Interview confinement – Nicolas Cuinier (Petit Bain)

Publié par le 30 avril 2020 dans Interviews, Notre sélection, Toutes les interviews


À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Pendant le confinement, nous avons souhaité interroger des artistes et des professionnels de la musique sur la manière dont ils vivent cette situation et sur l’impact qu’elle a sur eux, afin de mieux comprendre comment chacun est touché et gère la crise.

Après Nick Oliveri (QOTSA, Kyuss, Mondo Generator…), Charly Lurat (booker chez Kongfuzi/My Favorite) et Nicolas du disquaire Musicfearsatan, nous avons interrogé Nicolas Cuinier, programmateur de Petit Bain, l’une de nos salles de concerts parisiennes préférées.

Comment vis-tu le confinement au quotidien ?
Malgré ce contexte assez étrange et même surréaliste, je le vis pas si mal. Je m’habitue à ce rythme différent, au télétravail que je connaissais déjà un peu, à me faire à manger à chaque repas, à avoir mes soirées libres pour m’occuper en lisant, regardant des films ou séries ou en écoutant de la musique, je me réinvente un autre rythme que celui boulot/concerts ou sorties/dodo qui peut être assez fatigant parfois. C’est presque comme des vacances forcées dans un lieu qu’on n’a pas choisi et dans une zone limitée… 

Tu continues des activités liées à la musique ?
Oui, bien sûr, j’essaye de rattraper mon retard en termes d’écoutes, on est moins sollicités en ce moment du coup j’écoute beaucoup de choses assez différentes. Je maintiens une certaine veille pour Petit Bain, notamment les premières semaines, on a eu énormément de reports à gérer, des événements prévus au printemps à décaler sur l’automne 2020 ou sur 2021. Et puis dès que je trouve un moment où j’en ai l’envie et la motivation, je me fais des petites répétitions à la maison, en mode guitare-voix, et j’essaye même un peu d’enregistrer des maquettes (NdR : Nicolas est guitariste et chanteur du groupe In My Head. Leur dernier EP s’écoute ici).  

Quel impact a eu le confinement sur l’activité de la salle ?
La salle a dû tout simplement fermer ses portes dès que les lieux de plus de 100 personnes ont dû fermer, comme beaucoup de salles d’ailleurs, et on a pris la décision “préventive” de fermer également la partie resto-bar, la “Cantine de Petit Bain” avant même la fermeture des bars et des restos, ça nous semblait plus cohérent et plus prudent. Et on a dû annuler ou plutôt reporter à ce jour environ 130 événements entre les concerts en salle, les clubbings et les événements (DJ-sets, concerts “légers” ou autre) qui devaient avoir lieu à la Cantine, ainsi que les événements jeune ou tous publics et ceux qui devaient avoir lieu hors les murs. Économiquement, c’est très compliqué. Comme beaucoup de structures, on n’a pas énormément de trésorerie et quand même des frais assez nombreux, même en chômage partiel, on regarde à quelles aides on peut prétendre, ce qui implique de monter des dossiers pas toujours simples, et on a demandé un prêt à la banque, si j’ai bien suivi.

Y a-t-il selon toi un moyen pertinent de continuer votre activité professionnelle malgré le confinement ou êtes-vous au chômage technique forcé ?
Notre activité principale est de prime abord de gérer des reports en termes de calendrier, de communication et de billetterie. On essaye d’être présents sur les réseaux sociaux vu que c’est un peu tout ce qu’il nous reste, notamment en publiant des playlists thématiques (les plaguelists) ou des playlists de l’un(e) d’entre nous. On vient également de lancer, en partenariat avec la Ville de Paris, l’opération “Petit Bain de Musique” où on propose tous les jeudi deux concerts de 30 minutes chacun ainsi qu’un DJ-set, avec des artistes parisiens qui se produisent sur leur terrasse/balcon/à la fenêtre pour avoir une interaction avec leurs voisins. Le tout est diffusé en Facebook Live. Après on est loin de pouvoir assurer notre activité habituelle.

Comment envisagez-vous l’après ? Vous espérez rouvrir quand ?
Personnellement, je ne suis pas hyper rassuré sur l’avenir, j’ai l’impression qu’on navigue à vue, sans mauvais jeu de mot… On est en attente de pas mal de réponses sur les aides qu’on a pu demander, on a pu obtenir celle du Centre National de la Musique (CNM) et on espère tenir niveau trésorerie. On espère rouvrir la salle de concert avant la fin de l’été, la Cantine et le Rooftop un peu avant, mais on est dans le flou, et on ne sait pas dans quelles conditions ça pourra être effectif ou non. Même si on arrive à être ouverts quasi “normalement” cet automne, on a d’ores et déjà de nombreux artistes qui reportent/re-reportent leur venue à 2021. On avait peur d’un embouteillage, d’un trop plein de propositions à l’automne sur Paris au niveau des concerts, ça risque fort d’être le cas sur début 2021. Le public ne pourra pas tout suivre.

Quel serait le meilleur moyen de vous soutenir pendant et après le confinement ?
En prenant d’ores et déjà vos places pour les concerts à venir par exemple, et en gardant vos billets même si les concerts sont à nouveau reportés, quitte à ne pas demander de remboursement. Le nerf de la guerre c’est encore et toujours la trésorerie. Après le confinement, même si on ne sait pas dans quelles conditions on pourra rouvrir, on espère que le public sera au rendez-vous et en pleine forme !

Que penses-tu de la démarche de proposer des archives audio en ligne, des concerts enregistrés au coin du feu ou d’autres manières qu’ont les artistes ou maisons de disque de maintenir une exposition auprès du public ?
Les artistes ont besoin de montrer qu’ils sont encore là, en vie, de ne pas être oubliés. Disons que je trouve ça respectable, de garder le lien, ça peut même créer de nouvelles dynamiques, le public a plus de temps à y consacrer, confiné comme tout le monde, et va en profiter pour (re)découvrir de nombreux artistes. Je n’arrive pas à tout suivre personnellement, il y a bien sûr à boire et à manger dans toutes ces propositions, comme de manière générale, mais du coup il y a de belles choses !

Propos recueillis par mail par Jonathan Lopez

Pour voir les prochains évènements organisés par Petit Bain (et réserver vos places !), c’est ici.

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