Interview – Colleen Green (et chronique de I Want To Grow Up)

Publié par le 15 juillet 2020 dans Interviews, Non classé, Toutes les interviews

Colleen Green – I Want To Grow Up

Il y a cinq ans, je passais sans le savoir à côté d’un album qui allait devenir un de mes préférés de la décennie. Mais comme on aime les anniversaires chez Exitmusik, je me permets de me rattraper pour essayer de vous expliquer pourquoi je pense qu’I Want To Grow Up est un grand disque.

Beaucoup de gens considèrent que le rock est un style musical en déclin car il tourne sur lui-même, ne parvient plus à innover et donc n’est plus en mesure de proposer quelque chose de pertinent dans l’ère du temps. Si vous êtes un partisan de cette théorie, ce n’est certainement pas une première écoute de cet album qui vous fera changer d’avis.

La musique de Colleen Green est référencée et elle-même ne s’en cache pas. On peut facilement savoir d’où elle vient, et on devine tout aussi aisément où elle veut en venir. Ce n’est pas très novateur, certes, puisqu’on retrouve là toute la culture musicale des années 80-90 que l’artiste a pu ingérer, mais c’est super bien fait. Non contente d’avoir digérée ses influences, elle sait les mélanger et les ressortir de façon pertinente et originale. Ce n’est pas une chanson énervée qui reprend le riff de « Drain You » de Nirvana, mais la mignonette « Wild One », il y a bien un pont shoegaze pour accompagner les ambiances plus oniriques du disque, mais il se trouve au milieu du morceau le plus punk « Grind My Teeth ».
Surtout, l’utilisation de ces références est toujours au service des chansons, car au final, ce sont elles qui font l’album. Pourrait-on imaginer le morceau titre qui ouvre l’album autrement qu’avec ces guitares et cette batterie lourde qui appuient le propos des paroles (« j’en ai assez d’être immature/je veux être responsable/J’en ai assez de ne pas avoir confiance en moi/je veux être plus à l’aise ») et cette touche slacker qui lui apporte la dose parfaite de nonchalance pour faire parfaitement mouche ?

Donc, déjà, Colleen Green prouve musicalement qu’elle a le talent de s’approprier ses références et d’en faire quelque chose d’unique et personnel. Mais j’appréhende I Want To Grow Up comme une œuvre plus globale où la thématique de grandir et de chercher à échapper à ses mauvaises habitudes est servie par de superbes chansons qui sont déjà excellentes si on les prend à part, mais qui se révèlent lorsqu’on les écoute à la suite, à l’image du diptyque « Things That Are Bad For Me ». Pour tout dire, même « Deeper Than Love » qui me hérisse un peu les poils par son côté Eurythmics, finit par me sembler sensuelle et tout à fait à sa place dans l’ensemble de l’album. Idem pour le final « Do Whatever I Want », qui au-delà de son côté années 80 reste tout à fait accrocheuse et permet de finir le disque sur une touche presque optimiste.

Surtout, malgré la présence des guitares saturées et de la batterie fracassante, on a l’impression d’un album intime, où l’artiste se livre complètement avec ses multiples facettes, ses lubies, ses doutes, et son humour. Une personne ordinaire qui, arrivée à la trentaine, continue de ne pas se sentir adulte, de faire face à des relations dysfonctionnelles et à chercher à remettre en ordre le bordel dans sa tête et dans sa vie. Si on ajoute à ça un bagage rempli de références des années 80-90 et une relation ambivalente à la télévision, on se demande finalement si I Want To Grow Up n’est pas bel et bien un album pertinent pour toute une génération ; ce n’est simplement pas la génération qui se retrouve davantage dans l’afro-trap et les réseaux sociaux. Pour moi qui ai sensiblement le même âge que Colleen Green, ça ne fait aucun doute. Je vous invite à en juger par vous-mêmes.

INTERVIEW

// ENGLISH VERSION BELOW

Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?
Je ne suis qu’une personne ordinaire qui vient d’une petite ville du Massachusetts. J’ai commencé à jouer de la guitare vers 12 ans, mais j’ai toujours voulu chanter, depuis mon plus jeune âge. Avant la sortie de I Want To Grow Up en 2015, j’avais sorti quelques albums et singles par moi-même ou sur divers labels indépendants. Je suis très fière de tout ce que j’ai sorti, mais je pense que I Want To Grow Up est ce qui m’a fait connaitre de beaucoup des gens qui m’écoutent aujourd’hui.

C’est ton premier album avec un groupe complet. Pourquoi ? Penses-tu le refaire ou c’était juste pour cet album ?
Quand j’ai écrit les chansons qui allaient composer l’album, je savais que seul un groupe live pouvait leur rendre justice. Je voulais qu’elles soient fortes, heavy et pleines d’émotions. Les batteries programmées n’étaient pas capable de transmettre ce que j’avais en tête. En fait, j’ai un nouvel album intégralement enregistré avec des instruments live, mais je ne sais pas quand il sortira. Mais à l’avenir, je suis sûre que je continuerai à utiliser des beats programmés autant que de vraies batteries, car j’adore les deux et je pense que chacun à sa place en fonction de la chanson.

As-tu écrit les chansons de l’album autour du thème de vouloir grandir, ou est-ce plutôt une collection de chansons qui ont simplement été composées à la même période ?
Le titre est un concept auquel je pensais depuis longtemps, avant même d’écrire une seule des chansons qui ont fini sur l’album. Je ne me rappelle pas avec certitude, mais je pense que l’idée de vouloir ou d’avoir besoin de grandir et la décision ferme d’utiliser ce titre imprégnait tellement mon esprit à l’époque où j’ai écrit ces chansons qu’elles semblent s’être insérées naturellement dans ce thème.

Je suis très fière de [ma chanson] « TV ». Elle décrit parfaitement un aspect de ma vie que je déteste. J’ai été élevée par la télévision et je compte toujours plus dessus que sur de vraies connexions d’émotions humaines. Pour moi, c’est incroyablement déprimant

© Steele O’Neal

Le riff du couplet sur “Wild One” me rappelle le “Drain You” de Nirvana. C’était intentionnel, inconscient ou une coïncidence ? As-tu d’autres influences explicites ?
Je pense que ma musique est pleine de références. Je fais beaucoup de clins d’œil à la musique que j’ai aimée tout au long de ma vie dans mes chansons, mais ce n’est pas toujours immédiatement intentionnel, c’est plus une agréable surprise. Quand je composais « Wild One », ces accords sont venus très naturellement, et quand je me suis rendu compte que c’était les mêmes accords que “Drain You” j’ai trouvé ça encore mieux.

Penses-tu que les sujets abordés sur cet album sont des préoccupations qui disparaissent avec l’âge ?
Je ne pense pas. Beaucoup de choses dont je parle dans ces chansons sont des schémas de comportement, ce sont des schémas précisément parce qu’ils ne disparaissent pas, ils continuent et se répètent jusqu’à ce qu’on fasse quelque chose pour les briser. Le seul bénéfice de l’âge, c’est l’expérience. Il faut être capable d’acquérir du recul et de la sagesse de cette expérience pour devenir mature.

L’album a été enregistré à Nashville dans le Tennessee, assez loin de la Californie où tu habites. Pourquoi ?
Je voulais vraiment travailler avec mon ami Jake Orrall car j’adore JEFF the Brotherhood et je voulais un son dans cet esprit-là. Je savais aussi que je voulais que mon ami Casey Weissbuch joue de la batterie dessus, et ils habitaient tous les deux à Nashville à l’époque.

As-tu une chanson préférée sur l’album ? Une dont tu es particulièrement fière ?
Je suis très fière de « TV ». Elle décrit parfaitement un aspect de ma vie que je déteste. J’ai été élevée par la télévision et je compte toujours plus dessus que sur de vraies connexions d’émotions humaines. Pour moi, c’est incroyablement déprimant, et cette chanson me rend triste, mais elle a aussi un côté humoristique. C’est une pure chanson de Colleen Green.

Cinq ans après, as-tu arrêté de faire les chansons qui sont mauvaises pour toi ? (Désolé, il fallait que je la fasse*)
J’ai arrêté d’en faire quelques-unes, mais pas toutes. C’est une bataille acharnée et mes défauts me font face tous les jours. À tout le moins, c’est un soulagement d’avoir pu les avouer publiquement. Admettre qu’on a un problème est le premier pas.

Qu’as-tu de prévu pour la suite ? Je sais que ce n’est pas le moment, mais aura-t-on la chance de te voir bientôt en France ?
Ce qui arrive, c’est mon nouvel album ! Là encore, je n’ai aucune idée de quand il sortira, j’espère en 2021. Pour l’instant, je ne m’imagine pas voyager, encore moins à l’international, mais je ne peux pas prédire l’avenir. J’adorerais revenir en France un jour.

Entretien réalisé par mail par Blackcondorguy, merci à Colleen.

*Référence à son morceau “Things Are Bad For Me”

/// ENGLISH VERSION

Can you tell us about yourself?
I’m just a normal person from a small town in Massachusetts. I started playing the guitar around age 12, but I had always wanted to be a singer from a very young age. Before the release of I Want To Grow Up in 2015, I had put out a few albums and singles on my own and with various independent labels, and I’m very proud of everything I’ve ever released, but I think I Want To Grow Up is what turned a lot of my current listeners on to me.

I Want To Grow Up is your first album with a full band. Why? Is it something you will definitely do again someday, or was it just for that album, or are you recording albums with a live band from now on?
When I was writing the songs that would go on to comprise that album, I just knew that a live band would do them the most justice. I wanted them to be loud and heavy and full of feeling. Programmed drums could never have conveyed what I heard in my head. I actually have a new album that features all live instruments, but I’m not sure when it will come out. In the future, I’m sure I will continue to use programmed beats as well as live drums, because I love them both and I think each one has its place in the right song.

Did you write the songs on the album around the titular theme of wanting to grow up or is it more of a collection of unrelated songs that you happened to write around the same time?
The title was a concept I had been thinking of for a long time, before I started writing any of the songs that would eventually go on the album. I can’t remember certainly but I think the idea of wanting or needing to grow up and the resolution to use that title was just permeating my mind so much in those days that as I wrote the songs, they seemed to fit the theme naturally. 

The verse riff from “Wild One” reminded me of Nirvana’s “Drain You”. Is that intentional, an unconscious influence or purely coincidental? Are there any notable influences on this record or in your music in general?
I think of my music as referential. There are many nods to music I’ve loved over the course of my life hidden within my songs and it’s not necessarily immediately intentional but more of a pleasant surprise. While I was writing “Wild One” those chords in the chorus came the most naturally, and when I realized it happened to be the same chords as in “Drain You” I thought, even better! 

Do you think that the subjects you tackle on this record (It would be quite ridiculous on my part to sum them up to you who wrote the songs) are things that disappear when you grow older?
I don’t think so. A lot of the things I talk about in those songs are patterns of behavior and the reason they’re patterns is because they don’t disappear, they continue and repeat until you take action to break them. The only benefit age brings is experience. One must be able to wring perspective and wisdom out of that experience in order to mature.

If I’m not mistaken, the album was recorded in Nashville, Tennessee which is quite far from California. Was there a particular reason?
I really wanted to work with my friend Jake Orrall because I love JEFF the Brotherhood and I wanted a similar sound. I also knew I wanted my friend Casey Weissbuch to play drums, and they were both living in Nashville at the time. 

Do you have a favorite song on the album? Or something you’re particularly proud of?
I’m really proud of “TV”. It perfectly describes an aspect of my life that I rue; I was raised by television and still depend on it in lieu of human emotional connection. To me, that is incredibly depressing and this song makes me sad, but there’s still a sense of humor about it. This is a quintessentially Colleen Green song.  

Five years in, have you stopped doing things that are bad for you?
I have stopped doing some things that are bad for me, but not all. It’s an uphill battle and my vices show themselves to me every day. At the very least, it’s a relief to have put those admissions out there. Recognition is the first step. 

What’s next? And I know it’s not a timely question, but is there any chance to see you play in France any time soon?
What’s next is my new album! Again, I have no idea when this will come out but hopefully 2021. At the moment I can’t see myself doing any traveling especially internationally, but I can’t predict the future. I would love to come back to France someday.  

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