagine bien mais on ne souhaite vraiment pas le faire.
Etienne : C’est quoi votre pire morceau ? On jouera celui-là ! (Rires) Non, ce n’est définitivement pas l’idée.
PY : C’est ça le plus compliqué en ce moment, c’est de faire comprendre aux gens qu’on est vraiment passés à autre chose. Les Thugs, on n’y est plus du tout. Et les gars de Daria, comme disait Etienne, sont en pause. Et c’est pas le propos. On n’a jamais été de grands fans de reprises donc reprendre Les Thugs…
Etienne : C’est inévitable de penser aux Thugs bien sûr mais c’est surtout ce qu’il faut essayer d’éviter. Oui c’est la voix, le bassiste et le guitariste mais c’est quand même pas Les Thugs ! Ne serait-ce que dans le disque tel qu’on l’a produit, je crois que c’est la première fois que Pierre-Yves entend bien sa basse (rires) et que le chant d’Eric est autant mis en avant. On est nettement plus pop que Les Thugs ne l’étaient ! C’est un groupe différent. Leur notoriété nous sert c’est évident mais c’est vrai qu’il faut trouver le bon équilibre entre ce qui nous aide et ce qui pourrait être un peu chiant… Mais je pense qu’un mec bourré à un ou deux concerts risque d’en réclamer.
PY : Par exemple, Black Bass a fait une publication Facebook « le retour de deux des Thugs »…
Etienne : Moi j’aurais mis les deux meilleurs (rires).
PY : Je ne veux pas renier le passé, ce que j’ai vécu avec ce groupe était incroyable, je ne le revivrai sans doute jamais mais évitons ça. C’est un nouveau groupe.

Vous suivez encore beaucoup l’actualité rock à Angers, et plus généralement en France ? Vous avez eu des coups de cœur récents ?
Etienne : A Angers, pas spécialement récemment. Mais sur la scène nationale, des groupes comme Pogo Car Crash Control ou Lysistrata donnent une nouvelle lumière à la scène rock française. Sinon, actuellement j’adore le groupe Moaning sur Sub Pop. Je trouve ça vraiment génial, c’est mon groupe du moment.
PY : Moi j’écoute beaucoup de trucs que j’écoutais déjà il y a 20 ans. Je ne fais peut-être pas assez l’effort de fouiller. Ma dernière découverte française récente c’est Basement, un groupe de Bordeaux (des 90s !, ndr). J’ai trouvé ça d’enfer. Félix quand il est sur Spotify, il écoute les suggestions d’artistes similaires, moi je ne veux pas. Quand je vais écouter Hüsker Dü, il me propose d’autres trucs mais je reste sur ce qu’il y a de meilleur ! Je suis con (rires).
Etienne : Moi j’ai adoré Tropical Fuck Storm, un groupe avec les mecs des Drones, des australiens. C’est très particulier comme rock mais c’est assez génial. J’avais lu dans un fanzine une interview de Ian MacKaye (chanteur-guitariste de Minor Threat puis Fugazi, et fondateur de Dischord Records, ndr) qui disait que c’était son concert préféré de l’année. Quelques jours plus tard, le chanteur de Green Day disait que c’était son deuxième concert préféré de l’année… Alors j’ai commencé à écouter et je suis tombé amoureux de ce groupe. Faut tout écouter, il y a une vraie évolution, et sur la fin c’est vraiment passionnant.


Interview réalisée par Jonathan Lopez

A lire également dans le numéro 45 (septembre-octobre) du magazine New Noise.

 

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