Beastie Boys – Hello Nasty

Publié par le 2 août 2018 dans Chroniques, Incontournables, Non classé, Toutes les chroniques

(Capitol, 14 juillet 1998)

Ne vous laissez pas berner. J’ai beau jouer l’érudit avec mes chroniques de quelques grands disques des Beastie Boys (Licensed To Ill, Ill Communication), comme si je les avais connus à leurs débuts punks par l’intermédiaire de Rick Rubin… En fait, je découvre les Beastie Boys en 1998 à la sortie de Hello Nasty. Ma culture rap se limite alors à IAM et NTM. C’est la révélation.

Lorsque Hello Nasty parait, les Beastie Boys sont déjà un groupe accompli avec près de 20 ans de carrière derrière eux, 4 albums monstrueux, des tubes à la pelle et restent sur le succès colossal de Ill Communication (double platine). Entre temps, ils sortent la (géniale) compil instrumentale The In Sound From Way Out!, énième preuve éclatante de la large palette musicale et la grande ouverture d’esprit des New-Yorkais. Une compil annonciatrice de l’album qui va suivre. Oui, celui-là même dont on parle ici.

Car Hello Nasty regorge d’idées, de fulgurances, de trouvailles. En 22 titres et plus d’une heure de musique, les Beastie nous en font voir de toutes les couleurs. En attaquant tambour battant avec « Super Disco Breakin’ » d’abord, puis en déroulant son hip hop infusé d’électro, de rock, de bossa nova, de dub, de ballades étranges, de sonorités barrées, de bizarreries débiles.

Certains morceaux condensent ainsi toutes les envies d’explorations du groupe. A l’image de « The Move » de facture assez classique au début qui finalement se laisse tenter par toutes les bifurcations possibles et imaginables (un break de piano « médiéval », un final électro old school avant une chute sur une chansonnette espagnole ringarde sur un gros beat hip hop). Qu’est-ce qui peut bien leur passer par la tête ? Impossible à dire mais comme toujours c’est drôle, déjanté, pétaradant… Complètement Beastie finalement !

Pour les auditeurs un peu plus frileux (sachez déjà que vous vous êtes trompés de groupe), il y a là de quoi remuer les miches jusqu’au petit matin en suivant comme vous pouvez les flows survoltés de Mike D, Ad Rock et MCA sur les explosives « Super Disco Breakin’ », « Remote Control », « Body Movin’ » ou le tube ultime « Intergalactic » et son instru SF qui file le frisson dès les premières secondes. Les Three MC’s s’appuient sur leur fabuleux nouveau DJ, Mix Master Mike, recruté juste avant l’album qui apporte une créativité folle et une maitrise des platines sans égale, ou presque.

Au-delà de son apport considérable sur ces tubes qui viennent s’ajouter à la riche carrière du groupe, le nouveau DJ démontre qu’il excelle dans les instrus hip hop classiques (« The Negotiation Limerick File », « Just A Test », « Puttin Shame In Your Game »). Et les trois MCs de s’en donner à cœur joie avec leur nouvel acolyte, comme s’ils avaient toujours bossé ensemble.

Il faut le dire tout de même, Hello Nasty souffre d’une baisse de régime assez nette dans sa deuxième moitié. Mais continuer sur les mêmes bases durant plus d’une heure aurait eu quelque chose d’inhumain. Une telle créativité force le respect et nous autorise à fermer les yeux (ou à se boucher les oreilles) sur les quelques tentatives un peu plus hasardeuses (l’anecdotique « Flowin Prose », ou « And Me » aussi bizarre qu’inutile).

Alors, après avoir distribué les tubes de façon insensée, les Beastie s’amusent avec quelques bons gros délires et expérimentations sous la houlette de maitre Mike : la trip hop « Sneakin Out The Hospital », la délicieuse « Song For Junior » ambiance bossa nova (qui répond à l’espèce de piano bar déjanté improbable « Song For The Man » du début d’album), la délicate mélopée lounge « Picture This », les vibes jamaïcaines de « Dr Lee, PhD » (avec Mr Lee Perry himself !), la mélancolique « I Don’t Know » qu’on ne sait pas trop si on doit prendre au premier ou quatorzième degré, la petite comptine finale « Instant Death ». Et le pire, c’est que tout ceci est aussi rafraichissant que réussi, et que l’ensemble se tient, façon gros foutoir organisé.

Avec Hello Nasty, c’est un monde merveilleux qui s’ouvrait à moi, me restait alors à retracer la carrière de ce groupe génial à rebrousse-poil. Et de ne cesser d’être enchanté.

Jonathan Lopez

 

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