5 chansons, 5 disques par Edam Edam

Publié par le 27 juin 2017 dans 5 chansons, 5 disques, Interviews, Notre sélection, Toutes les interviews

On vous a déjà parlé à plusieurs reprise d’Edam Edam, le projet musical de Shyle Zalewski. Cette fois, c’est lui qui parle. Et comme l’artiste touche à tout est aussi volubile qu’il est productif, on se contentera de cette courte introduction !

1 – King Of Nothing – This Is Life (2013)

En écoute ici

Très bonne musique, composée en 2013… (rires) Non, en plus, j’aime bien cette musique, c’est une de mes préférées. Elle est assez spéciale dans le sens où c’est une période où je venais de me séparer, je voyais encore Benjamin, l’autre Edam avec qui j’ai fondé le groupe à la base, et on faisait des soirées. Très bizarrement, on a fini une de ces soirées chez lui avec un autre pote, Sean, qui fait l’oiseau dans certains concerts, on s’est mis à faire de la musique, on a composé plein de trucs qui n’avaient pas grand intérêt, des musiques un peu non-sens, et à un moment j’ai posé ce texte-là sur ces accords-là que je trouvais cool, c’était ultra spontané, la dernière musique qu’on jouait, il devait être 4 heures du matin, avant de prendre le premier métro, vraiment sur un coup de tête. Avec le temps, elle prend vraiment une tournure d’hymne personnel alors que je l’ai couchée sur papier comme ça.

(On sonne à la porte, il ouvre et revient)

Ouais, c’est un hymne personnel, les paroles me parlent vraiment. Et le titre « The King Of Nothing », c’est une locution que j’utilise souvent quand j’écris et que je n’ai pas envie d’écrire « je », ça me semble être une bonne analogie de ce que je suis, une belle métaphore.

 

Tu l’utilisais déjà avant ou c’est venu avec ce morceaux ?

C’est venu avec cette musique, ouais. Et je le fous dans mes BD, je trouvais ça beau cette idée de roi qui n’a rien, qui est roi simplement parce qu’il est un meilleur être humain. Et que c’est déjà être royal d’être un meilleur être humain que les personnes qui nous entourent.

 

En fait, ce « I’m a better human being » final, c’est en comparaison à celui qui critique le narrateur, pas à ce qu’il était avant ?

Oui, c’est ça, tout le morceau c’est un truc assez triste sur ce sentiment de ne pas avoir fait assez de choses dans sa vie, notamment quand j’ai eu 20 ans, je déprimais déjà, je me trouvais vieux, et un pote m’avait envoyé un texto en me disant « à ton âge, Bob Dylan était déjà bien divin ! » et c’est vrai que des fois, je me dis qu’effectivement, je n’ai rien fait, je chante des chansons qui ne parlent pas de grand-chose, mon art est un art des petites choses, qui n’a pas de portée ou de message pour l’Humanité, et c’est dur de se sentir légitime là-dedans. Du coup, le fait de mettre le terme royal là-dessus, ça légitime ce truc-là, car faire des petits trucs, c’est déjà faire quelque chose. C’est un terme que j’utilise beaucoup pour expliquer que c’est important de rien faire !

 

Les trois voix qu’on entend sur le morceau, ce sont tes potes pendant la soirée ?

C’est ça, il est vraiment enregistré chez Benjamin en prise directe micro, avec un zoom sur son pc, on était tous hyper fatigués et on a décidé de garder le truc comme ça.

 

Comment t’est venue l’idée de rallonger la fin en live ?

C’est vrai qu’il est vraiment plus court en studio…C’est arrivé lors d’un concert, car j’aime beaucoup quand il y a une scénographie qui finisse sur quelque chose, qui commence sur quelque chose, je réfléchis vraiment à l’ordre des musiques comme ça. C’est trop cool, c’est un peu comme un livre dont vous êtes le héros où tu peux mettre les chapitres que tu veux où tu veux. Du coup, là, on avait une choriste, un batteur et un bassiste, et on s’est dit « dernière musique, tout le monde lâche son instrument, on se met tous derrière le micro et on chante juste cette chanson. » On sentait que ce moment était hyper fort, et au moment d’envoyer le texte pour que les personnes l’impriment et apprennent les paroles, j’avais mis « I’m a better human being x » sans mettre le nombre de fois en me disant qu’on verrait au feeling, donc ils arrêtaient pas de me poser la question et j’ai décidé de le mettre x1000, ce qui les a beaucoup fait marrer. C’est parti comme ça ! (rires)

 

2 – Keep On Fighting – This Is Life (2013)

En écoute ici.

C’est une chanson de rupture très positive ?

Déjà, je pense que de manière globale, j’essaye que les chansons d’Edam soient dans cet esprit. J’aime bien les musiques tristes, j’ai aucun souci avec ça, mais c’est pas ce que j’ai envie de sortir, j’ai pas envie de plomber les gens. Je peux vouloir dire des choses tristes, parce que ça fait partie de la vie, mais globalement, en dessin comme en musique j’ai envie de transmettre un message plutôt positif, de se relever, d’assumer les choses, ce genre de choses très cul-cul la praline, mais c’est ce que j’ai envie de transmettre.

Ensuite, je crois que ça a été écrit dans la continuité de Whatever Black Holes In My Head, My Heart Is A Galaxy, donc à une période de rupture, avec beaucoup de musiques sur la colère et l’envie de se relever aussi, mais il me manquait cette musique où l’amertume pousse à aller de l’avant. Mine de rien, j’ai commencé Edam très tôt, vers 2006, et j’ai commencé à vraiment faire ce que je veux, produire deux albums si j’avais envie, me lâcher vraiment créativement, à ce moment-là, quand ces choses me sont arrivées. Il y avait la rupture, bien sûr, mais aussi le fait de se retrouver à la rue, tellement de trucs où tu te dis « ok, les merdes arrivent de façon aléatoires, et y a jamais rien que tu puisses faire contre ça. » Donc soit tu te plains, soit tu te bats contre ça. C’est presque exaltant, en fait. C’est horrible, car évidemment, le drame c’est le drame et il y a des choses que bien sûr tu ne souhaites pas, mais des fois tu trouves limite cool qu’il t’arrive des merdes car ça te donne une sorte d’énergie et ça te permet de voir ce que tu veux vraiment. Si les choses sont importantes et si tu es prêt à te battre. Du coup, c’était surtout ça, cette musique.

 

Il y a un break avec des cheap tunes, un classique d’Edam Edam.

C’est ça. Les musiques sont très souvent composées sur le même principe de couplet-refrain-couplet-refrain-break-refrain, parce que ça marche ! Je pense que la forme doit servir le fond, et cette forme-là sert très bien le fond que je veux donner. Le jour où j’ai d’autres choses à dire, ça me gênera pas de faire trois couplets sans refrain ou des morceaux de 20 secondes, tant que la forme sert la musique. Ce genre de musique hyper punk et hyper binaire doit marcher comme ça, et le côté 8 bits, je trouvais que ça donnait un côté assez ado, hyper années 90. J’aime que tout ait un sens, et tous ces petits sons arrivent dans mes musiques pour montrer qu’il y a toujours un côté enfant. Quand je mets du 8 bits, c’est comme si une gameboy arrivait et parlait, un nouveau personnage qui prend la parole. Chaque instrument utilisé, banjo ou autre, a toujours un sens, un sens très chiant à analyser et développer, pas du tout intéressant, mais c’est comme ça qu’on prend du plaisir à créer, même si les gens n’y voient qu’une musique basique. Et à la limite, je préfère ça plutôt qu’ils sur-interprètent. Je sais que moi, dans chaque musique, rien n’est mis au hasard, des fois je mets le même break dans deux morceaux différents parce qu’ils abordent le même thème, ou ce genre de trucs.

 

C’est jamais gratuit, quoi.

Non, tout est hyper spontané, mais c’est comme un réalisateur : si tu mets un fusil dans un film en scène 1, il doit servir en scène 10. C’est un peu pareil. Si tout à coup tu veux arrêter de faire des albums punks, ça doit avoir un sens, sinon tu changes de nom de groupe, quoi. Si un jour je veux faire de l’électro ou de la hard tek, ce qui n’arrivera pas trop, je prendrai un autre pseudo, je n’utiliserai pas Edam juste parce que c’est le nom que les gens connaissent. Il faut que les choses sortent spontanément, mais qu’elles ne soient pas gratuites, il doit y avoir une continuité. En plus, ma musique est vraiment dans la continuité de tout ce que je produis. Je ne dissocie pas la musique du dessin, tout doit avoir la même saveur, que ce soit cohérent. Ça me saoulerait qu’on réussisse à m’épingler sur un truc paradoxal. C’est peut-être une obsession un peu chelou…

 

3 – Boteronella – Lover X Lover (2015)


Pour moi, c’est un peu l’inverse de « Keep On Fighting », le fait de baisser les bras face à une situation pourrie.

Cette chanson a eu beaucoup de réactions dans ce sens, ce sujet est assez sordide pour les gens. Ça parle d’adultère, clairement, et forcément plein de gens trouvent ça triste, surtout qu’au début ça parle juste d’une fille un peu ronde qui essaye de se taper un mec mais on ne dit pas du tout que c’est un adultère, ça on ne le comprend que dans le dernier couplet où elle rentre chez son mec. Pour moi, y a deux messages là-dedans. Enfin, il y en a un milliard, mais deux principaux : le premier, c’est que c’est assez banal. On n’en parle pas, pour des raisons humaines sûrement très compréhensibles, mais on parle bien de dépression ou de mort dans les musiques, pourquoi aussi peu d’adultère ? Ça remet un peu le truc dans sa normalité. Et je trouve au contraire que c’est assez positif car le fait de ne pas dire au début que c’est un adultère permet d’avoir un peu d’empathie pour cette fille qui est mal dans sa peau, qui essaie de draguer, qui s’attache alors que le mec non. Quand on apprend qu’en fait, c’est un adultère, l’idée n’est pas qu’on se dise « quelle connasse ! » mais qu’on comprenne justement que les gens qui trompent sont des gens normaux, pas juste des gros connards ou des grosses connasses, c’est un schéma beaucoup plus complexe. Ça peut venir, comme dans cette musique, d’une sorte de malaise, mais ça peut venir de beaucoup d’autres raisons. Bon, c’est peut-être pas super positif, mais l’idée c’est que tromper n’est pas l’œuvre de gros hitlers.

Le deuxième truc, c’est de se poser la question « est-ce que c’est bien de rester avec une fille qui m’a trompé ? Sans doute non, mais je le fais quand même. »

 

C’est cette partie-là que je vois comme négative.

Ah ? Moi, je la vois comme positive. On va pas se mentir, ça m’est vraiment arrivé, et c’est très ancré, et en tout cas cette dernière partie est très réelle. Mais je pense que tu peux avoir une personne qui te trompe, qui s’en explique, et trouver ça triste mais se dire que finalement, c’est pas le pire truc, qu’il y a des « crimes » bien pires. Dire que l’adultère est le pire truc qui puisse arriver, c’est mettre le sexe au sommet de toute relation amoureuse, et je pense qu’en fait c’est vraiment du cas par cas. Et je peux comprendre qu’on décide de rester malgré une tromperie.

 

Est-ce que, dans cette chanson, c’est pas plutôt une forme de résignation ?

Y a une question d’acceptation plus que de résignation. Le personnage est passif, mais il n’y a pas de combat à mener contre l’adultère. Il y a une forme d’injustice, mais si tu n’es pas content, tu peux juste rompre, en fait. Si tu décides de rester, c’est que tu acceptes, donc tu n’as pas à combattre. Sinon, tu pars. Pour moi, la passivité, elle n’est pas dans le fait de rester. Il y a des gens qui vont réagir de manière agressive et d’autres qui vont l’accepter à un moment, dans la chanson on ne dit pas d’ailleurs quel chemin a été parcouru pour ça, mais pour moi la véritable passivité, c’est de le savoir et de ne rien dire, de ne même pas en parler, de se mentir à soi-même. J’en connais.

 

Des noms ?

(rires) Non, non, ça n’a aucun intérêt ! Mais ça existe. Pour moi, accepter, c’est simplement accepter la réalité de tes sentiments. Ça m’est arrivé plusieurs fois de me faire tromper, c’est chiant, mais ça n’a jamais été le moment le plus douloureux de ma vie. Je ne vais pas surjouer un sentiment qui pour moi n’a jamais été si douloureux que ça.  Après, c’est sûr, il y a des gens que ça détruit, et là il faut se battre contre ça. Pour moi, c’était un peu prévisible, c’est arrivé, ça a été dit, j’avais le choix de partir ou pas, c’était limite une formalité administrative ! Comme perdre dans un jeu vidéo, continue ou pas. Personne ne t’oblige à appuyer sur start ! (rires) Du coup, si tu appuies, tu joues le jeu. Ça ne sert à rien de dire que tu pardonnes la personne et de lui rappeler tous les jours qu’elle a fait cette erreur-là.

En tout cas, c’est un truc hyper banal, on connait tous des gens qui ont vécu ça. Bien sûr qu’on a envie de faire du drama dessus, mais c’est quelque chose d’assez basique, des accidents dans la vie, ça arrive. J’ai pas de vision vengeresse de ça.

 

Musicalement, c’est super efficace. Tu ressens que tu tiens un tube quand tu composes un morceau comme ça ?

C’est un peu au cas par cas. Pour “Boteronella”, tout est venu en même temps, le riff, l’harmonie, le sujet, le chant, donc je n’ai pas vraiment eu le temps de me poser de questions, je l’ai juste posé. Après, quand je le réécoute, que je le travaille pour qu’il ne soit pas trop dégueu ou lo-fi, j’ai l’impression d’avoir fait une musique qui me plait et qui dit quelque chose.

Après, quand je compose j’ai toujours beaucoup de référent en tête, de la musique, ou des films, des références qui peuvent amener une ambiance précise. Du coup, je suis content quand je sens que j’ai vraiment réussi à créer cette ambiance-là. Là, c’est arrivé assez vite et facilement, ça coulait de source, donc je savais que je faisais quelque chose de très poppy et catchy, il ne faut pas se mentir, sans que ce soit le nouveau « Wonderwall » non plus. Du coup, je savais que ce serait la première du cd, la première dont je ferai un clip, et quand je le réécoute je sens bien que c’est la musique qui ressort de cet EP.

 

4 – Uncomfortable At Parties – <3 (2016)


T’avais envie de faire du rap ?

En fait, déjà, ce n’est pas la première fois que je fais des gags un peu rappés chelou, mais là c’était un peu différent. J’avais l’instrumentale, qui faisait un peu instru de rap cool, et tout cet album est fait dans l’urgence et sur le principe de prendre du plaisir. J’avais tous mes instruments chez moi, du temps, une pièce consacrée qu’à ça, contrairement à avant, et en même temps je ne voulais pas mettre trois ans à sortir un album. Cette musique-là, précisément, c’est un style de musique que je fais depuis assez longtemps sans jamais les publier parce que je ne suis pas sûr que ça colle à Edam, et là c’est le moment où je me suis dit que c’était moi qui décidait si ça colle ou pas, où je me suis affranchi du type de musique précis auquel s’attendent un peu les gens depuis Whatever Black Holes In My Head, My Heart Is A Galaxy ou Lover X LoverXYZ, avec ses musiques de moins d’1 minute 30 rentrait encore plus dans le côté punk, binaire, que je trouve très cool, mais je fais plein d’autres trucs et je voulais en faire du Edam. Finalement, la voix un peu parlée, les sons cheaps et le sujet anti-fête faisaient Edam.

 

Du coup tu sors de ta zone de confort.

Oui, et je n’aime pas avoir de zone de confort, mais ça m’a fait un peu peur en terme de cohérence. Je joue tout le temps de la musique, je ne peux pas arrêter. Là, j’ai arrêté officiellement, j’ai 5 musiques composées dont je ne sais pas quoi faire, elles sont là, je verrai ce que j’en fais. (NDR : un album sorti en avril, finalement. L’arrêt aura été de courte durée) Je compose tout le temps, et dans ce magma j’essaie de réunir ce qui a le plus de cohérence, donc j’élimine des trucs qui sont moins Edam, et là j’ai voulu clairement faire des trucs différents. J’aime faire de la pop dans son intégralité, avec du punk, du lo-fi…Casser cette image que le punk, c’est juste les Ramones, même si j’adore les Ramones, ou que le rock c’est ça, ou que Edam, c’est du folk lo-fi. De même que nos personnalités sont multiples, nos aspirations musicales le sont aussi en général.

J’avais très peur que ça choque, mais finalement plein de groupes le font, abordent des styles assez différents, des fois au sein de mêmes albums, et il faut oser ce truc-là. Le plus dur, c’est de garder l’essence mais de ne pas tout le temps faire la même chose. Sinon, c’est chiant. Mais ne pas faire aussi un premier album folk lo-fi et un deuxième néo-metal, là tu perds complètement en intégrité. Mais c’est cool que je puisse faire des choses aussi différentes en restant cohérent avec la production d’Edam Edam. C’est cool de voir que ça dénote pas, comme pour « Feel The Pain ». J’ai une vision assez onirique du punk, finalement, le punk c’est pas juste des grosses guitares, c’est une espèce de liberté un peu adolescente, c’est un peu ce que j’essaie de faire, des trucs un peu absurdes et hyper fun. Tout en essayant de les faire le mieux possible. D’ailleurs, je comprends tout à fait du coup qu’on n’aime pas l’album de A à Z. Avoir des morceaux que j’aime moins et attendre la prochaine parce que c’est ma préférée, c’est un sentiment que je trouve assez cool.

 

5 – 666 Black Monster – <3 (2016)


Pour le coup, c’est du punk plus classique. En même temps, le thème est super déprimant, et pourtant le morceau est presque enjoué. Ça fait très sympa, alors que ce que ça raconte n’est pas sympa du tout.

C’est clairement, ça, ouais. C’est clairement ça ! Encore une fois, quand tu composes une musique très punky, il y a un moment où tu cherches quand même à faire autre chose que tous tes prédécesseurs, du coup il faut avoir une bonne conscience de toi et savoir ce qui fait ta musique. Pour moi, c’est très enfantin, c’est un mélange de plein de choses que je peux aimer, mais la mélancolie et la tristesse en font partie. Rendre cette mélancolie de façon musicalement moins pesante, c’est quelque chose qui me plait beaucoup. Et pour moi, c’est important d’avoir ce genre de musiques. Avant, je les supprimais, je ne les mettais pas sur les albums. Quand j’avais des textes comme ça, je les gardais pour moi. Mais je trouve qu’ils ont un sens super important.

 

Tu les supprimais parce que c’était trop personnel ?

Non non… En fait, j’avais peur de pas être légitime à dire ça. Quand tu fais une chanson sur les grosses fesses, personne ne va te dire que c’est un sujet sérieux. Au pire, les gens trouvent ça absurde ou rigolent, mais personne ne va te juger là-dessus. Quand tu parles de trucs très intimes, tu finis par te poser des milliards de questions inutiles sur ce que les gens vont en penser. Tu te demandes si ça va être bien reçu, bien interprété. Mais à un moment, il faut y aller. J’ai des potes qui sont très cool, malins, intelligents, cultivés, et ils n’ont aucune place pour les discours cucul la praline, démago ou simplistes, ni les trucs très oniriques ou les chansons à message, et il n’y a aucun souci avec ça. Mais des fois, j’ai envie d’aborder un sujet plus grave juste parce que j’ai envie d’en parler. Là, le contraste de la musique entrainante est voulu, de même que le titre que je trouvais rigolo, hyper RPG (les jeux de rôle, sur console, NDR) un peu ado, tout en étant très sombre parce que ça parle de dépression.

Et puis c’est un sujet que tu peux pas vraiment aborder dans un autre contexte, dans la plupart des cas les gens s’en foutent, que tu sois dépressif. Limite, c’est mal vu, les gens ne veulent pas connaitre tes problèmes et ne veulent pas que tu leur parles de ta dépression. Finalement, quand tu le chantes, c’est exactement l’opposé qui t’arrive ! Les gens te disent que c’est hyper touchant, alors que dans la vie, c’est l’inverse.

Des fois, j’écris des musiques pour dire des choses précises à des gens précis, et là j’avais envie d’expliquer que, malgré mon caractère de merde, certaines choses sont plus profondes, c’est un truc qui te suit, qui est toujours là, qui est difficile à expliquer parce que quand tu es joyeux, les gens ne se disent pas qu’il y a autre chose derrière. Mais je pense aussi que c’est un truc qu’il faut comprendre, et ça commence déjà par le sortir de soi, d’où la musique. C’est pour ça que c’est très intime.

 

En public, ce morceau est beaucoup plus calme.

Quand je travaille un concert, je travaille une ambiance générale de tracklist. J’essaie que tout soit homogène, ce qui me fait changer certaines musiques. Ensuite, un concert c’est différent car tu transmets vraiment un truc palpable, et c’est pas enregistré, du coup c’est comme si tu dois lire un texte super triste en public et que t’as plus envie de sortir les gros subterfuges, c’est le moment pour ce truc intime car il y a 40 personnes qui sont prêtes à l’écouter. En faire une musique très douce, c’est presque de la rhétorique. Je me dis que ça passera mieux comme ça sur le moment. Je n’ai plus envie de transmettre l’énergie mais vraiment le texte. Dans un album, c’est différent, chacun va piocher son truc. Là, c’est instantané.

Donc, je l’ai écrite comme une chanson punk, mais j’ai très vite su que j’alternerai.

 

Il y a une petite faute d’anglais, c’est une marque de fabrique ?

J’écris en anglais et des fois, je laisse volontairement les fautes parce que je trouve ça beau. Comme pour la prononciation, je sais que j’ai un très mauvais anglais, mais des fois je trouve que la musicalité est mieux en prononçant mal. C’est dur à expliquer. Je vais mettre « more happy » au lieu de « happier », ou je vais prononcer « taste » à la française parce que ça me fait marrer. Je dois faire un dérèglement cérébral ! Souvent, c’est involontaire au départ mais je le vois au moment de l’enregistrer et ça me va comme ça. Parce que je suis un sale punk en termes de grammaire !

 




1 – Eels – Blinking Lights And Other Revelations (2005)

C’est un album qui clôt un gros axe pour le groupe, plus particulièrement le chanteur. Après, il a fait la trilogie Hombre LoboEnd TimesTomorrow Morning. C’est un gros double album très beau, très onirique, avec beaucoup de piano, de sitar, de mellotron, plein d’instruments. C’est un gros truc, il faut vraiment rentrer dedans. Les paroles sont très belles, beaucoup de réflexions sur la vie, la transition, ce qu’on retient, la tristesse, la dépression… E est un type hyper triste.

C’est mon album préféré de Eels, c’est un truc qui m’inspire. E, j’aime bien parce que c’est typiquement le genre de mec qui ose faire des trucs différents, changer de style d’un album à un autre, voire au sein du même album, mais en gardant toujours, par sa voix, par ses textes, par sa mélancolie, une sorte de constance qui est hyper belle, je trouve. C’est un des mecs qu’on sent le plus sincère dans sa musique. Personne ne peut dire que c’est de la posture, c’est clair, limpide, ses musiques sont tellement simples mais en même temps ont des arrangements de fou ; il peut les jouer avec des orchestres et tout ! Déjà, c’est un groupe que j’admire pour ça. Et cet album est un peu la quintessence de ça. J’ai l’impression que tout est dit dans cet album-là, quoi. Ce qui ne l’empêche pas de faire de bons albums après, mais bon. Il y a vraiment de bonnes pop songs sur plein de thèmes, et musicalement, c’est tellement varié, tellement complet, que pour moi c’est un sans-faute. La multiplicité des arrangements et des sujets évoqués atteint des sommets.

Clairement, c’est un disque qui me donne envie de faire de la musique, qui montre qu’on peut utiliser plein de sons, qu’on peut faire un double album, surtout que là chaque disque fait 20 chansons, ça ne manque pas de fond ! Personnellement, j’ai toujours peur que ce que je fais soit indigeste, et là c’est la preuve que quand c’est bien fait, ça ne l’est pas !  Je peux m’écouter les deux cd à la suite, comme ça.

 

Tu aimes tout dessus, donc ?

Justement. Il y a évidemment des morceaux que j’aime plus que d’autres, mais tout est tellement cohérent que sur les 1h30-2h du cd, tu es avec E, avec son groupe, tu es dans son délire. Et rien n’est en trop, ce n’est pas une question de tout aimer mais rien n’est à jeter. C’est un film, en fait, c’est quasiment une bande-son, c’est hyper visuel. C’est physique, comme musique, tu sens les images que la musique évoque, comme un film qui peut te foutre la chair de poule. C’est du cinéma.

 

Ça fait longtemps que tu l’écoutes ?

Depuis sa sortie en 2005. J’ai connu Eels un ou deux ans avant la sortie de cet album, je ne les ai pas connus par là. J’ai dû commencer par Beautiful Freak. Ensuite, j’ai un peu pioché à droite à gauche. Du coup, j’aimais déjà bien Eels, c’était pas mon groupe favori, mais ça commençait à monter. Et c’est cet album-là, je pense, qui les a fait passer à un de mes groupes favoris.

 

C’est un album qui t’a motivé à faire ta propre musique ?

Non, j’en faisais déjà un peu avant, mais c’est un album qui m’a fait trouver la poésie moins difficile à faire, plus naturelle. Comprendre que Baudelaire, c’est de la poésie, mais Miyazaki, c’est aussi de la poésie. Et c’est quelque chose que j’aime bien. On peut raconter des choses très tristes, très heureuses, très débiles, très cul avec une vraie poésie. Même une instrumentale peut être hyper poétique ! C’est un disque qui m’a permis de ne pas avoir honte d’être onirique, parfois. Même si ça peut faire hyper ado, genre fan de Burton qui dessine des fées, c’est cool de faire des petites allégories de la vie, des trucs comme ça. C’est Eels qui m’a apporté ça, je pense, et cet album-là en particulier.

 







2 – Dinosaur Jr – Beyond (2007)

Ça va te plaire ! (rires)

 

Effectivement, ça me plait !

Grand groupe devant l’éternel, un de mes groupes préférés, meilleur nom de groupe de la Terre, et… j’aimais bien. J’ai connu avec Where You Been, je crois, ensuite, j’ai eu Bug, et j’aimais le fait qu’ils fassent des trucs qu’on voit pas trop dans la pop, car ils ont quand même un côté hyper poppy, c’est noisy et en même temps, c’est audible par tout le monde, c’est hyper accessible !

 

En tant que gros fan prosélyte, je peux te dire que c’est pas audible par tout le monde, malheureusement !  Et puis, il y a la voix. 

Oui, la voix, c’est sûr. En même temps, j’ai toujours apprécié ce côté outsider, entre Sonic Youth qui en restant dans sa branche précise a acquis une légitimité énorme et Nirvana qui est le groupe mainstream par défaut. J’avais vu une interview où ils disaient clairement que finalement, ils étaient trop crados pour les gens qui cherchaient du mainstream et que les gens qui cherchaient du gros noise ne se retrouvaient pas dans leurs petites mélodies pop. Du coup, ils ont ce côté tellement le cul entre de chaises qu’ils jouent limite par terre, et c’est ça qui me plait !

 

C’est plus tout à fait vrai, depuis 2-3 ans il y a un intérêt, notamment médiatique, pour ce groupe qu’on n’avait pas vu avant, même quand ils se sont reformés en 2005.

Ouais, c’est vrai. Mais revenons à Beyond, parce que sinon on peut faire 2 heures sur Dinosaur Jr !

Beyond, c’est mon album préféré d’eux, parce que je trouve que c’est celui où on sent le plus de fun. Après, c’est peut-être de la projection, mais j’ai l’impression que tout est trop marrant, cool et sans complexe.

 

C’est vrai que quand on connait l’histoire du groupe, on peut dire qu’il n’y a eu du fun sur quasiment aucun autre avant ! (rires)

Sauf peut-être You’re Living All Over Me, ouais, et encore… La musique est globalement plus dark. Là, il y a une sorte de bienveillance sur tout l’album, presque comme un cadeau que se font des potes qui enregistrent un album pour eux-mêmes. J’ai vu qu’ils s’étaient reformés, je ne vais pas te mentir, je me suis juste dit « oh, c’est cool » et j’ai attendu peut-être un an ou plus avant de l’acheter. Je l’ai vu, j’ai trouvé la pochette belle, je l’ai acheté juste pour le plaisir d’acheter un disque de Dinosaur Jr et je l’ai vraiment aimé instantanément ! C’est la première fois, tous leurs autres albums j’ai dû les réécouter plusieurs fois. Là, tout marche ! Des fois je me dis qu’il n’y a rien que je devrais aimer, et j’adore tout quand même ! (rires) Y a des gros solos de guitare, des morceaux super longs… et en même temps, c’est l’album de rock cool que j’ai envie d’écouter tous les aprems ! Il est très bien écrit, super efficace au niveau des mélodies, assez bourrin et en même temps, il me fait presque rire, pas dans le mauvais sens du terme. Rien que le début, c’est le meilleur début d’album possible (il reproduit à la bouche l’intro d’« Almost Ready »), c’est ultra direct et en l’entendant, je me suis dit que je voulais faire ça ! Maintenant, tous mes albums commencent par un solo, parce que c’est vraiment parfait, on peut pas faire autrement ! C’est une évidence, c’est du génie !

 

T’as la même chose sur « Out There », mais ça fait dépressif.

Carrément, oui, alors que là c’est vraiment un « salut les gars ! » super enjoué, comme si des gros punks avaient voulu retourner Friends, quoi ! (rires) C’est vraiment une ambiance que j’aime particulièrement. Et musicalement, bien sûr, ils sont toujours au top, trop cools, le son est hyper bien, crade mais pas trop. Pour le coup, vu qu’on parlait d’accessibilité, je pense que tout le monde peut écouter Beyond, ou quasiment. Les gros singles sont vraiment hyper poppy, hyper cool.

Il y a une de ces énergies, aussi…C’est vraiment le genre d’album que j’ai envie de faire si un jour je monte un groupe. Se marrer, juste envoyer des chansons pop, voire un peu plus compliqués, mais qui reste dans un esprit cool, juste 11 chansons, avec deux chanteurs, en plus, où tout est cohérent. Si t’as pas connu Dinosaur Jr ensemble, avec Lou Barlow, du moins, tu mets le cd et tout est dit, j’ai l’impression. Je savais que j’allais aimer, et j’ai aimé directement. Pour ça, il mérite d’être dans ce classement !

 







3 – Blink 182 – Dude Ranch (1997)

J’ai hésité à mettre Rocket To Russia des Ramones à la place, vu que c’est un des disques que j’ai le plus écouté dans ma vie, mais tout le monde le connait, et tout a été dit. Je trouve ça plus intéressant de parler de Dude Ranch qui est pas trop connu. Enfin, pour moi, Blink, il y a Buddha/Cheshire Cat qui est quasiment le même album, avec un côté lo-fi hyper crade et vraiment cool, du skate punk dans ce qu’il a de plus poppy et cool. Du coup, j’ai aussi hésité avec celui-là, que j’ai découvert il y a super longtemps, avant leurs gros albums hyper mainstream. Je trouvais qu’ils avaient un côté hyper amateur touchant. Dude Ranch est leur deuxième album, j’étais mitigé car il est déjà plus produit sauf que, en étant honnête, au niveau des mélodies, il n’y a pas mieux en terme de skate punk. Mais, il faut passer au-delà des blagues graveleuses, car c’est l’album des blagues graveleuses : la couverture, c’est un taureau qui a de grosses couilles, toutes les chansons parlent de baiser, de blagues zoophiles, vraiment très limites…

Mais justement, c’est aussi ça, l’adolescence ! Tu ne peux pas juste choisir ce qui est cool et occulter les côtés merdeux, les blagues de beaufs, les vieux quarterbacks, aussi. En ça, je trouve que c’est le meilleur album de Blink, car franchement, toutes les musiques sont bien. Je peux vraiment les écouter en boucle

 

Il y a au moins « Dammit », qui est peut-être leur meilleur.

Ouais, c’est leur meilleur, mais y a aussi « Apple Shampoo », « Emo », « I’m Sorry »… la seule chose que je regrette, c’est qu’il n’y a pas « Carousel », que j’aime beaucoup. Mais encore une fois, c’était difficile de choisir entre celui-ci et Cheshire Cat qui a « Carousel », « Wasting Time », « M&Ms », plein de grosses musiques hyper cool, mais je trouve que finalement, au nombre de musiques que j’aime bien… Je jette rien dans Dude Ranch, hormis l’humour pourri qui des fois me soule. C’est comme ça. Et c’est ce que j’aime dans l’adolescence !

 

C’est un groupe auquel tu es particulièrement attaché, du coup ?

Franchement, ouais. Quand tu es jeune, tu peux écouter de la musique de merde. Blink est considéré comme ça, mais quand t’es ado, tu t’en fous. Quand j’écoutais ça, j’écoutais Offspring, ou ce genre de trucs. Tu t’en fous, jusqu’au moment où on te dit que c’est de la musique de merde, et que tu commences aussi à écouter de ton côté des trucs plus techniques, tu remontes le temps, tu te rends compte de ce qu’est le punk à l’ancienne, les Clash, les Ramones, les Damned, tous ces trucs-là que j’aime bien, d’ailleurs. Puis tu découvres d’autres styles de musique, tu remontes les années, moi j’ai découvert comme ça des trucs comme Bob Dylan qui sont considérés unanimement comme de la bonne musique, limite savante, et tu te mets à charrier les gens qui écoutent des trucs comme Blink comme s’ils écoutaient Kyo, tu vois. Sauf qu’en fait, c’est très snob de faire ça.

Car dans le fond, un groupe comme Blink possède une énergie jeune, conne, limite teen movie que d’autres groupes plus sérieux ne peuvent donner. C’est de la musique, chaque artiste t’apporte un truc précis, tu peux pas jarter carrément tout un pan de la musique parce que tu as vieilli, c’est vraiment renier une part de soi. Alors bien sûr, tu peux t’en écarter, il y a plein de groupes que je ne réécoute jamais, dieu merci, je n’écoute pas que des trucs d’ado !

 

Il n’y a que JL qui fait ça, vu qu’il n’écoute que RATM, Deftones ou Nine Inch Nails*.

Non, ça je peux pas. On ne va pas parler de Deftones, ça va m’énerver ! Mais en plus, c’est ça, j’ai l’impression qu’il y a des groupes qui sont hyper teenage mais qui ont meilleure presse parce qu’ils sont dans une posture plus torturée, et je trouve que ce côté très gogol et très primaire de Blink est justement fait pour que les adultes trouvent ça débilou.

 

Personnellement, ce qui me gêne avec ce groupe, c’est que j’ai l’impression d’écouter du punk pour gars cool. Je préfère la musique de losers.

Je pense que ces mecs sont des winners car ils ont signé sur une major, ils sont sur MTV, ils se sont fait repérer, mais justement sur des trucs comme « Carousel », ils savent pas chanter et tout est hyper crado. Il y a un moment dans Edam où je cherchais à toujours faire mieux en terme technique, plus élaboré, et je pense que ça s’est vu. L’écoute des premiers albums de Blink 182 m’a décomplexé avec ça. Enema Of The State est très efficace aussi, mais c’est plus un produit. Dude Ranch, comme Smash d’Offspring, est encore entre les 2, très mainstream mais avec encore un côté indé, pas encore complètement corrompu. Mais en même temps, comment ne pas changer ? Blink, au départ, c’est trois mecs débiles qui sont tout le temps entre eux, qui se font virer du lycée, qui n’arrivent pas à choper, qui écoutent les Ramones et Dinosaur Jr, qui font de la musique plus conne parce qu’ils n’ont pas le niveau. Mais il y a quand même des super riffs, de super mélodies, si on enlève tout l’enrobage. Les lyrics m’ont toujours soulé, mais la musique est belle. Enfin, je pense que ça me soule parce que j’ai vieilli, mais disons qu’aujourd’hui je me dis plus que c’est rigolo parce qu’ils parlent de sexe. Mais cette énergie, ces riffs, il y a une cohérence qu’ils perdent après, même sur Enema ou c’est surtout des tubes qui s’enchainent. C’est vraiment un groupe Nintendo, je sors faire du skate, je rentre jouer à la super, et c’est une ambiance très importante quand je crée, j’essaie toujours de garder ce truc-là, de faire de la musique simple et cool. Finalement, quand je fais un EP avec que des musiques qui font 1 minute 30, ça vient de là.

Aujourd’hui, il y a une sorte de panthéon punk, et je trouve ça paradoxal en soi, c’est pas un mouvement dans lequel il devrait y avoir des groupes qu’il faut aimer et d’autres non. Chacun devrait y trouver ce qu’il veut. Bien sûr, si demain on vient me dire que Simple Plan c’est du punk, ça peut faire mal, mais le mot ne nous appartient pas, quoi. Et là, en l’occurrence, qu’on me prouve que leur démarche à l’époque n’est pas punk ! Des ados débiles qui parlent de cul et qui font la musique qu’ils veulent, et qui est au départ beaucoup moins accessible que des groupes comme Offspring, des musiques sans couplet, sans refrain, avec des solos foirés…

 

C’est peut-être la mode Tony Hawk qui me donne cette image.

Pour moi, c’est l’inverse, c’est ce genre de culture qui a amené à ce que ça marche. NoFX ou ce genre de groupes ont rendu cool un truc qui l’était pas. NoFX, c’était super hardcore, peut-être jusqu’à Pump Up The Valium. Blink, au départ, c’est limite inaudible. Et pour moi, ils sont plus touchants, c’était vraiment des outsiders. Le problème, c’est que c’était des petits cons imbus un peu teubés, et c’est cool tant qu’on leur donne pas des moyens de ouf. Dès qu’on leur donne, vu que ce sont des petits cons, ils en font n’importe quoi. Et les deux leaders sont insupportables aujourd’hui, et le groupe ne sert à rien. En fait, Dude Ranch c’est le genre d’album qui peut quasiment être fait qu’à cet âge-là, je trouve ça beau. Et c’est un truc qui marque une époque, avant que le skate soit hyper cool. Et mélodiquement, ça reste crasseux, la batterie est quasiment pas dans le temps et fait n’importe quoi… Pour moi, c’est plutôt de la grosse pop hyper noisy. Un son crade, une voix hyper geignarde ado et des mélodies imbuttables. Allez au-delà des préjugés, écoutez le tout début de Blink, c’est très bien. Voilà !

 







4 – Paul Baribeau – Unbearable (2010)

C’est un folkeux américain indépendant, pas trop connu. En fait, je pense que j’ai commencé à assumer de faire des concerts tout seul en écoutant Paul Baribeau. Parce que c’est un des rares artistes folk, avec peut-être Dylan à la grande époque, où tu te fais pas chier en concert. Il a l’air d’avoir une communauté de fans de ouf, ils mettent une super ambiance. Lui a l’air d’être très indé, il dessine un peu et il a un jeu de guitare hyper punky sur acoustique. Et en le voyant, je me suis dit « je sais faire ces trucs-là », je sais jouer de la guitare, pas de fausse modestie, car avant, avec l’acoustique pour un fan de punk, j’avais peur que ce soit trop mou, ou trop creux sans basse-batterie. Lui fait du punk-folk et ça marche très bien !

Cet album est vraiment cool, c’est la même musique répétée 10 fois et ça marche trop, j’aime trop toutes les musiques…en même temps c’est les mêmes ! (rires)

 

C’est un reproche qu’on fait beaucoup aux Ramones, par exemple.

Voilà. Je trouve que quand c’est bon, c’est pas grave. Là, c’est vraiment cool, et ce n’est pas facile d’arriver à transmettre une énergie pareille, une énergie punk avec juste une guitare et une voix. Ça m’a ouvert à plein de groupes folk punk. Et c’était ce qui me manquait dans Edam, je complexais de faire tout seul alors que j’avais envie d’avoir un groupe. Ça m’a permis de comprendre que tu peux enregistrer tes morceaux comme tu veux, en les jouant juste acoustiques sur scène ça peut avoir de l’énergie.

 

Du coup, tu as viré tout le monde ?

J’avais déjà viré tout le monde, mais j’avais arrêté les concerts ! (rires) Je n’en faisais plus vu que j’étais seul et ça m’a redonné envie d’en faire. En plus, dans les thèmes on a de la rupture en veux-tu en voilà, ça me parle.

 

Ça parle de grosses fesses aussi ?

Non, pour le coup c’est assez innocent, hyper mignon. C’est un gros barbu canadien hyper timide qui fait des petites chansons de rupture et ça accroche vraiment. Ça a vraiment ce côté poésie de la rupture que j’aime bien. Pas d’insulte ou de pathos, une mélancolie de petites choses, comme qu’ils buvaient des litres de Mountain Dew ensemble. Une boisson qu’on n’a pas trop en France. Enfin, on en trouve dans mon super marché que je ne citerai pas pour ne pas faire de pub, mais pas partout, quoi. C’est du punk Mountain Dew, on va dire. (Rires) Et je trouve ça cool, ce punk léger et acoustique. Et ça marche ! Et c’est très punk.

Surtout, c’est cool de voir qu’il y a un mouvement que t’adores et qu’il y a tout un pan de ce mouvement que tu ne connais pas. Encore plus quand c’est exactement ce que tu voulais faire à ce moment-là, que ça te donne la dernière arme pour faire ce que tu veux.

Donc Paul Baribeau, c’est bien, et c’est trop peu connu. Ça mériterait d’être plus connu…

 

… Que Blink 182, par exemple.

Voilà ! Blink, c’est cool mais ça reste de la junk food. C’est gras, mais on va pas se mentir, des fois ça fait plaisir. Paul Baribeau, ça me transporte. En plus ; pour lui, j’aime la musique et les textes. C’est un de mes albums préférés de la décennie.

 







5 – Kimya Dawson – Remember That I Love You (2006)

J’ai hésité entre ça et l’album bleu de Weezer, mais je pense qu’il est plus connu. Juste un mot, quand même, l’album bleu est le meilleur pour moi, je trouve que c’est le plus pur, le plus touchant, c’est l’album pop par excellence. Si quelqu’un me demande de lui faire écouter un album de pop rock, ce sera très certainement celui-là. C’est mon standard.

Kimya Dawson, ex-Moldy Peaches, j’aurais pu choisir un album du groupe, d’ailleurs. C’est une influence énorme sur les premiers trucs d’Edam Edam, j’aurais pu citer toute cette scène. Ou Daniel Johnston, le premier qui m’a fait comprendre qu’un truc très mal enregistré pouvait être cool ! C’est très dur de se cantonner à 5 disques, mais celui-ci, c’est certainement le premier de cette mouvance très lo-fi, folk que j’ai écouté. En tout cas, si je suis sincère, c’est le premier de ma vie qui m’a donné envie de chanter. Je faisais déjà de la musique, mais avant ça il était hors de question que je chante.

 

Tu as commencé la musique jeune ? Tu as une formation musicale classique ?

Non, pas du tout. J’ai commencé au lycée, puis j’ai fait une fac de musicologie que j’ai quittée très vite. C’est vrai que j’ai une certaine dextérité, mais mon style de jeu est très naturel. Bien sûr qu’il y a du travail derrière, mais honnêtement je ne me suis jamais trop pris la tête, ça venait comme ça. En fait, la musique, c’est vraiment une logique que j’ai compris assez vite. Et c’est sûr que plus tu pratiques, plus tu évolues. Quand j’ai commencé à jouer, je me suis rendu compte très vite que je n’aimais pas trop les reprises, alors il fallait que je trouve des trucs à jouer. Donc avant de savoir ce qu’est un accord, tu essaies de trouver des cordes qui sonnent bien entre elles, puis quand tu comprends ce que c’est, tu essaies de trouver des rythmiques, de pousser le truc plus loin, puis des fois tu te rends comptes que tu vas trop loin et que c’est hyper compliqué… Moi, j’aime faire des chansons à deux accords puis essayer de rajouter des conneries derrière, c’est pour ça que j’ai acheté un clavier et c’est dans cette démarche que j’ai appris à en jouer. C’est vraiment du Do It Yourself pur et dur, en fait !

 

Et donc c’est Kimya Dawson qui t’a motivé à chanter.

Kimya Dawson, pour le coup, chante avec une voix particulière, un peu éraillée, avec une diction hyper rapide. Vu que dans Edam et dans la vie je parle quand même assez vite, ça m’a en quelque sorte montré que j’avais le droit de faire ça. Ça m’a vraiment donné la permissivité…

 

La permission, peut-être ?

(rires) Oui, je me suis senti la permission de chanter comme ça. Ça m’a montré que ça peut être musical quand même. Je trouve cet album fondamentalement cool, avec encore une fois rien à retirer. J’ai découvert après, en progressant en anglais, que l’écriture est top. Mais vraiment, ce qui m’est apparu dès le départ, c’est tout ce qui est un peu enfantin, joyeux, qu’on t’interdit un peu de mettre dans de la musique « rock ». C’est de la musique « sérieuse », et c’est difficile de faire quelque chose d’hyper sucré, bubblegum et vraiment enfantin, petite rengaine. Je trouve cette démarche hyper indé et respectable, du coup. Ça, plus le côté lo-fi, c’est le truc qui m’a le plus ouvert à la musique. Après, j’ai réécouté Moldy Peaches que je connaissais déjà un peu, j’ai écouté Adam Green seul, même Paul Baribeau j’ai découvert plus tard que c’était un pote de Kimya Dawson ! Une grosse partie de ma base musicale vient de là. Tout le côté lo-fi me vient de là. Même Sebadoh, j’ai connu par ce biais-là, je connaissais déjà Dinosaur Jr mais je n’avais pas regardé ce qu’avait fait Lou Barlow en solo. Je suis tombé dessus en cherchant des groupes lo-fi, peut-être dans google. Et j’ai beaucoup aimé aussi. Donc même les projets de Lou Barlow en solo, qui me parlent beaucoup, découlent du fait que j’ai découvert Kimya Dawson et toute cette imagerie de fait à la maison, avec tout le mouvement anti-folk. Aujourd’hui, c’est décrit comme une mode passagère, mais je suis vraiment tombé dedans à l’époque, et c’est pour ça que les tous premiers Edam ressemblent à ça, ça n’a rien d’étonnant. Après, il y a des influences comme Eels ou le punk teenage qui m’ont permis de ne pas faire juste de l’anti-folk de base, mais les premiers trucs que j’ai sortis, c’était clairement dans ce genre-là.

 

C’était en groupe, à l’époque. Vous étiez sur la même longueur d’onde ?

Oui, c’était avec Benjamin et ce qui était cool, c’est qu’on faisait beaucoup de musique ensemble, des trucs très rock instrumentaux. On aimait bien créer ensemble. Lui était un gros fan de Sonic Youth et de rock indé, mais aussi de trucs plus bricolos lo-fi. Quand je me suis mis à écouter de l’anti-folk, il connaissait déjà un peu, et on s’était dit que quand on aurait la flemme de faire du gros rock noisy, ou quand l’installation ne le permettrait pas, on pourrait faire des chansons vite-fait en écrivant des paroles un peu débiles sur quelques accords. C’est comme ça qu’Edam est né, et c’était même notre side-project, à la base. Mais le projet principal, qui s’appelait Plastic Train, n’a finalement jamais abouti.

En fait, dès que j’ai commencé à écrire des paroles, c’est comme si je pouvais faire ce que je faisais en bd, mais en musique. C’est une sensation énorme, tout le monde devrait avoir un groupe pour savoir ce que c’est ! Tout le côté fun de composer avec quelqu’un, enregistrer des morceaux, les presser sur un cd gravé ou les jouer en live, pouvoir les partager… Et on bossait énormément, on se voyait beaucoup pour faire plein de musique, on était d’accord sur notre manière de créer très instinctive. On s’échangeait même nos enregistrements par MSN en envoyant la musique acoustique puis en rajoutant des trucs, et quand on se voyait on les jouait. C’était cool. Et même s’il a complètement changé de style musical, il a toujours cette démarche de son côté. Mais je pense que pour lui, Edam Edam, c’est son adolescence, enfin, on avait 20 ans, mais c’est sa jeunesse, ses années fac. Il est passé à autre chose, il n’a plus le temps pour ça, mais je pense que si on se revoyait pour faire du Edam, ça pourrait être cool.

 

Interview réalisée par BCG, dessins signés Shyle Zalewski

 

*Private joke cherchant à atteindre sournoisement le rédacteur en chef, lequel ne se sent nullement touché par cette attaque illégitime et de bas niveau (même si RATM, Deftones et NIN restent des groupes géniaux).

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