David Bowie – Aladdin Sane

Publié par le 16 avril 2018 dans Chroniques, Incontournables, Notre sélection, Toutes les chroniques

(RCA, 13 avril 1973)

Vous voulez une histoire triste ? Et bien voilà, Aladdin Sane n’est pas reconnu à sa juste valeur. Même s’il arbore la pochette la plus iconique de la carrière de Bowie, il se retrouve en plein milieu des tops 10 qui ont été réalisés sur la carrière de l’artiste depuis sa mort, il ne figure pas dans les listes des 172 albums que vous devez écouter dans votre vie sous peine de vous payer la honte, il est même considéré par beaucoup comme moins bon que Hunky Dory et Low. Low, putain!

Et tout ça, c’est parce qu’Aladdin Sane est l’album Panic Room* par excellence. Vous imaginez, passer après Ziggy Stardust ? Difficile de faire aussi bien ! Pourtant, le disque commence presque où le précédent s’était arrêté, avec un “Watch That Man” au rythme rock’n roll endiablé qui n’est pas sans évoquer “Suffragette City”, avec un mixage un peu plus brut et un saxo en rab, et nous offre de fabuleuses perles pailletées (la reprise de “Let’s Spend The Night Together”, qui tient la dragée haute à l’originale, ou “Cracked Actor” et son harmonica diabolique, un des meilleurs morceaux de Bowie).

Peut-être, alors, le manque de reconnaissance serait-il dû au fait qu’Aladdin Sane serait un Ziggy Stardust bis ? Là non plus, ce n’est pas le cas. Le morceau titre est une petite bizarrerie pop incluant un solo de piano free jazz, “Panic In Detroit” est en quelque sorte la version rock d’une samba en jungle beat (ça parait très arty à vomir sur le papier, mais c’est irrésistiblement dansant dans les faits), “Drive-In Saturday” reprend des éléments du doo-wop pour un résultat qui donne envie de reprendre en choeur “Doo-doo-wah” à chaque couplet, “The Prettiest Star” s’inspire d’une danse grecque traditionnelle en y ajoutant une touche glam, bref David Bowie est inspiré, inventif, et le résultat souvent à la hauteur ; seule cette dernière offre surtout un moment pour aller pisser, mais le moment parfait pour aller pisser ! Ce ne sont donc pas les morceaux, la plupart sont à tomber avec des mélodies de haut niveau. Écoutez donc la poignante “Time” pour vous en convaincre !

Alors est-ce le concept ? L’artiste étant reconnu pour son univers, un disque qui se contenterait de reprendre la thématique et l’univers de ses années glam serait alors moins intéressant que d’autres ? Là encore, je ne pense pas. Car si Aladdin Sane est dans l’inconscient collectif rattaché à Ziggy pour son côté glam (et sûrement le visuel de sa pochette), il ne s’agit pas ici d’une variation sur le thème du rock’n roll et de la rock star, mais d’un portrait de l’Amérique par un musicien qu’elle repousse autant qu’elle fascine. Musicalement, cela se traduit par une réappropriation à la moulinette anglaise de Bowie des standards de la musique américaine. Le tout avec une forte influence des Rolling Stones, qui ont pillé les grands classiques du blues étatsuniens pour faire du rock anglais… Je ne sais pas ce qu’il vous faut de plus en matière de touchage de nouille.

Bref, Aladdin Sane a tout du grand album de Bowie, et c’est normal, c’est un grand album de Bowie. Son meilleur ou le meilleur après Ziggy Stardust selon le pied dont on se sera levé le matin. C’est une merveille. C’est un chef-d’œuvre. Et le meilleur cadeau que vous pourrez vous faire pour ses 45 ans, c’est de le réécouter. Vous voyez, pour une histoire triste, ça finit bien !

Blackcondorguy

*Album Panic Room : album faisant suite à l’œuvre majeure d’un artiste et éclipsé par le succès du précédent alors qu’il est tout à fait correct, voire très bon. De Panic Room, film de David Fincher qui a suivi Fight Club.

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