La Canaille – 11.08.73

Publié par le 7 juillet 2017 dans Chroniques, Toutes les chroniques

(La Canaille/Modulor)

Avis aux amateurs d’histoire dont la culture hip hop laisse à désirer. La Canaille nous offre avec « 11.08.73 » un récit de la naissance du genre sous la patte de Kool Herc, lors d’une block party dans les rues du Bronx. Un titre brillant à la hauteur de son ambition, sur une instru chaloupée et saccadée.

Avis aux amateurs d’histoire de France qui ne la connaissent qu’à travers les manuels à haute dose patriotique. La Canaille nous dresse un portrait peu reluisant de cette répugnante République, revenant sur le passé peu glorieux de notre chère nation (« République »). Et c’est pour le moins salutaire.

Avis à ceux qui portent un regard critique sur les forces de l’ordre, La Canaille nous délivre un texte acéré sur les violences policières (« Sale Boulot ») sans jamais verser dans le racailleux ou la facilité. Avec justesse.

Avis aux amateurs d’oeuvre collective, La Canaille invite ici d’autres MCs (Mike Ladd, Bukowski, JP Manova) qui partagent sa vision, que d’aucuns jugent désuète. Comme une belle équipe de résistants, clamant haut et fort sa différence à l’égard de la merde ambiante qui monopolise les ondes et les bacs (« On partage les mêmes bacs et c’est pas faute de l’reprocher/Des sous-labels de sous-labels de vendeurs d’illusions/Et tu prends toute la place dans le canal de diffusion/Tu mets d’la merde dans les oreilles à force on s’habitue/Ça commence tôt le formatage, à qui l’dis-tu ? » sur « Du Bruit »).

Avis à ceux qui cherchent un peu d’émotion dans ce monde brut, La Canaille vous ravira avec le magnifique « Accalmie » qui clôt l’album sous la voix de Sofiane, auditeur assidu du groupe qui leur a adressé une lettre des plus poignantes, remerciant leur musique de panser ses plaies.

La Canaille nous offre donc beaucoup encore une fois, porté par la plume virevoltante d’un Marc Nammour qui n’abandonne pas le combat. Ton posé, discours militant, les textes brillent par leur intelligence et demandent du temps pour être digérés.

Marc Nammour n’a pas besoin de s’égosiller ou de partir à la quête d’une punchline vide de sens. Il est au-dessus de la mêlée, de ce rap à gober à la vitesse d’un épisode de Bref. Et à oublier aussi vite.

Musicalement, les machines sont un peu plus en avant que les instruments (rappelons que Marc Nammour est accompagné d’un groupe de musiciens, ô combien talentueux soit dit en passant). Peu d’instrus sortent ici du lot (exceptions faites des formidables « Connecté » et « Parler Aux Inconnus ») celles-ci préférant sans doute s’effacer devant le poids des mots.

Avis aux amateurs de vrai rap à la recherche d’authenticité, La Canaille fait toujours partie de cette catégorie à part et il vient encore de le prouver.

JL

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