Alice In Chains – Facelift

Publié par le 27 août 2020 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(Columbia, 21 août 1990)

Évoquer les trente ans du premier album d’Alice In Chains sans sombrer dans la nostalgie facile ni dans le révisionnisme opportuniste m’apparait être une gageure au moment d’écrire ces lignes. Charge à moi de ne pas m’écarter, de ne pas déraper, de ne pas m’enflammer, car c’est d’Alice in Chains dont il s’agit, une partie de la vie, quelque chose qui marque pour longtemps.

Quand le groupe publie Facelift, le 21 août 1990, le Hard FM 80’s n’est pas officiellement mort, et le grunge pas officiellement né. Les pièces sont en place, mais il faudra encore attendre la sortie de Nevermind pour que public et médias s’imaginent voir la vierge quand pléthore de groupes avaient déjà pavé la voie. Le titre de porte-drapeau du mouvement aurait très bien pu échoir à Alice in Chains, ce n’est pas faute d’avoir le bon riff pour le réclamer, mais leur musique était peut-être déjà trop mélancolique, trop sale, pour convaincre à la fois le teenager white trash et le cadre moyen de se précipiter vers leur « record store » préféré. Ils n’étaient pourtant pas à court d’arguments. « We Die Young » débarque gaulé pour l’histoire, intro qui plombe, refrain qui tonne comme un présage et cette voix, pour la première fois, qui nous traverse douloureusement.

Layne Staley s’impose immédiatement comme un vocaliste de premier rang dont la singularité ne cessera de s’affirmer au fil du temps. Difficile de ne pas piocher dans les superlatifs usuels pour se souvenir de lui. Christique, prophétique, écorché, habité, n’en jetez plus, il les a tous portés. Faut dire que sur des titres comme « Man In The Box », « Love, Hate, Love », « I Can’t Remember », Staley déploie une émotion aussi fragile que puissante, pas toujours totalement maîtrisée mais qui colle la chair de poule, quand l’humeur est à l’emphase. Du côté de Jerry Cantrell, c’est presque la même chose. Il en impose d’entrée, à l’image de son chanteur. Il est déjà au-dessus de la mêlée mais il n’a pas encore trouvé son son, d’où quelques fautes de goût qu’on lui a pardonné depuis mais qui font grincer néanmoins. Car finalement, le principal problème de Facelift est d’avoir été suivi par des albums bien meilleurs, face auxquels il ne pouvait soutenir la comparaison. Pas mal de titres qui le composent font encore partie des setlists du groupe, et sont gravés dans l’imaginaire des fans, mais en aucune façon il ne saurait égaler la solidité de Dirt, la beauté de Jar of Flies et la profondeur du tripod (je parle évidemment du Alice In Chains originel). Il a vieilli plus rapidement que ses successeurs parce qu’il était celui qui avait pioché avec le moins de recul dans la musique agonisante du temps juste avant le sien. C’est également celui sur lequel le groupe se montre le moins rigoureux, ce qui est normal pour un premier album et celui-ci ne saurait prétendre figurer parmi les meilleurs dans cette catégorie. En cela, il se rapproche de ses voisins de gouttières, Ultramega OK de Soundgarden, Bleach de Nirvana, et même Ten de Pearl Jam. Le succès du dernier, à l’époque, et des deux précédents, après coup, ne doit pas occulter leurs nombreux défauts, notamment au niveau de la production qui n’est à la hauteur sur aucun des disques cités.

Pour en revenir à Facelift, il faut également se rappeler que des titres comme « I Know Somethin (Bout You) » ou « Real Thing », qui n’ont pourtant à rougir de rien, auraient certainement eu leur place ailleurs, en face b de «Man In The Box» ou de « It Ain’t Like That » par exemple, mais pas sur cet album, pas à la fin, pas avec ce décalage qu’ils créent. Ils sont bons mais ils dénotent trop par rapport au début du disque et laissent un goût étrange d’inachevé ou de mal achevé.

Je me vois dans l’obligation de reconnaître mon outrecuidance (punaise) car à sa sortie, à l’instar de Ten cité plus haut, Facelift s’est extrêmement bien vendu, et mes atermoiements, trente ans après, ne furent pas partagés par la jeunesse de l’époque ou du moins, on ne m’a pas prévenu. D’aucuns s’accordent à dire qu’il est même meilleur que Dirt, mais je mets ça sur le compte de « l’effet anniversaire »… Au bout de trente ans, il est facile de refaire l’histoire avec de la provoc facile. La preuve.

Finalement Facelift n’est autre qu’un prélude engageant, bancal par bien des aspects, mais de qualité suffisante pour propulser AIC vers une carrière sombrement éclatante qui prit fin en 2002, à la mort de Layne Staley, avant de renaître modestement quelques années plus tard.

Aujourd’hui, le groupe est un mastodonte qui ronronne, entre albums moyens et tournée mondiale. « Man In The Box » fait les beaux jours des coachs vocaux sur Youtube, on parle de « Would? » dans les classements des meilleures intros de basse, toujours sur Youtube, et c’est à peu près tout. 

Max

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